II. CLE DE LECTURE 2 : DES IMAGES A CARACTERE SYMBOLIQUE.
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C. Quelques thèmes symboliques : vigilance, contrôle, équilibre, retournement...



Extrait du chapiteau représentant quatre anges debout, joliment vêtus, cherchant à fermer la bouche de quatre hommes accroupis,
nus personnifiant les vents.
Ce qui sort de la bouche de l'homme peut être le bon comme le mal.
En conséquence, le geste de fermeture de la bouche, qu'esquissent les anges,
peut évoquer, selon François Garnier,
quatre mauvais usages de la parole.
Au-delà de sa valeur décorative, la riche composition de l'imagier, attire l'attention sur le mal
qui peut être généré par la parole ainsi que sur le bien-fondé d'observer le silence et
de réfreiner le mal que pourrait provoquer l'émission de certains propos : médisance, calomnie, séduction....
Eglise abbatiale Saint-Pierre de Mozac, XIIe siècle ( 63 )



Dans la joyeuse population des modillons on trouve à Foussais-Payré une représentation du
célèbre tireur d'épine symbole de la libération de la démarche, non seulement physique mais intérieure.
tireur d'épine. Ce dernier s'est arrêté au bord du chemin pour s'extraire une écharde du pied.
Au second degré, peut-être faut-il saisir que le personnage s'extirpe le mal du corps ?
En effet, le pélerin de Saint-Jacques de Compostelle ne se lance-t-il pas sur des chemins longs et pénibles dans l'intention d'expier ses péchés ?
un attribut du pouvoir.
Eglise de Foussais-Payré, XIe siècle ( 85 )



Sur le jambage de gauche du portail, des " atlantes ", juchés sur les épaules les uns des autres, montent vers le ciel. Sans doute est-il plus judicieux de voir dans cette pyramide humaine l'
importance du rôle joué par chaque élément ; si l'un fléchit le tout s'effondre. En d'autres termes, quel que soit le rang du fidèle il a son importance.
Saint-Nicolas-de-Maillezais XIIe s., ( 85 )


Représentation saintongeaise de l'échelle ; chaque fidèle a son rôle à jouer.

Eglise Sainte-Radegonde, XIIe siècle, Talmont sur Gironde ( Charente Maritime )


Une des sculptures décorant un des chapiteaux du portail Sud de l’édifice :
plusieurs personnages sont unis par un lien. Ne faut-il pas aller au-delà de l’aspect rudimentaire des traits
pour voir le regard de ces hommes et le groupe qu’ils constituent ?

Notre-Dame de Mailhat, commune de Lamontgie ( 63 )



Curieuse sculpture d’hommes se tenant les uns les autres par leurs bras.
Ne faut-il pas voir, au-delà du caractère fruste de la sculpture, une évocation de la chaîne humaine formée par les membres d’une même communauté et travaillant ensemble au bien de tous ?
Chaque maillon de la chaîne, en la personne de chaque homme, est nécessaire à la solidité de l’ensemble.

Eglise de Limalonges, XIIe reprise au XIXe, ( 79 )


Petit chapiteau aux cinq personnages solidaires d’une colonnette de baie.
Eglise de PERIGNAC, XIIe siècle ( Charente ).



Un des quatre atlantes ( XIIe siècle ) de la travée d’avant-choeur en position habituelle de soutien.
En plus de leurs bras levés on remarquera les plis de leurs vêtements.
Eglise de
BLANZAC ( Charente ).


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* Eglise de Champagnolles, XIIe siècle, ( 17 ). ** Eglise Saint-Blaise, Givrezac, Charente-Maritime, XIIe siècle, ( 17 ).
La chouette voit dans l'obscurité. Son image peut suggérer une possibilité de perception en profondeur.
En d'autres termes, la chouette ne symbolise - t - elle pas l'aptitude à essayer de voir au plus profond de l'homme
afin que ce dernier prenne conscience de ce qu'il est réellement pour progresser spirituellement ?
La chouette avec ses grands yeux ronds évoque dans l'imagerie romane la vision pénétrante.



Acrobate de place publique ou variante du thème du retournement ?
Ne faut-il pas chercher à emmener tout son être vers le haut ?
Simple exercice de contorsionniste ou dans cette entreprise délicate de projection en l’air de la partie basse de son corps faut-il voir, au second degré, un effort pour changer radicalement, une tentative de « retournement intérieur »?

Eglise Saint-Hilaire, XI-XIIe siècles, Melle ( 79 )




Le "
duel "ou l'image de la lutte entre deux modes d'être qui s'affrontent et se combattent.
Illustration de la dualité présente en chaque homme et de la lutte continue

que chacun doit livrer entre deux tendances antagonistes -
le bien et le mal - qui se partagent notre être profond.
Le vainqueur de l'affrontement remportera l'objet placé entre les duellistes,
c'est-à-dire dominera l'âme humaine et déterminera sa conduite.
Ancienne abbatiale Saint-Pierre d’Airvault, XIIe siècle, ( 79 )





Une colonne engoulée est le trait le plus caractéristique de l'ornementation de la porte de l’édifice.
Avec sa chevelure dressée sur la tête, et ses yeux exorbités le regard est difficlement supportable ;
de plus, les stries que révèlent le haut de la colonne semblent avoir été laissées par les dents.
De quel message cet engoulant entend-il faire part ?
Eglise Saint-Martin de Périgné, XIIe s. ( 79 )



Quelle est la signification de ce type de " mange-pilier " ? Peut-être faut-il voir chez l'artiste, auteur de ces engoulants,
le désir de rappeler le danger à mettre en cause la fonction accomplie par chaque membre de l'Eglise
en tant que colonne du temple?
Chaque fidèle a son rôle à jouer en tant que pilier de l'institution ecclésiale ; cependant, il peut cacher en lui un monstre
dangereux pour lui-même autant que pour les autres.
Eglise de Saint-Hilaire-la-Croix, XIIe siècle ( 63 )


