Conclusion
On ne peut pas quitter ce patrimoine qui a traversé la nuit des temps sans une certaine émotion. Ces pierres qui furent le témoin de tant de ferveur et de joies, mais aussi de tant d'épreuves et de souffrances, portent encore les stigmates de l'histoire ; n'ont-elles pas été laissées à l'abandon par ceux-là mêmes à qui elles étaient destinées : les hommes ?
La main de ces anonymes - habités d'une fervente énergie créatrice - disposait du pouvoir d'insuffler l'esprit à la matière brute et de la transfigurer. A ce titre, les monuments romans témoignent encore de la prégnance du sacré, de l'idéal qui présida à leur réalisation.
On a pu dire qu'un " élan de foi " animait les hommes de métier à l'origine de ces édifices romans les plus grandioses comme les plus humbles. Georges Duby, dans « Le temps des cathédrales » écrit qu'à l'époque romane l'art n'a " d'autre fonction que d'offrir à Dieu les richesses du monde visible ". M.M. Davy dans son « Initiation à la symbolique romane » précise que " l'homme roman veut communiquer à autrui son univers s'affirmant dans une unité parfaite dont l'ordonnateur est Dieu ". Finalement, c'est à deux niveaux de lecture que l'art roman doit être perçu ( Danielle Gaborit-Chopin, in Le Monde, Emmanuel de Roux, 17 mars 2005 ) : " un accès immédiat pour le plus grand nombre et un message caché qui s'adresse aux élites ", c'est-à-dire à la fois leçon donnée au peuple chrétien et message destiné au petit nombre d'hommes et de femmes cultivés à la recherche de la pureté.
Bien sûr, et c'est une différence fondamentale avec le Moyen Age, il n'est reconnu, dans les sociétés contemporaines, à aucune conception philosophique ou religieuse le monopole du sens. L'homme occidental actuel mène sa vie dans une société sans lien institutionnel avec le monde d'en haut. De nos jours, seule demeure la beauté de la pierre métamorphosée par la main de l'artiste. Lorsque ces images romanes parlent à l'homme d'aujourd'hui, c’est moins pour des motivations religieuses que pour des raisons esthétiques. Ces sculptures - qui ont plus ou moins bien résisté à l'épreuve du temps - s'offrent en elles-mêmes et pour elles-mêmes au regard des hommes sensibles à une certaine forme de beauté. Certains, aujourd'hui, admirateurs des vieilles pierres, pensent les sortir de la chape de silence qui pèse sur elles en les réhabilitant pour le plus grand plaisir du visiteur qui sait être attentif à ce qui l'entoure.
A l’époque contemporaine, les historiens retiendront de ce patrimoine roman les vicissitudes du temps et les meurtrissures infligées par les hommes. Les spécialistes de l'art priviligieront les techniques de construction et la qualité de l'ornementation. Les syndicats d'initiative vanteront l’intérêt touristique de ces vieilles pierres chargées de sens ; les communes et les conseils généraux s'enorgueilliront des richesses patrimoniales de leurs territoires. Seuls les coeurs qui cherchent Dieu sauront y voir une réalité supérieure : un idéal religieux et symbolique sans lesquels ces bâtiments n'auraient eu aucune raison d'être.
Au final, les débats entre spécialistes sur l’art roman sont loin de prendre fin. A défaut de document laissant entendre le sens exact qu'il convient de leur donner, l'interprétation de certaines images romanes restera toujours délicate ; plusieurs niveaux de lecture de ces figures sculptées demeureront possibles. Compte tenu qu'on ne sait pas ce qu'ont voulu exprimer parfaitement les imagiers romans il est difficile de donner une signification univoque à des figures médiévales qui resteront par définition ambivalentes, polysémiques.
Il nous semble que quiconque veut voyager à travers le temps des pierres doit éviter deux écueils : voir trop ou trop peu. Mesure, cas d'espèce, emplacement et contexte sont des voies d'approche pour l’admirateur des vieilles pierres. De nos jours, la force expressive du sculpteur demeure même si le sens plénier n'est pas parfaitement retrouvé. Nos contemporains peuvent au moins se retrouver au niveau de l’expression, même si la mémoire des pierres révèle, plus profondément, quelque chose d'itinéraires humains à d'autres hommes.
POUR ALLER PLUS LOIN.
* Repères bibliographiques.
