Eglises romanes : livres de pierres,
histoire humaine, chemins de lumière ?
Un parcours imagé.
Le patrimoine roman, interrogé dans son profond silence, constitue un riche document d'histoire. Les édifices romans, s'ils ont tendance à devenir un domaine réservé aux historiens de l'art, furent un jour l'expression d'une jaillissante manifestation de vie.
L'approche et la lecture des oeuvres romanes, telles qu'elles peuvent être faites aujourd'hui, diffèrent totalement de ce que pouvaient en faire jadis leurs maîtres d'oeuvre. Au-delà des strictes considérations techniques, c'est dans la conception même de l'art que s'opposent les hommes du XXIe siècle et ceux du Moyen Age. On sait que l'art est un type d'activité humaine faisant appel à certaines facultés sensorielles, esthétiques et intellectuelles. L'architecture, la sculpture, la peinture et la musique sont ainsi autant de modes d'expression de la beauté. A la limite, l'art pour l'art porte en lui sa propre justification. En ce cas l'art devient une sorte de langage en soi.
D’une façon générale, on peut penser que l'art dévoile le tréfonds de l'homme avec ses interrogations et ses réponses dans sa recherche du bonheur, de sa quête de lui-même et du divin. Ce que la mémoire des pierres relate de l'homme, recevable ou critiquable dans un autre contexte spatio-temporel, reste une manière de dire l'homme à l'homme. Elle exprime comment une partie de l'humanité s'est un temps définie avec ses problèmes, sa façon de voir et ses tentatives de se perfectionner elle-même ainsi que le monde dans lequel elle se situait. Dans cette perspective, la mémoire des pierres permet ainsi de saisir le passé sans souci de prosélytisme.
De nos jours, seule demeure la beauté de la pierre métamorphosée par la main de l'homme. Architecture, sculpture, peinture - qui ont plus ou moins bien résisté à l'épreuve du temps - s'offrent alors en elles-mêmes et pour elles-mêmes au regard des hommes sensibles à une certaine forme de beauté. Ceux d'aujourd'hui, admirateurs des vieilles pierres, pensent les sortir de la chape de silence qui pèse sur elles en les réhabilitant pour le plus grand plaisir du visiteur qui sait être attentif à ce qui l'entoure.
Le Moulin mystique.
Basilique Sainte-Marie Madeleine, XIIe siècle, VEZELAY ( Yonne ).
A l'époque romane, les ornements, par-delà leur valeur décorative, avaient d’abord une dimension éducative, édifiante. Il est permis de penser que l'art était perçu plutôt comme significatif de réalités célestes qu'il pouvait permettre d'atteindre. Afin de rendre grâce à Dieu, abbayes, prieurés et églises paroissiales investissent dans la pierre ; l'époque bâtit, sculpte et peint en vue du Ciel.
En 2005, une exposition au Musée du Louvre ( 9 mars-6 juin ) a ainsi entrepris de célébrer " la France romane ". Danielle Gaborit-Chopin et Jean-René Gaborit, commissaires de l'exposition, mettent en avant l'éclectisme des artistes de l'époque qui proposent des solutions différentes pouvant " aboutir à un chef-d'oeuvre comme à une impasse ". Il est vrai que les styles des sculpteurs et leurs talents diffèrent entre eux de même que la nature de la pierre n’est pas la même selon les provinces. Toutefois des images frustes peuvent présenter, en termes de signification, un intérêt aussi grand que d’autres dues à un imagier plus talentueux.
Les édifices romans diffèrent de silhouette selon la nature des matériaux à la disposition des sculpteurs. On sait que les profondes différences dans la nature du sol n'ont pas été sans influencer, tout à la fois, les paysages et l'art de bâtir. Le matériau a joué sur la forme et la structure des églises romanes. Les assises granitiques ou volcaniques donnent des roches dures engendrant une architecture sévère de formes et de couleur. Ces matériaux résistants se prêtent beaucoup moins que le calcaire aux riches ornementations finement ciselées. Exécutées à partir de blocs de pierres sombres et dures de type granitique ou volcanique, les figures romanes se présenteront le plus souvent - sauf exceptions remarquables - sous forme d'esquisses grossières. Réalisées à partir de roches calcaires, tendres et blondes, elles pourront être davantage ouvragées.
Puisque la recherche du seul esthétisme n’est pas la fin ultime des images dont sont parées tant à l’extérieur qu’à l’intérieur les édifices religieux, le patrimoine bâti roman ne peut être pleinement saisi qu’en rapport avec l’esprit du temps.
A l’époque romane les images doivent montrer la gloire de Dieu, lumière du monde ; c'est pourquoi les illustrations des églises romanes sont soumises à des critères qui ne sont pas ceux de l'art moderne. Les Saintes Ecritures se présentent à la fois comme idéal spirituel, règles de vie et référence de production artistique.
Le patrimoine roman dispense une leçon au peuple chrétien sous forme d'un grand livre d'images de pierre évoquant les scènes bibliques et la vie des saints, le paradis et l'enfer, la lancinante question du bien et du mal et les passions humaines. Mais les exigences de la vie quotidienne, les travaux des mois associés aux signes du zodiaque, le cadre de vie, les animaux, la danse et l'amour sont aussi bien abordés.
Ce cheminement dans les déclinaisons régionales thématiques de figures romanes entend constituer un espace ludique où plaisir rime avec questionnement et culture.
** Le patrimoine roman français est extrêmement riche ; nous n’avons pu en apprécier à ce jour qu’une faible partie. Aussi, les illustrations des thématiques ici abordées seront réalisées seulement à partir de clichés pris dans les églises romanes des départements suivants : Allier ( 03 ), Aude ( 11 ), Aveyron ( 12 ), Charente ( 16 ), Charente-Maritime ( 17 ), Indre-et-Loire ( 37 ), Haute-Loire ( 42 ), Loiret ( 45 ), Maine-et-Loire ( 49 ), Nièvre ( 58 ), Puy-de-Dôme ( 63 ), Deux-Sèvres ( 79 ), Vendée ( 85 ), Vienne ( 86 ), Yonne ( 89 ).
** Faut-il rappeler que les hommes d’aujourd’hui se sont mis à aimer des édifices blancs ou gris que l’on aurait détestés à l’époque médiévale où la couleur était la règle.
Notre-Dame-la-Grande, un des chefs-d'oeuvre de l'art roman poitevin.
La façade, fruit d'une campagne du XIIe siècle, est la partie la plus admirée de l'édifice .
( Hier noire, la façade est de nos jours claire après les travaux de restauration des années 1993-1995 ).
Notre-Dame-la-Grande, façade XIIe siècle, Poitiers ( 86 ).
A la découverte d'une façade à la façon de la tradition médiévale des églises peintes ...
Les nuits d'été, Notre-Dame-la-Grande se pare de couleurs retrouvant pour un temps les apparences polychromes qu'elle devait avoir au Moyen Age.
A noter que le résultat peut être différent de celui présenté ici car les projections polychromiques varient selon les jours de la semaine ).
POLYCHROMIES du 21 juin au 16 septembre.
Notre-Dame-la-Grande, façade XIIe siècle, Poitiers ( 86 ).
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