DES QUETES PLURIELLES DE SENS,
DES CHEMINS DE VIE MULTIPLES
Balises. A chacune, à chacun de se situer.
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Les temps ont changé et avec eux les repères qui structuraient traditionnellement la vie des hommes. De nos jours, dans les sociétés fragmentées qui sont les nôtres, il est devenu impossible et d'ailleurs impensable de partager les mêmes valeurs. Des sphères de pensée cohabitent avec d’autres sphères de pensée. Le fait que des conceptions du monde rivales cherchent à s'imposer par la contrainte génère un climat conflictuel source de profonds déchirements.
On le sait, Marcel Gauchet a montré qu’il y avait « déliaison » entre ciel et terre, ordres de réalités traditionnellement conjoints.
C'est le propre de la laïcité de faire qu'il n'y a plus aujourd'hui d'obligation sociologique de croire. Dans une situation de chrétienté, à la façon de voir imposée par l'institution ecclésiastique, succèdent aujourd'hui, dans un contexte de retrait des croyances religieuses traditionnelles, de multiples propositions. Alors, pour vivre l'aventure de l'existence, les hommes doivent-ils s'en tenir au seul horizon du monde ou à travers et au-delà des bouleversements de l'histoire la question du sens demeure-t-elle encore canalisée par la référence à plus haut que le seul horizon du monde ? Deux grands types différents de spiritualités peuvent être distingués.
Les religions reposent sur Dieu, les autres spiritualités étant constituées par une quête de sagesse qui ne passe pas par la foi et la croyance en un Tout Autre.
Il y a ceux pour lesquels compte seul le plan horizontal complexe des rapports avec les hommes et avec les choses qui constituent la société. L'immanence des entreprises humaines et l'importance des problèmes que pose la modernité suffisent à accaparer leur attention. Il faut jouer sur les seules variables à notre disposition.
Il y a ceux pour lesquels compte également le rapport vertical de l'homme à Dieu. En d'autres termes, le salut par la foi pour ceux qui acceptent de suivre le Christ.
☞ MARCHER DANS UN MONDE SANS DIEU : UN ESSAI DE SPIRITUALITE LAÏQUE.
Dans le passage d'une situation globale et explicite du religieux à une situation de déliaison entre terre et ciel s’instaure la constitution pratique d’un ordre humain autonome.
Mais l’autonomie en tant que telle ne donne pas une entité sociétale directement en possession de son sens ; le sens ne sera que le résultat de l'examen de la société sur elle-même ; c'est dire que les règles de la vie en commun sont tenues pour le fait de la délibération et de la volonté des individus composant la collectivité.
Plusieurs personnages sont unis par un lien.
Eglise de Mailhat, Puy-de-Dôme.
Ainsi certains font le pari, pour nos temps démocratiques, d'un chemin de vie axée sur une forme de spiritualité ancrée dans l'humain et non plus dans un dogmatique et lointain Ailleurs qui surplomberait les sociétés et les hommes. Dans cette optique il n'y aurait pas à considérer un assujettissement du visible à l'invisible. En d'autres termes, les impératifs de la vie en ce monde, les fins terrestres de l'homme suffisent. En reprenant les termes de Luc Ferry, il s'agirait de passer " d'une ' trancendance verticale ' à une ' transcendance horizontale '.
Ce renversement de perspective signifierait au plan moral, la fin du théologico-éthique. A l'opposé des spiritualités religieuses c'est une quête de sagesse et de spiritualité sans Dieu qui est proposée à l'homme. Les valeurs-clés de cette " transcendance dans l'immanence " ne dépendraient plus d'un divin antérieur, extérieur et englobant, mais seraient pensées à partir de l'homme lui-même, par les moyens du bord pourrait-on dire, en acceptant la condition de mortel.
