Modillons à thèmes
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Comme les chapiteaux, mais dans un espace encore plus contraint, ces modillons mettent en scène des sujets privilégiés, une histoire.

** Des modillons parmi les plus fameux.



Touchante tendresse d'un couple.
Eglise Saint-Pierre, Aulnay-de-Saintonge, Charente-Maritime, seconde moitié du XIIe siècle,
classée au patrimoine mondial de l'UNESCO.



Les amoureux
Sainte-Ouenne, Deux-Sèvres.



Les amoureux ? Mais si on regarde plus attentivement, on s'aperçoit que les deux partenaires ont une auréole au-dessus de leur tête.
Ne faut-il pas alors faire une lecture au second degré de cette sculpture ?
Eglise Saint-Pierre,
Aulnay-de-Saintonge, Charente-Maritime, seconde moitié du XIIe siècle,
classée au patrimoine mondial de l'UNESCO.



Ces " amoureux " possèdent également une auréole.
Cette réunion du féminin et du masculin peut signifier une image d'unité.
Façade occidentale de l'église
Saint-Nicolas de Maillezais, Vendée.



Un homme brandissant une masse.
Eglise de
Foussais - Payré, Vendée, XI e, remaniée au XV siècle.
Des sculptures d'animaux en très faibles reliefs sont insérés entre les modillons.

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Hommes d'armes habillés de pied en cap.
Eglise Saint-Pierre, Aulnay-de-Saintonge, Charente-Maritime, seconde moitié du XIIe siècle,
classée au patrimoine mondial de l'UNESCO.



Un homme brandissant une masse.
Eglise de
Vouvant, Vendée, début du XII e siècle.



Têtes couronnées.
Parties romanes de l' église Notre-Dame d'
Angles,
par ailleurs de style gothique poitevin, Vendée.



Etreintes de lutteurs.
Eglise Saint-Nicolas de la
Chaize-Giraud, XII e siècle, Vendée.

** Des scènes cocasses.





Concours de grimaces.
Parties romanes de l' église Notre-Dame d'
Angles,
par ailleurs de style gothique poitevin, Vendée.



Un joyeux luron buvant à même le tonnelet.
Eglise de
Foussais - Payré, Vendée, XIe, remaniée au XVe siècle.



Cela vous chatouille ou cela vous gratouille ?
Eglise Saint - Pierre,
Melle, Deux-Sèvres, XIIe siècle.



Personnage au bovidé.
Le réalisme et la vraisemblance ne sont pas les caractéristiques majeures
de cette oeuvre largement indifférente à toute idée de proportionnalité.
La main est notoirement exagérée. Mais, si c'est délibérément que les différentes proportions
des constituants de la scène ont été accentuées quelle en est la mesure de leur poids symbolique ?
Façade romane de l'ancienne église priorale,
par ailleurs remaniée en style gothique flamboyant au XVe siècle,
Benet, Vendée.




Plumage d'une volaille.
Eglise Saint - Pierre,
Melle, Deux-Sèvres, XII e siècle.




Un lanceur de boulet qui a perdu la tête au cours de l'histoire !
Façade romane de l'ancienne église priorale,
par ailleurs remaniée en style gothique flamboyant au XV e siècle,
Benet, Vendée.




Gourmet ? Plutôt gourmand puisque le partage de cette galette entière ne semble pas à l'ordre du jour...
Le mangeur de galette est-il une pure figure de style ou cache-t-il une lévocation symbolique ?
L 'important pour l'être humain n'est pas seulement le pain ;
la dimension spirituelle ne saurait être négligée.

Eglise Saint - Pierre,
Melle, Deux-Sèvres, XII e siècle.



Masque humain tirant une longue langue. Représentation incongrue
ou symbolisation de l'importance de la parole ?

Corniche sud de l'église Notre-Dame de la Peyratte, Deux-Sèvres, XIIe siècle.



Oiseaux à la boule.
Eglise Saint - Pierre,
Melle, Deux-Sèvres, XII e siècle.

**Modillons à symbolisme implicite ou explicite.


L'avare et sa cassette.
Comme de nombreux chapiteaux, ce modillon illustre le thème de l'avarice et implicitement sa condamnation.
Ici, la double dimension ornementale et éducative de l'oeuvre peut être largement reconnue.
Face sud-est de l'abside de l'église
Saint-Nicolas de Maillezais, Vendée.



Le tireur d'épines.
Il s'est arrêté sur le bord du chemin pour s'extraire une écharde du pied.
Au second degré peut-être faut-il saisir que le personnage s'extirpe le mal du corps ?
Eglise de
Foussais-Payré, Vendée, XIe, XVe et XIXe siècles.

