Bestiaire monstrueux
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Sous les corniches, la joyeuse population des modillons manifeste un monde où le fabuleux côtoie le réel dans sa quotidienneté la plus banale.



Un homme dévoré par une créature fabuleuse.
Eglise Saint-Nicolas de Maillezais, bâtie vers 1140 Vendée.
Les modillons sont souvent des remplois ou ont fait l'objet de restauration radicale au XIXe siècle.



Un homme dévoré par un être fantastique.
Eglise
Saint-Nicolas de Maillezais, bâtie vers 1140, Vendée.
Les modillons sont souvent des remplois ou ont fait l'objet de
restauration radicale au XIXe siècle.



Un homme dévoré par un chien.
Eglise Saint-Léger-lès-Melle ( Saint - Léger de la Martinière depuis 1972 ),
Deux-Sèvres, XIIe siècle.



Avoir les yeux plus grands que la gueule.
Eglise Saint-Léger-lès-Melle ( Saint - Léger de la Martinière depuis 1972 ),
Deux-Sèvres, XI e siècle.



Il ne reste plus grand chose !
Eglise Saint-Léger-lès-Melle ( Saint - Léger de la Martinière depuis 1972 ),
Deux-Sèvres, XIIe siècle.



Un être ingurgite péniblement une tête humaine. Le personnage fruste, les yeux grand ouverts,
fait effort pour écarter sa bouche afin de faciliter le passage de la tête de sa victime.
Herment, une collégiale austère édifiée vers 1145, Puy-de-Dôme.



Ce sont les yeux clos que ce second personnage absorbe une tête
au visage bien serein. Faut-il y lire un message ?
Dans ces deux derniers cas le ciseau a plus de mal à travailler la pierre volcanique
que dans les modillons précédents en calcaire.
Cependant, l'artisan a réussi à donner une certaine expressivité à ses réalisations.
Herment, une collégiale austère édifiée vers 1145, Puy-de-Dôme.

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Au lieu de voir seulement dans toutes ces figures des êtres monstrueux en train de dévorer
à pleines dents de pauvres hommes, ne convient-il pas aussi, en allant plus avant dans une lecture au second degré,
de voir des illustrations de l'expression " une passion dévorante " ?
Les personnages engloutis auraient échoué à maîtriser une passion à laquelle finalement ils ont succombé.
Eglise Saint-Pierre,
Aulnay-de-Saintonge, Charente-Maritime, seconde moitié du XIIe siècle,
classée au patrimoine mondial de l'UNESCO.

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* Masque de félin avec une petite tête dans sa gueule.
* Masque cornu se léchant les babines !
Octogone de Montmorillon, Vienne, fin du XII e siècle.



Chat à la bille.
Ancienne abbaye de
Nouaillé-Maupertuis, Vienne, du XIe au XVIIIe siècles.



Chat à la bille : variante.
Saint - Savinien, église la plus ancienne et la plus petite de
Melle,
Deux-Sèvres, à partir du XIe siècle.



Une variante auvergnate de l'animal à la boule ( symbole de l'unité ? ).
Eglise de
Thuret, Puy-de-Dôme, XIe-XIIe siècles.



Goulu !
Saint - Savinien, église la plus ancienne et la plus petite de
Melle,
Deux-Sèvres, à partir du XIe siècle.



Tête de chat de la bouche duquel sortent des éléments végétaux..
Face sud-est de l'abside de l'église
Saint-Nicolas de Maillezais, Vendée.




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Sous les toits la liberté d'inspiration semble élevée.
Mais quel est le sens général de ces ornementations ? S'il existe, il demeure souvent vague ou obscur.
L'imaginaire médiéval est peuplé de monstres. S'ils ont un rôle esthétique ces décors ne sont-ils pas aussi parfois
chargés de symboles directs ou indirects ?
D'une façon générale, il semble qu'on ait désiré mettre en avant la crainte que doive inspirer l'effroi chez les populations ;
l'emprunt aux arts orientaux des formes matérielles les plus horribles participe vraisemblablement de cette volonté.
Si les forces du mal et leur chatiment sont partie intégrante de la culture de l'époque, il restera souvent difficile de cerner en toute certitude la part qu'il convient d'attribuer à l'ornementation ou au symbolisme.
Il est sûr que des transferts de symboles par copie ou par libre interprétation d'objets venus d'Orient ont eu lieu.
Mais, dans quelle mesure aussi ces figurations étranges, une fois empruntées, étaient-elles considérées à titre décoratif ?