C'est dans sa raison et dans sa liberté, lesquelles constituent sa dignité, que l'homme pourrait fonder les principes d'un vivre-ensemble contemporain. Il s'agit de penser un autre humanisme, un humanisme qui entend bien s'enraciner dans une nouvelle conception, non métaphysique, de la transcendance - la "transcendance dans l'immanence"-, une transcendance qui ne serait plus un idéal qui servirait à nier le présent et à différer la vie bonne, bref une transcendance inscrite au coeur du réel, dans l'immanence du monde" p. 264-265
Au final, c'est le principe de l'amour-passion qui donnerait seul, dans cette proposition de spiritualité non-religieuse avancée par Luc Ferry, le sens du sens, sinon " à " nos existences, du moins dans "nos existences" vécues de plus en plus largement dans un monde horizontal.
☞ LE CHRISTIANISME COMME SOURCE. CHEMINER ET TENTER DE VIVRE AUTREMENT : OSER L'ESPERANCE, TEMOIGNER ET SERVIR LES AUTRES.
Pour celles et ceux qui essaient d' être fidèles à l'indicible message de la Bonne Nouvelle, le plan horizontal des rapports avec les hommes et avec les biens doit rester informé, et plus ou moins transformé, par le jeu de la dimension verticale. Il s'agit d'essayer de marcher en référence à un Ailleurs qui s'imposerait à l'homme, bref cheminer en tension permanente vers le Dieu vivant.
Pèlerins d'Emmaus avec le Christ. Un pilier du cloître de Silos, Espagne.
Le monde du christianisme n'est plus le monde des hommes de ce temps. Puisque l'on est entré dans une ère nouvelle, le christianisme ne saurait demeurer crispé, figé. Un des défis majeurs à relever pour l'Eglise catholique est d'assurer le passage d'une position nationale historiquement dominante à un statut minoritaire sans devenir pour autant un groupe spiritualiste marginalisé.
Le mystère chrétien n'est pas d'abord une structure institutionnelle pyramidale et c'est plus qu'une morale. C'est avant tout une proposition de sens, un mystère de l'Amour, une rencontre personnelle avec le Christ. Ici il s'agit d'un amour relié à Dieu. En reprenant les termes de Claude DAGENS, évêque d'Angoulême, " Le christianisme ne peut jamais, ne doit jamais se présenter comme un système. Il est avant tout une source, et notre mission commune est de dégager et de préparer les chemins qui conduisent à cette source ".p.134
Les fidèles doivent se manifester eux-mêmes comme " chrétiens de l'intérieur de ces traditions, non pas pour les imposer à tous, mais pour les inscrire à frais nouveaux dans le tissu de notre société sécularisée et pluraliste". p.216
Sans perdre sa singularité pivotale, le message évangélique, pour être plus audible, doit être remis en situation afin d'être en phase avec le monde sécularisé qui est le nôtre.
Des avancées pourraient résulter de l'établissement d'un nouveau rapport au monde, de l'instauration de nouvelles façons de témoigner. En effet, le développement historique du christianisme n'a-t-il pas été marqué par l'opposition entre les lourdeurs institutionnelles et la tonicité du message ? En effet, il est dans la nature d'une institution à préférer le souci de conservation au progrès, au mouvement et à se rigidifier pour persévérer dans son être. Les institutions ont trop fréquemment oublié le sel du message évangélique.
" La sécularisation de l'Europe, en dépossédant l'Eglise de son ancienne vocation d'organisatrice du social, la libérait de son assujettissement au pouvoir temporel. Les clercs et les fidèles qui la constituaient faisaient une expérience historique inédite depuis dix sept siècles : celle de la minorité, de l'écart, de la dissidence de facto. Les chrétiens réapprenaient du même coup à être dans le subversif plus que dans le normatif " pour reprendre les termes de Jean-Claude Guillebaud.
Ces différents auteurs montrent qu'au lieu de se lamenter les chrétiens devraient être toujours davantage des signes de l’heureuse espérance. L'avenir du christianisme est dans son ressourcement, dans son recentrage sur son credo central et dans la rénovation de certaines structures ecclésiales.
Faire advenir une société plus humaine c'est déjà pour le croyant le commencement ici-bas et autrement de cet Ailleurs qu'il espère ; c'est ouvrir le chemin, sur terre sous le ciel, qui mène de l'humain au divin.
