Un point de vue du Sud :
engagement social, solidarité et christianisme

Cardinal Oscar Rodriguez Maradiaga




«  Les seules valeurs qui définissent les objectifs sont le succès financier et social, la beauté, les jolis vêtements, si possible de marque américaine, il n’y a pas de place pour le spirituel.
Dieu n’a pas sa place. Et pourquoi l’aurait-il d’ailleurs ? A quoi sert Dieu quand je parviens à obtenir une bonne situation, une bonne santé et une belle famille ? Il ne m’apporte rien de concret, je me débrouille très bien sans Lui, et aujourd’hui seul le résultat compte.
... Que disent et que font les prêtres ? Ils prêchent, et parlent, parlent de questions théologiques. Rien sur le quotidien politique, économique, social, sociétal, culturel? Du coup, le représentant de l’église catholique apparaît comme un être poussiéreux, d’un siècle passé. Difficile de parler de Dieu à une époque qui pense ne pas en avoir besoin....( p. 212 )
On ne peut pas célébrer l’eucharistie le dimanche et ignorer les fidèles déshérités le reste de la semaine, surtout quand ils viennent frapper aux portes de la paroisse. Aider une famille à reconstruire son toit, trouver une solution pour qu’elle puisse avoir un bout de pain n’équivaut pas à faire de la politique. C’est une grande méconnaissance du terrain que d’asséner des affirmations aussi décalées. Le prêtre doit prier, c’est un fait et une cause entendue, mais son action ne peut se limiter à la pénombre de l’Eglise. Il doit être dans la vie de chacun.
Notre modèle pastoral est obsolète, nous ne pouvons continuer à l’utiliser comme base de travail. Trop de passivité régit nos communautés qui vivent une pastorale de masse, jamais personnalisée.
La rénovation demandera aux évêques et aux prêtres de consentir d’importants efforts pour apporter la parole de Dieu à tous ceux qui en ont besoin. Trop de fidèles attirés par d’autres obédiences nous ont quittés parce que nous étions endormis et distants.»( p. 154 )


Extrait de Oscar Rodriguez Maradiaga " De la difficulté d’évoquer Dieu dans un monde qui pense ne pas en avoir besoin ", Paris, Robert Laffont, 2008.

Le cardinal de la capitale du Honduras part du présupposé que la vie ne se résume pas à la simple accumulation de biens ; c’est une route à tracer même s’il faut ramer à contre-courant. La foi que l’on puise dans la Bible est une source dynamique. Le christianisme ne se porte pas avant tout comme un drapeau. C’est d’abord une aventure intérieure ; c’est ensuite une base favorisant l’ouverture aux autres. L’Eglise doit se démarquer des idéologies, mais ne doit pas tourner le dos au monde. Le cardinal de Tegucigalpa a fait de la lutte contre la pauvreté le combat de sa vie. Pour lui, tant l’avenir du monde que l’avenir de l’Eglise passe par la question sociale. La fraternité demeure la grande force du christianisme. « La solidarité est une réponse chrétienne à la pauvreté. Cette idée doit être plantée dans le coeur de l’humanité. » Le cardinal hondurien menant une véritable croisade contre la pauvreté milite pour une vraie mondialisation de la solidarité. En ce sens il est dans la lignée des Helder Camara ou Oscar Romero.