LA CITE où tout est ECOLE
L’objectif de l’acte d’éducation : aider les jeunes à devenir plus humains
Albert Jacquard


" Même lorsqu'elle évoque un avenir insolite et lointain, elle [ une utopie ] doit décrire le chemin qui permet de l'atteindre ; son point de départ ne peut donc être qu'un regard lucide sur la réalité telle qu'elle est perçue aujourd'hui.
Mon ambition est d'imaginer une société plus apte que la nôtre à favoriser l'épanouissement des humains. ( p. 43 )
Pour un humain, être c'est devenir.
Pour devenir lui-même, l'enfant dispose de ce que la nature lui apporte et de ce que lui transmet son environnement humain.....
... L'éducation est semblable à un art ; elle est une création perpétuelle qui progresse en provoquant des rencontres toujours nouvelles... Tout autre objectif de l'acte d'éducation est dérisoire face à cette fonction : aider un jeune à devenir un peu plus humain, c'est-à-dire à devenir copropriétaire d'une part supplémentaire de ce trésor [ collectif ].
Le système éducatif peut donc être défini comme le lieu où l'on enseigne et où l'on pratique l'art de la rencontre. ( p. 163 )
... La fonction du système éducatif n'est pas de fournir à ce Moloch qu'est le système économique les femmes et les hommes compétents dont il prétend avoir besoin. Son objectif est de participer à une tâche autrement décisive : aider chacun à devenir lui-même en rencontrant les autres.
... L'école est certes le lieu où l'on découvre la possibilité de devenir soi, mais ce devenir ne doit pas occulter la nécessité d'être acteur du présent. Il est raisonnable d'y présenter la suite de l'aventure, mais il ne faut pas pour autant oublier d'y vivre. On ne doit pas s'y sentir enfermé ni dans l'espace ni dans le temps. Chacun y construit sa liberté. ( p. 165 )
La paix entre les humains ne dépend que d'eux, elle est possible. Mais elle n'est nullement certaine, le pire est lui aussi possible. Entre le pessimisme désespéré et l'optimisme satisfait, la seule attitude raisonnable est le volontarisme. A nous d'agir, pour que tous les humains combattent ensemble leurs ennemis communs : la maladie, l'égoïsme, la faim, la misère, le mépris. Pour qu'ils acceptent enfin l'évidence : chacun peut trouver sa source chez les autres, tous les autres." ( p. 194 )


Extrait de Albert Jacquard " Mon utopie ", Paris, Editions de Noyelles, 2006.

Le rouleau compresseur de la société hypermarchande tend à faire obstacle au développement de la diversité des potentialités humaines. L'ordre consumériste devrait connaître des rééquilibrages pour que ne soient pas submergés la pluralité des horizons de vie. Ne pas chercher le bonheur uniquement dans les biens marchands suppose une multiplicité des centres d'intérêt. L'instauration de nouveaux modes d'éducation permettant aux membres de la société de trouver une identité et de nouvelles satisfactions d'un autre ordre que celui de la seule consommation. Dans un temps où la politique est moins productrice d'identité centrale, celui du rééquilibrage de la culture consumériste est à l'ordre du jour.
Dans la cité idéale, qu'évoque Albert Jacquard, le travail aliénant serait limité au minimum, la santé serait considérée comme un droit imprescriptible, le logement de toutes les familles serait un droit, la recherche de la paix serait privilégiée, l'organisation des rencontres l'emporterait sur l'accumulation des richesses. Au-delà de sa fonction de formation pour les besoins du monde économique, l’objectif du système éducatif devrait être d’aider chacun à devenir lui-même en rencontrant les autres.