Engoulant dévorant une colonne ; remarquer la main à côté.
Eglise Saint-Nicolas, façade XIIe siècle, Civray ( Vienne )



Autre mange-pilier de l'arcature supérieure gauche de la façade.
Eglise Saint-Nicolas, façade XIIe siècle, Civray ( Vienne )



Des dragons à queue lovée et terminée par un mufle animal.
Réunis par leurs têtes ces dragons dévorent un homme.
Les représentations d’actes de dévoration illustrent les châtiments auxquels s’expose tout être pécheur ;
il s’agit d’inciter le pécheur au repentir et à la conversion.
Eglise priorale, Civaux, XI-XIIe siècles, ( 86 )



Dragons ailés affrontés dévorant, en s'aidant par la patte, deux humains nus, figurant sans doute des âmes de défunts qui ont été incapables de maîtriser leurs passions ; celles-ci les ont dévorés. La victime tire la langue, dans une grimace dérisoire.


Un être monstrueux en train de dévorer à pleines dents une pauvre créature.
En allant plus avant dans une lecture au second degré on peut voir une illustration de l’expression « 
une passion dévorante ».
Les personnages engloutis auraient échoué à maîtriser une passion à laquelle ils ont finalement succombé.
Eglise Saint-Pierre, Aulnay-de-Saintonge, XIIe siècle ( 17 )



Les scènes de dévoration se rencontrent aussi sculptées dans les roches sombres et grises.

Eglise d’Herment, XIIe siècle ( 63 )


Une scène de dévoration mais d'une élégance raffinée.
Eglise de Varaize, XIIe siècle ( 17 )


Belle composition scénique dont l'originalité consiste en ses deux êtres têtes -bêches dévorés.
Eglise de Matha-Marestay, XIIe siècle ( 17 )



Une
sirène tenant un poisson et une figure plus rarement représentéé : un drac ( homme marin à la barbe fournie ; le poisson qu'il tenait est disparu ).
Tous deux peuvent, au second degré, être considérés dans l'imagerie romane comme
guides permettant de naviguer
dans les profondeurs de l'être humain
; le gros poisson étant là pour signifier que sirène et drac évoluent facilement dans les profondeurs.
Ancienne collégiale Saint-Ours, Loches ( 37 )



Chapiteau aux sirènes à doubles queues.
Faut-il voir dans le geste des mains tenant les deux queues, chez l'imagier roman,
la volonté de représenter la nécessité du
" contrôle de la démarche intérieure" ?.
Eglise de Tavant, XIIe siècle ( 37 )



Toute personne entrant dans la nef est accueillie par ce masque humain dont sortent avant- bras et main ;
on peut remarquer l'importance de la main ; n'importerait-elle pas autant pour le sculpteur que le masque humain ?
Cette scène pourrait alors évoquer l'
importance et le pouvoir de la parole.
Eglise de Oyré, XIIe siècle ( 37 )



La première voussure de cette arcade latérale gauche comporte
un célèbre ensemble de bustes féminins répétés.
François Eygun
voit dans ces femmes à la longue chevelure et au corps à demi plongé dans un baquet
une allusion à l'origine fabuleuse des Lusignan et des Parthenay : " la fée Mélusine, leur mère commune,
condamnée à se transformer à mi-corps en serpent ou dragon dans sa baignoire chaque samedi" ( 1965, p.121 ).
Eglise Saint-Pierre de Parthenay-le-Vieux XIIe siècle ( 79 )



Un personnage proclame qu’il détient la « Pierre », symbole de l’esprit.
Pour y parvenir il a dû inverser sa démarche : il montre sa position nouvelle : sa jambe gauche est à droite, sa jambe droite est à gauche.
( Anne et Robert Blanc, 2006, p. 195 ).
Eglise de
CHATEAUNEUF-SUR-CHARENTE, XIIe siècle ( 16 ).


Avec les pieds dans la bouche il est bien difficile à l’homme de marcher.
Symboliquement, ce modillon peut signifier la difficulté pour l’homme de progresser dans le domaine spirituel.
Eglise de CHATEAUNEUF-SUR-CHARENTE, XIIe siècle ( 16 ).


Le personnage tient ses jambes. ; il ne peut pas avancer.
Au second degré, sa démarche intérieure est bien compromise.

Eglise de CHATEAUNEUF-SUR-CHARENTE, XIIe siècle ( 16 ).


L’importance de l’écoute est mise en évidence par ce modillon représentant une femme faisant de ses mains des pavillons extérieurs afin de ne rien perdre des conseils qui lui sont prodigués.
Eglise de
LICHERES, XIIe siècle ( 16 ).


Ayant su écouter le message transmis ( sa main gauche forme pavillon autour de son oreille ), le personnage empoigne de l’autre main une de ses chevilles ; en d’autres termes, l’homme met en pratique les conseils reçus pour rectifier son comportement. Il contrôle sa démarche.
Eglise de LICHERES, XIIe siècle ( 16 ).


Un personnage renversé, la tête en bas, jouxte un homme qui tente de tuer un animal fabuleux : scène de retournement réussi ?
Eglise de
LICHERES, XIIe siècle ( 16 ).


Evocation de l'union nécessaire de l'ensemble du peuple chrétien dans sa lutte contre le MAL : des hommes maîtrisent un lion qu'ils arrachent à sa proie ( sous ses pattes arrière ).
Eglise Sainte-Radegonde, XIIe siècle, Talmont sur Gironde ( Charente Maritime )