Rencontres et responsabilités des religions supposeraient de profondes conversions
Paul Valadier




«  A un niveau plus fondamental, cette rencontre des religions les oblige toutes à des conversions fondamentales. Impossible désormais de cultiver l’exclusivité, de se proposer le seul et unique détenteur de la Vérité. Les questions théologiques qui en découlent ne sont pas minces à l’intérieur du christianisme ( et des autres religions non plus ). On ne peut pas les éluder, et même si la réponse adéquate n’apparaît pas clairement encore, il importe de porter longuement la question. C’est de la patience studieuse et attentive aux autres que sortira un nouveau rapport à la Vérité et à la diversité religieuse qui ne soit pas de façade ou autoritaire. Ici toutes les religions sont convoquées à cette tâche menaçante pour les dogmatismes ou les certitudes ancestrales. Toutes n’ont pas les mêmes obstacles à surmonter pour parvenir à une juste acceptation de la diversité religieuse ; mais toutes doivent savoir qu’elles sont se trouvent ainsi devant une responsabilité historique, réellement neuve par rapport au passé. Trouveront-elles en elles-mêmes la force de dépasser leurs exclusivismes sans pour autant perdre leur spécificité propre, appauvrissant ainsi le capital humain et religieux de l’humanité ? Entre raidissement et dilution, où et comment trouver la juste voie, créatrice de paix et d’entente mutuelle ? Si, en ce domaine, l’Eglise catholique n’a pas de leçons à donner, une chose est claire toutefois : cette ouverture à l’autre confession religieuse ne peut avoir lieu que si en son sein l’Eglise catholique accepte de manière franche et institutionnelle sa propre diversité. Le centralisme actuel et l’appauvrissement qui en résulte montrent bien quel travail reste à faire : non seulement ad extra ( par des rassemblements du genre de celui d’Assise ), mais par des réformes ad intra, autrement plus difficiles à mettre en oeuvre et appelant un grand courage de la part des autorités .»

Extrait de Paul Valadier " Détresse du politique, force du religieux ", Paris, Seuil, 2007, pp.45-46.

Le débat concernant la séparation du politique et du religieux est aujourd’hui clos. Il ne s’agit pas de revenir dessus. Et pourtant faut-il passer sous silence leur pouvoir de création de lien social se demande Paul Valadier ?
A leur juste place, les religions, par la mobilisation de leurs énergies symboliques, ne pourraient-elles pas permettre aux hommes d’entreprendre ensemble la construction d’un avenir collectif ? Tel est le thème central de son présent ouvrage.

Dialogue oecuménique, dialogue interreligieux ( judaïsme, islam, voies de l’Orient...) supposent l’acceptation de la diversité, des rencontres délicates mais franches sans que soient remises en cause les convictions fondamentales propres, mais supposent aussi de courageuses modifications institutionnelles sur les questions d’ordre périphérique par rapport au Credo.
La capacité de témoignage du christianisme, notamment, dans le monde moderne, est gravement hypothéquée par les dissensions persistantes entre les différentes Eglises chrétiennes et au sein même de celles-ci.