BARRAL i ALTET Xavier - Contre l’art roman ? Essai sur un passé réinventé, Fayard, 2006.
BLANC Anne et Robert - Monstres, sirènes et centaures, Editions du Rocher, 2006.
BLANC Anne et Robert - Les symboles de l'art roman, Editions du Rocher, 2004.
CROZET René - L'art roman, Quadrige, 1996.
CROZET René - L'art roman en Poitou, Henri Laurens éditeur, 1948.
M.M. DAVY - Initiation à la symbolique romane, Flammarion, 2005.
DUBY Georges - Le temps des cathédrales, Gallimard, 1976.
EYGUN François - Art des pays d'ouest, Arthaud, 1965.
GABORIT-CHOPIN Danielle in Emmanuel de ROUX - " L'art roman,
ou l'efflorescence d'un monde nouveau ", Le Monde 17 mars 2005.
GRIVOT D. - La cathédrale d'Autun, Delta 2000, 1999.
HORVAT Frank et PASTOUREAU Michel - Figures romanes, Editions du Seuil, 2007.
LE GOFF Jacques et TRUONG Nicolas - Une histoire du corps au
Moyen Age, Editions Liana Levi, 2003.
LESIEUR Thierry - Art roman et dualité, in Esprit d'Avant n°6, juin 2009
http://www.espritdavant.com/Main.aspx?numStructure=79255&numRubrique=499446
** Sites internet généraux sur l'art roman.
www.art-roman.net/index.htm
Site sur l'art roman qui a pour ambition de faire
découvrir, région par région, les principales églises romanes de France,
puis d'Europe.
Documentaire de Claude JOSTEN, 22 février 2009 sur Arte
L’ennemi à nu, Claudio LANGE. L’auteur interprète les représentations obscènes trouvées dans les églises romanes comme une forme de propagande anti-islamique développée par l’Eglise catholique pour justifier les croisades.
Sur YOU TUBE : http://www.youtube.com/watch?v=NiJEadGdVSU
Thèse stimulante s'il en est ; cependant, ne convient-il pas , comme le disent les médiévistes, de voir , encore et souvent, dans certaines images quelque peu licencieuses une forme de dénonciation du Mal ou de différentes formes de péché au regard de l'Eglise institutionnalisée ? En d'autres termes, ne s'agissait-il pas à l'époque médiévale d'aider les chrétiens à combattre leurs démons intérieurs ?
www.green-man-of-cercles.org /
Un site à découvrir spécialisé sur les masques feuillus ou " green men "
( masques d'hommes ou d'animaux, des orifices desquels sortent des feuillages ).
www.louvre.fr/archives/romane/index_artroman.html
La France romane au temps des premiers Capetiens ( 987 - 1152 ) :
exposition au Louvre du 10 mars au 6 juin 2005.
http://notes.romanes.free.fr/
Site notes romanes.
www.paroles-et-patrimoine.org/romanes/liens.htm
Pierres romanes. Pour l'art roman.
www.romanes.com
Site dont le but est de présenter le patrimoine religieux
et architectural de France à travers les différentes époques et courants
du roman au gothique en mettant en avant leur expression.
http://www.terres-romanes.lu/index.html
Coups de coeur, pérégrinations, thèmes de la sculpture romane.
http://www.beyond-the-pale.org.uk
Satan in the Groin.
Un site très riche consacré aux sculptures obscènes.
http://www.ho-net.nl/BourgogneRomane/inventaire.htm
Un site très riche sur l'inventaire roman en Bourgogne : étude des édifices romans des quatre départements bourguignons ( Côte d'Or, Nièvre, Saône-et-Loire, Yonne ) ; de plus, il y a une abondante sélection de liens vers d'autres sites.
http://vezelay.cef.fr/fr/decou_archi/lumiere.php
La basilique Sainte-Madeleine de Vézelay, un chemin de lumière.
*** Sites internet sur l'art roman de Joël Jalladeau.
Art roman, regards croisés
http://jalladeauj.fr/webroman/index.html
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* * Des hommes et des sociétés. Nouveaux regards à l'entrée du XXIe siècle.
Ce site portail permet de retrouver tous les sites internet de l'auteur : art roman, île de Noirmoutier, économie et histoire, condition humaine, hommes et sociétés, besoins et consommation, "réveil " du religieux.
http://jalladeauj.fr/portailgeneral/index.html
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