Dieu Amour, un chemin à emprunter, un chemin à vivre sans fin sans doute en trébuchant car il y a des passages délicats à opérer, des situations inconfortables, mais en essayant tendanciellement de se configurer au Christ, c'est-à-dire de tenter, à distance, de s'ajuster à sa vie et à son amour. Pour le pape François, les chrétiens, d'errants lorsqu'ils s'enferment dans leur immanence, doivent se conduire en vrais pèlerins cheminant avec le Christ vers le Père. 2013, p.189.
Le meilleur des témoignages ne serait-il pas que les chrétiens soient entièrement habités par la folie des Béatitudes ? Puisqu'aimer Dieu c'est aimer son prochain, et si servir les autres donnait un sens à la vie ?
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VOIES MULTIPLES VERSUS CHEMIN DE FOI
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Ancienne abbaye de Saint-Jouin-de-Marnes, Deux-Sèvres.
Trois pèlerins en chemin tenant leur bâton de marche.
Depuis des millénaires les hommes se posent la question du sens à donner à la vie : y-a-t-il un au-delà de la mort ou rien ? Depuis les derniers siècles, pendant lesquels l'histoire s'est accélérée, la raison, la science et la technique marquent le monde de leur empreinte, au point de faire apparaître, à la limite, comme des attardés les croyants conservant une certaine idée de l'homme dont Dieu reste le garant.
C'est dans ce contexte qu'à partir de leurs parcours personnels quelques penseurs contemporains nous ont livré leurs réflexions sur la traversée de la vie. Avec la singularité de leurs regards pénétrants ils balisent des pistes humaines possibles pour l’homme du XXIe siècle.
En effet, nous vivons à une époque charnière. L'Occident chrétien perd de sa prédominance, de même que les grands messianismes de statut terrestre. C'est un nouveau rapport à la finitude humaine qui est proposé : les individus sont de plus en plus renvoyés à eux-mêmes. Dans ce contexte tout ce qui relève de la prise de position sur le sens de l'aventure humaine tend de plus en plus pour un grand nombre à n'admettre que des réponses personnelles.
Si dans une société en profonde mutation seules des consciences singulières sont habilitées à se prononcer sur l'acte final de la vie le fait d'être athée est pourtant loin de signifier la fin de la spiritualité. On a vu que la philosophie définie comme spiritualité laïque entendait libérer les hommes, non pas de la mort, mais des peurs qu'elle génère ; de ce point de vue salvateur un certain rapprochement peut être effectué avec la religion...
Mais où les deux approches se différencient fondamentalement c'est que l'une se fonde sur la foi en un Tout Autre au-delà de ce temps alors que l'autre invite l'homme à trouver le salut en lui-même et par lui-même en se bornant aux seules limites du monde. Il y a ainsi deux types très différents de spiritualités. Les unes relient à Dieu : les religions, les autres sans Dieu, sont une quête de la sagesse qui surtout ne passe ni par un dieu, ni par la foi, mais par les moyens du bord, en acceptant la condition de mortel et reposant sur la simple lucidité de la raison.
Certes ceux qu'habitent la foi comme ceux qui ne l'ont pas, doivent accepter le fait qu'ils vivent dans une société occidentale très profondément sécularisée. S’il paraît difficile de dégager un sens universel qui s’impose à tous, ce travail, à tout le moins, par les balises plurielles que posent les matériaux que sont les extraits des oeuvres rassemblées, espère rendre service aux lecteurs internautes en recherche.
Si ainsi que le rappelle Jacques Derrida "philosopher c'est apprendre à mourir", il reconnaissait aussi : " Je crois à cette vérité sans m'y rendre, de moins en moins. Je n'ai pas appris à accepter la mort...Je reste inéluctable quant à la sagesse du savoir-mourir. Je n'ai encore rien appris ou acquis à ce sujet." (Propos rapportés par Luc Ferry ). Peut-il en être autrement lorsqu'il s'agit de la mort concrètement vécue, un jour du temps, par l'être humain singulier ou de la sortie du temps d'un être cher puisque l'angoisse sourd du coeur de l'homme qui sait qu'il doit passer par la mort présentée comme une fin définitive de ce qu'il a été et de tout ce qu'il est devenu personnellement. A n'en pas douter beaucoup d'hommes ne partageraient-ils pas dans les faits cette ultime difficulté existentielle car il ne faut pas affecter de croire que la mort n'est rien pour nous ? Seules les morts abstraites d'autrui peuvent faire l'objet de catégorisation ; il en est différemment de la mort concrètement vécue, un jour du temps, par l'être humain singulier.
