II. CLE DE LECTURE 2 : DES IMAGES A CARACTERE SYMBOLIQUE.
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Si les décors sculptés de façades et de chapiteaux peuvent comporter des programmes iconographiques inspirés de scènes des Ecritures dont la présence peut ne pas surprendre dans des édifices chrétiens des XI-XIIé siècles, l’existence de représentations pour le moins étranges, la présence d’êtres fabuleux interpellent pour le moins a priori.
Il faut à nouveau rappeler que
les livres de pierres expriment comment les populations se sont un temps définies avec leurs façons de voir et leurs tentatives de se perfectionner elles-mêmes ainsi que le monde dans lequel elles se situaient. Aussi, si certaines des images sculptées qui nous sont parvenues paraissent bien étranges aux yeux d’aujourd’hui elles peuvent néanmoins présenter un sens.

En partant de l’idée qu’à une époque de foi,
tout ce qui est dans un édifice religieux doit avoir un rapport avec cette foi, on peut penser que ce sens est en rapport avec les besoins de populations croyantes, à l’époque considérée, le plus souvent illettrées.
Dans cette perspective, des chercheurs, comme
Anne et Robert Blanc, incitent à dépasser les seules apparences d’une sculpture afin d’en saisir le sens profond. Reprenant les différentes oeuvres des imagiers romans ils proposent une méthode de décryptage recourant à un symbolisme simple. Pensant avoir trouvé certaines des motivations des sculpteurs romans, ils dressent un inventaire des divers symboles qu’ils mettent au jour : vigilance, contrôle, équilibre, retournement...

Cela sous-entend que les imagiers possédaient une bonne connaissance du monde intérieur de l’homme. Dans cette perspective,
les images déchiffrées se révèlent les vecteurs de conseils et de mises en garde caractéristiques d’une instruction spirituelle. A ce moment là, l’étrangeté première de certaines compositions disparaît. Là encore il apparaît que les édifices religieux romans avaient une valeur édifiante avant d’être un art.

Notre cheminement imagé à partir d’exemples pris dans le patrimoine roman de quelques régions françaises illustrera cette analyse.
Faut-il rappeler que, comme toujours, seule la lecture directe des « Symboles de l’art roman » et de « Monstres, sirènes et centaures » d’
Anne et Robert Blanc permettra d’apprécier toute la richesse et la saveur de leurs travaux.

A. L'évocation des Vertus et des Vices.


Le thème est couramment abordé en de nombreuses régions romanes.



La deuxième voussure du portail présente des chevaliers avec leurs écus ( les vertus ) écrasant de petits monstres ( les vices ).
Les combattants sont désignés par des inscriptions.
Ici largitas ( générosité ) arc-boutée, jambes croisées sur le dos d'avaricia ( l'avarice )
lui transperce la tête de la pointe de son épée.
Eglise d’Argenton-Château XIIe siècle ( 79 )



A l'étage supérieur de la façade, la voussure de l'arcature centrale montre le combat des vertus et des vices.
Le Jugement final apparaît comme la sanction ultime de la lutte éternelle que se livrent les vertus et les vices.
Ancienne église priorale Saint-Nicolas de Civray, XIIe siècle ( 86 )



Les six vertus sont représentées par six jeunes chevaliers en armes. Coiffés d'un heaume et protégés par leur écu, ils foulent aux pieds les vices.




Ces êtres recroquevillés, nus, squelettiques de petite taille incarnent les vices.
Ancienne église priorale Saint-Nicolas de Civray, XIIe siècle ( 86 )

B - LA REPRESENTATION DES PECHES CAPITAUX.


La
Colère se tuant est représentée par une femme avec une arme qu'elle dirige vers
sa poitrine pendant qu'un serpent enroulé autour de son bras droit cherche à l'attirer.
Notre-Dame du Port, XI-XIIe siècles, Clermont-Ferrand ( 63 )



Le combat de la Charité et de l'Avarice bouclier contre bouclier.
A leurs pieds le pot à anses d'Avarice. A gauche un soldat, mentonnière fermée,
porte un écritoire relatant la lutte du démon contre les vertus.
Notre-Dame du Port , XI-XIIe siècles, Clermont-Ferrand ( 63 )



Deux Vertus -
Largesse et Charité - représentées avec des cuirasses
frappent de leurs lances deux Vices à terre.


