ROUTES HUMAINES AU XXe SIECLE : ASPECTS DE LA MODERNITE


Des dizaines de millénaires nous ont fait ce que nous sommes. Cette prodigieuse aventure va conduire de l'outil en pierre aux accélérateurs de particules ou au décryptage du génome humain, mais cela s'inscrit dans le temps long de l'évolution. Pour ne s'en tenir qu'aux derniers millénaires, la vie des enfants des étoiles, de la Terre et de Lucy/Toumaï s'est déroulée en accord avec la nature, les éléments, les saisons. On peut penser que pour l'homme de ces temps lointains la nature était autant objet de crainte que de vénération. L'homme, composante de la nature, en tirait sa subsistance, la respectait et la considérait comme sacrée. Ce modèle a peu ou prou pu être retrouvé dans les dernières sociétés traditionnelles demeurées encore orales.
Cependant, dans une perspective historique très large, l'homme a peu à peu transformé ses rapports avec la nature y imprimant toujours plus sa marque. A partir d'une première réalisation d'outils il a créé un équipement atificiel de plus en plus sophistiqué. Les mutations industrielles ont fait qu'au milieu naturel des sociétés traditionnelles s'est substitué progressivement un milieu artificiel dont les formes techniques toujours plus élaborées ont été créées par l'homme. Suite à ce rapide voyage dans le temps c'est une culture technicienne qui va s'emparer de plus en plus du monde. L'homme se constitue comme humain en extériorisant ses facultés dans un processus d'invention technique permanent, d'abord lent, puis hyper rapide depuis la révolution industrielle. L'homme contemporaain appartient à un monde marqué par les savoirs scientifiques et techniques et qui en dépend.


Au total, l'histoire des hommes, depuis qu'ils existent, est marquée par l'accroissement de leurs connaissances, l'extension de leurs pouvoirs, l'aménagement de leurs territoires, la création artistique, la construction de lieux de culte. Rivés à la matière qu'ils dominent de plus en plus grâce à leur intelligence, ils proclament qu'ils sont maîtres de leurs destins et n'attendent plus grand chose de l'au-delà qui se donne à voir ; ils ne mettent plus guère leur espérance dans l'Eternel.


D'une façon générale, les deux dernières décennies du XXe siècle ont marqué la fin du règne de l'idée de progrès sur laquelle reposaient les sociétés occidentales depuis des siècles. C'était la société qui donnait sens à la vie des hommes. Avec la fin des messianismes religieux et séculiers, la quête de sens est devenue plus individuelle. Marquée par le reflux des traditions et des conventions sociales la société est devenue permissive. Puisque la seule vraie richesse des hommes semble être ce monde et la vie, puisque ce monde est tout, l'homme d'aujourd'hui veut en tirer la satisfaction maximale. L'individu guidé par ses émotions apparaît au centre de tout. Pour supporter les grandes souffrances physiques et morales il s'en remettait jadis à la fonction thérapeutique divine. De nos jours, il avale des analgésiques et consulte le corps médical. S'il met son coeur à nu, c'est allongé sur le divan de son psy ou bien devant les caméras du loft d'une émission de télé-réalité. Si cela était possible, l'expression " tout, tout de suite " constituerait bien l'adage de la fin du siècle. Nous sommes dans une culture de l'immédiat. Alors que le franchissement des distances n'inquiète pas, le moindre délai tend à devenir insupportable.

A une époque où les référentiels traditionnels - religieux, politiques, moraux, familiaux - sont globalement moins producteurs d'identité les actes d'achat revêtent de plus en plus une nouvelle fonction identitaire.

** UN FAIT MAJEUR DE LA MODERNITE OCCIDENTALE : LE DESENCHANTEMENT DU MONDE.
On assiste à une transformation complète du rapport des acteurs sociaux au fait d’être en société. A suivre Marcel Gauchet le processus de sortie de la religion, selon lequel la société tend à s’ordonner en dehors de l’influence religieuse, constitue le trait principal de la modernité occidentale. Il y a «  déliaison » entre ciel et terre, ordres de réalités traditionnellement conjoints. A la faveur de cette déliaison s’instaure la constitution pratique d’un ordre de la réalité humaine.

** MODERNITE ET DESTIN PARADOXAL DU CHRISTIANISME.
L’originalité de Frédéric Lenoir est de montrer que si on peut mettre en opposition la modernité et l’institution catholique, on ne peut opposer la modernité et le message des Evangiles et certains de ses développements. Il y a moins d’antinomie de principe qu’on le pensait généralement entre les collectivités modernes et les valeurs chrétiennes.

** UN ORDRE CONSUMERISTE.
La consommation tient une place de plus en plus hégémonique dans la vie de nos contemporains. Sphère de la vie sociale et sphère de la vie individuelle tendent à se restructurer toujours davantage selon les principes de l'ordre consumériste. Ainsi, dans l'univers consommatoire contemporain les biens et services marchands sont perçus comme des instruments de l'autonomie de l'individu. La " société consommatoire " caractérisée par l'individualisation extrême des modes de vie est un système structuré par la marchandisation croissante des styles d'existence et des expériences individuelles. A ce dernier stade du capitalisme " l'hédonisme s'est imposé comme une valeur suprême et les satisfactions marchandes comme la voie privilégiée du bonheur "(Gilles Lipovetsky )