Face à la pluralité des sensibilités possibles face à la vie - athéisme assuré de lui-même, simple indifférentisme, agnosticisme, religions historiques, bricolage individualisé de croyances ...- il appartient bien sûr à chacun de s'efforcer de déterminer ce que doit être son chemin, c'est -à- dire le sens qu'il entend donner à sa vie.
Mais à n’en pas douter les ouvertures de spiritualité religieuse - laquelle détermine la conduite des hommes du dehors - ou de spiritualité purement laïque - laquelle détermine la conduite des individus à la seule hauteur d'homme - que ces auteurs proposent retiendront l’attention des uns ou des autres.
Si ces bonnes feuilles peuvent susciter chez certains le désir d'aller le plus loin possible ces provisions pour la route n'auront pas été inutiles.
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Orientation bibliographique
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COMTE-SPONVILLE André - L'humanisme selon André Comte-Sponville, in Question Philosophie, n°3, Février/Mars 2014, p. 36-29.
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DORE Joseph -Peut-t-on vraiment rester catholique ? Un évêque théologien prend la parole, Paris, Bayard, 2012.
FERRY Luc - La révolution de l'amour. Pour une spiritualité laïque, Paris, Plon, 2010.
FERRY Luc - L'homme-Dieu ou le sens de la vie, Paris, Grasset, 1996.
GAUCHET Marcel - La religion dans la démocratie, Paris, Gallimard, folio essais, 2012.
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GUILLEBAUD Jean-Claude - Le commencement d'un monde. Vers une modernité métisse. Paris, Les Editions du Seuil, 2010.
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HERVIEU-LEGER Danièle - Catholicisme, la fin d'un monde, Paris, Bayard, 2003.
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LIPOVETSKY Gilles - Le bonheur paradoxal. Essai sur la société de consommation, Paris, Gallimard, 2006.
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PAPE FRANCOIS - La Lumière de la foi. Lettre encyclique Lumen fidei, Artège éditions, 2013.
PAPE FRANCOIS ( Jorge Mario Bergoglio ) - Amour, Service et Humilité, Magnificat, 2013.
PAPE FRANCOIS - La joie de l'Evangile. Exhortation apostolique, Artège éditions, 2013.
PEDOTTI Christine - Faut-il faire Vatican III ? Editions Tallandier, 2012.
ROUET Albert - L'étonnement de croire, Paris, Editions de l'Atelier, 2013.
SESBOÜE Bernard- La théologie au XXe siècle et l'avenir de la foi, Paris, Desclée de Brouwer, 2008.
SESBOÜE Bernard-La Résurrection et la vie, Paris, Desclée de brouwer, 2004.
VALLET Odon - Dieu a changé d'adresse, Paris, Albin Michel, 2003.
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© L'échangeur le plus compliqué du monde
http://www.lumieresdelaville.net/wp-content/uploads/2014/07/83.jpg .
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** Ce présent travail avait été précédé par une autre rencontre d'auteurs .
On peut voir : JALLADEAU Joël - Cheminements, parcours et paroles. Textes choisis sur la traversée de la vie.
Des territoires de sens, une pluralité de cheminements.
http://jalladeauj.fr/chemins/index.html
* D'autre part, pour voir l'ensemble de nos travaux sur le Web on peut se reporter au
Portail général : Du temps, de l'espace et des hommes. Nouveaux regards à l'entrée du XXIe siècle
http://jalladeauj.fr/portailgeneral/index.html
**Pour découvrir par l'image le patrimoine roman d'où proviennent les clichés ici représentés on peut voir
Art roman, regards croisés
Figures de pierre, clefs de lecture, parcours
http://jalladeauj.fr/webroman/index.html
et le portail de notre ami Michel CLAVEYROLAS
Richesse de l'art roman
http://jalladeauj.fr/claveyrolasroman/index.html
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