Ces chapiteaux ( vers 1150-1160 ) sont sans doute l'oeuvre d'un même atelier ; chose rare la signature de Rodbertus apparaît sur l'un d'eux.

Notre-Dame du Port, XI-XIIe siècles, Clermont-Ferrand ( 63 )




Un moine, vêtu de l'habit du traditionnel habit de bure, tient de sa main gauche une bourse serrée sur sa poitrine. S'agit-il d'une nouvelle condamnation de l
'avarice ? Le fait qu'apparaisse sous sa manche droite une énigmatique cotte de mailles laisse ouvertes des interprétations plus fines.
Notre-Dame de Mailhat, commune de Lamontgie ( 63 )




Le supplice de l
'usurier est le plus fameux des chapiteaux de la collégiale.
Ici, il a sa bourse pendue à son cou et à ses pieds son pot de terre abritant ses richesses. Nu, il est empoigné par deux
personnages démoniaques vêtus d'un pagne.
La signification du message gravé est sans ambiguïté :
" en pratiquant l'usure, c'est pour moi que tu as travaillé " fait dire le sculpteur à Satan.
Ce thème du châtiment de l'avare est fréquemment rencontré dans la sculpture auvergnate.
Ancienne collégiale d’Ennezat XI-XIIIe siècles ( 63 )



Scène de l'avare et du diable : un être cornu à queue de serpent parle à l'oreille d'un personnage serrant par devant lui deux bourses.
Crypte de l'église de SAINT-PARIZE-LE-CHATEL, XIIe siècle ( 58 ).


Représentation du châtiment du calomniateur et de l'avare.
Eglise de VEZELAY, XIIe siècle ( 89 ).



La représentation la plus classique de la
luxure se trouve sous la forme
d’une femme nue allaitant des serpents.
La Maison-Dieu, Montmorillon ( 86 )



Les êtres humains aux prises avec les passions sont représentés par une femme nue
dont les seins sont mordus par des serpents.
C'est une illustration du thème " nourrir ses passions " ( en général, symbolisation
du thème de la luxure ).
Ancienne église de Saint-Jouin de Marnes ( 79 )




La luxure : une femme, étendue sur un lit, semble attirer par son vêtement un homme une main sur un feuillage.
Sur la seconde face très érodée l'homme tente de s'échapper en abandonnant le vêtement que la femme toujours étendue avait saisi.
Abbaye royale de Nieul-sur-l'Autise. fin XIe- XIIe s., ( 85 )



La
Chasteté armée d'une épée pourchasse la Luxure représentée
sous la forme d'un personnage relevant manifestement ses vêtements....
Eglise de Foussais-Payré, façade du XIe siècle, ( 85 )




Représentation bourbonnaise de la luxure : deux personnages montés sur un bouc jouent du cor tout en entourant un diable cornu.
Eglise de Bourbon-l'Archambault, XIIe siècle ( 03 ).



Ce chapiteau représentant un personnage concupiscent au sexe bien en évidence n’entend-il pas évoquer la MAL,
les joueurs de trompe le mettant directement en garde !!!
Eglise de Passirac, XIIe siècle ( 16 ).


Evocation opposée : un ange en position d’oraison.
Eglise de Lichères, XIIe siècle ( 16 ).


Un jeune enfant grimpe dans un arbre dont les plus hautes branches abritent un oiseau : c'est, dans une lecture au second degré, une évocation de l'âme en marche vers le ciel.
Tympan de l’abbatiale d'ANDLAU, XIIe siècle ( Bas-Rhin ).


Un personnage est empoigné et dévoré par un animal fantastique.
Faut-il voir dans cette scène une évocation symbolique de la damnation ?
Eglise de Chateauneuf-sur-Charente, XIIe siècle ( 16 )


Version saintongeaise de la damnation ?
Eglise Saint-Fortunat, XIIe siècle, Saint-Fort sur Gironde ( Charente Maritime )


Evocation démoniaque entre les représentations des signes du Cancer et du Lion ( voussure du Zodiaque ).
Eglise Saint-Nicolas, façade XIIe siècle, Civray ( Vienne )



Scène de dispute opposant un homme à la jambe de bois et un autre personnage soulevant un maillet.
Eglise Saint-Savinien, Melle ( Deux-Sèvres ).