La grammaire et la faculté de se diversifier : deux caractéritiques de l'être humain !
André Langaney
" En fait, ce qui distingue vraiment notre espèce des autres, c'est notre langage : nous sommes capables de combiner des mots selon une grammaire pour construire des phrases, et celles-ci acquièrent alors un sens supérieur à ce que donnerait la simple addition des mots entre eux. C'est un langage " à double articulation " des mots et des sens. Seul le cerveau humain est capable de communiquer des informations de cette manière. On a démontré que les grands singes pouvaient apprendre plusieurs centaines de mots, jusqu'à 900 pour certains chimpanzés. Mais ils ne produisent pas spontanément des phrases nouvelles.
.. Les singes possèdent une mémoire. ils peuvent comprendre des mots. Mais, jusqu'à preuve du contraire, ils ne peuvent pas acquérir une grammaire.
Il y a une seconde [ caractéristique ], sans doute permise par la première : notre capacité à nous diversifier. Dans la nature, une même espèce animale occupe toujours le même type d'environnement, dans lequel elle adopte la même gamme de comportements. Ainsi, partout sur la planète, toutes les populations d'une même espèce occupent le même type d'habitat, vivent de la même manière, mangent de la même manière, organisent leurs sociétés de la même manière... Elles sont guidées par des contraintes physiologiques et biologiques.
... Nous, nous sommes capables de vivre aussi bien dans les glaces du pôle que dans les sables du Sahara, avec tous les intermédiaires maritimes et terrestres possibles. Nous inventons des structures sociales qui changent totalement d'une population à l'autre. L'espèce humaine s'est diversifiée en milliers d'ethnies différentes, elle suit des normes qui ne sont plus déterminées par la biologie comme le sont celles des animaux, mais qui sont apprises. Et elle connaît une immense variété de comportements, de structures sociales, d'environnements..." ( pp. 21-23 )
Extrait de André Langaney in " La plus belle histoire de l'homme", Paris, Editions du Seuil, 1998.
Par rapport aux autres espèces animales, l'homme émerge fragile et apparemment singulier par certaines caractéristiques uniques dont il est doté. Des interrelations entre le cerveau qui conceptualise et la main qui agit a résulté le premier outil. La dimension culturelle s'introduit par là-même dans l'histoire de l'univers. C'est le langage et la capacité à se diversifier qui seraient le meilleur signe de la spécificité humaine. Le langage " à double articulation " des mots et des sens serait typique de l'espèce humaine. Au-delà de ces traits qui semblent décisifs, la singularité humaine se manifeste également dans la capacité d'anticipation, c'est-à-dire l'aptitude à dépasser les seules contraintes biologiques pour effectuer des choix et élaborer des projets. Les expressions d'émotions artistiques ou l'existence d'un sens du sacré ne pourraient-elles pas être considérées comme des caractéristiques de cette spécificité de l'être humain ?