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Centaure-sagittaire. Deux clichés complémentaires sont nécessaires pour bien saisir l'ensemble.
Ancienne église priorale de
Verrines-sous-Celles, Deux-Sèvres, XIIe siècle.



Un homme écartant les commissures de ses lèvres tire la langue.
Simple grimace ou évocation plutôt de l'importance de la parole ?
Eglise Saint-Pierre,
Aulnay-de-Saintonge, Charente-Maritime, seconde moitié du XIIe siècle,
classée au patrimoine mondial de l'UNESCO.



Ce disque marqué d'une croix évoque probablement une hostie.
Ici, le symbolisme s'impose de lui-même ; on est en présence d'une représentation de l'Eucharistie.
Ancienne église priorale Saint-Nicolas de
Civray, Vienne, dernier tiers du XII e siècle.



Cet autre modillon, un peu plus loin sur la même corniche médiane, attire l'attention :
un âne semble manger une hostie.
N'est-on pas en présence d'une évocation d'un texte où saint Paul parle de celui qui
mangerait le pain eucharistique sans y reconnaître le corps du Christ ?
" Cet homme qui communierait sans savoir ce qu'il fait, serait alors semblable à un âne
qui mangerait l'hostie " (
Chanoine Morillon, Les amis du pays civraisien ).

Ancienne église priorale Saint-Nicolas de Civray, Vienne, dernier tiers du XIIe siècle.



Est-ce également une hostie que mange cet être cornu?
On serait alors devant une autre représentation du sacrilège du sacrement.
Corniche sud de l'église Notre-Dame de
la Peyratte, Deux-Sèvres, XIIe siècle.



Les modillons de la corniche richement ornée représentent le Christ - fortement endommagé - entouré des symboles des quatre évangélistes.
La scène bien fouillée avec ses métopes entre les modillons est bien mise en valeur par le beau calcaire blond de la région.
Portail ouvrant au midi.
Eglise Saint - Pierre,
Melle, Deux-Sévres, XIe et XIIe siècles.



Gros plan : l' homme symbole de saint Mathieu.
Eglise Saint - Pierre,
Melle, Deux-Sévres, XIe et XIIe siècles.




Détail d'un des symboles évangéliques : le lion ailé de saint Marc.
Eglise Saint - Pierre,
Melle, Deux-Sévres, XIe et XIIe siècles.



Détail d'un des symboles évangéliques : saint Jean représenté par l'aigle.
Eglise Saint - Pierre,
Melle, Deux-Sévres, XIe et XIIe siècles.



En oraison ?
Saint - Savinien, église la plus ancienne et la plus petite de Melle,
Deux - Sèvres, à partir du XIe siècle.



Deux oiseaux buvant dans un même vase : un thème fréquemment
rencontré sur les chapiteaux.
Eglise Saint - Hilaire,
Melle, Deux-Sèvres, fin XI e-début XIIe siècles.


La curieuse figure de ce modillon - animal plutôt qu'homme ( peu importe c'est toujours de l'homme dont il s'agit ) - est
réalisée de façon telle qu'elle ne peut regarder devant elle mais seulement derrière elle...
L'être humain trop tourné vers le passé oublie le présent.
Eglise rurale de
Marnes, Deux-Sèvres.

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Au final, une interrogation peut être formulée : à l'époque romane,
les ornements, par-delà leur valeur décorative, avaient-ils aussi une dimension éducative ?
Au Moyen-Age, l'imagier, que constituaient les sculptures majeures des chapiteaux,
voussures et tympans et celles plus modestes des modillons, avait pour objet de décorer,
mais aussi d'instruire et d'édifier.

Si on ne peut pas parler, à propos des corniches, de projet symbolique global,
il semble en revanche, que la présence de certains modillons,
considérés séparément, ne soit pas fortuite. Ils peuvent cacher un message,
revêtir une dimension symbolique.
Il en est ainsi, on l'a vu ci-dessus, à propos du pain eucharistique ;
il en est de même, en ce qui concerne les allusions aux péchés capitaux
( le cas de l'avarice, par exemple ), ou pour certaines représentations monstrueuses ( la passion dévorante ).

A l'époque romane l'église, havre de paix et de salut, était largement considérée
comme environnée par des forces menaçantes ; il n'est donc pas surprenant
qu'au-delà de la truculence et de la dimension décorative de la plupart des modillons,
il y en ait certains qui, à l'instar des chapiteaux, puissent évoquer indirectement
les thèmes du Péché, du Mal ou du châtiment.

De nos jours la force expressive de l'imagier demeure même si son sens plénier
n'est pas toujours retrouvé.