VOYAGE A LA MODE MEDIEVALE
DANS LES PROFONDEURS DE L'HOMME
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Le monde intérieur de l'homme peut-il être évoqué par les poissons et les sirènes ? Les poissons peuvent être perçus comme des témoins de la vie des profondeurs et de ce que l'on peut y trouver si l'on s'y aventure : c'est l'hypothèse proposée par Anne et Robert Blanc.
Dans cette optique les poissons auraient pu être utilisés par l' imagier pour représenter tout ce qui se trouve au fond de l'homme et qu'il est bien difficile d' identifier et la siréne pourrait être considérée comme le symbole d'une certaine aptitude à descendre dans nos profondeurs inconscientes.

 DES ACTEURS : LES POISSONS
Les poissons sont une des créatures caractéristiques de l'élément Eau. Les profondeurs liquides marines ou terrestres peuvent-elles servir de référent analogique aux profondeurs intérieures de l'être humain ?


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Eglise Saint-Nicolas de Civray, vienne.
Les poissons pourraient évoquer ce que l'on peut découvrir dans les profondeurs intérieures de l'homme.


Eglise de Saint-Fort-sur-Gironde, Charente-Maritime.
Un homme ploie sous le poids d'un grand poisson.


Eglise de Saujon, Charente-Maritime.

Ici le poisson est si énorme que l'homme qui le porte sur ses épaules est obligé de mettre un genou à terre.
Dans une lecture au second degré, le fardeau intérieur - sentiments jusqu'ici refoulés dans notre Moi le plus profond - que porte à grand-peine ces personnages est devenu difficilement supportable.
Les profondeurs marines peuvent, dans cette perspective, évoquer les propres profondeurs de l'homme ; les sculpteurs romans nous entretiennent ainsi des voyages au fond de l'être. Bien sûr, il n'est pas question d'inconscient, de contenu psychanalytique à l'époque médiévale ; peut-être pourrait-on parler de fortes intuitions de la part des imagiers...


Eglise de Mozac, Puy-de-Dôme.
D'un côté, un personnage se sert d'un énorme poisson comme monture ; il le dirige de sa main gauche passée sous la tête de l'habitant du monde liquide. Sur l'autre partie une autre scène étrange montre un autre homme, sans doute le même individu représenté deux fois, maîtrisant une bête en lui écartant fermement la gueule. Au lieu de ployer sous son poids comme précédemment l'homme a maîtrisé le poisson puisqu'il le chevauche et peut alors contrôler tout ce qui aurait pu arrêter - figuré par l'animal - sa progression spirituelle...

ACTEURS ET COMPOSITIONS SCENIQUES : LES SIRENES MONOCAUDALES


Moitié femme et moitié poisson ou oiseau la sirène est une figure fréquente du patrimoine religieux roman bien que ce soient les sirènes appelant Ulysse qui soient les plus fameuses. Sa présence s'explique par une vision de la femme à cette époque et, peut-être aussi, peut-être par des considérations d'ordre architectural.
Elle est habituellement considérée comme l'incarnation de la séduction féminine contre laquelle il faut mettre en garde. Ambivalentes dans la culture greco-romaine, les sirènes deviennent malfaisantes à l'époque médiévale ; elles cherchent fréquemment à séduire les hommes et à les conduire à leur perte. C'est pourquoi ces femmes-poissons ont généralement une dimension maléfique.

Des auteurs comme Anne et Robert Blanc ont tenté une réhabilitation de la sirène en émettant l'hypothèse qu'elle était, dans l'imagerie romane, un moyen d'exploration des contenus interieurs les plus profonds de l'être humain. En bref, ils proposent de considérer la sirène comme un guide pour le voyage au plus profond de l'homme.


 Eglise Saint-Pierre de Parthenay-le-Vieux, Deux-Sèvres

Type de sirène-poisson, moitié femme, moitié poisson à la chevelure ordonnée en nattes, évoquant du point de vue chrétien courant les tentations nées de la chair et, aussi plus généralement, l'attrait dangereux des illusions.


Notre-Dame d'Orcival, Puy-de-Dôme.

Une sirène évoquerait les pulsions obscures de l'homme ; toutefois elle retient, semble-t-il, sa chevelure ; l' aigle - représentant comme on l'a rappelé plus haut les énergies spirituelles -sur son dos lui conseille-t-il ce geste de réserve ?

Eglise de Surgères, Charente-Maritime.
Sirène à l'épaisse chevelure tenant son appendice caudal.


Eglise de Vançais, Deux-Sèvres.
La présence de sirènes à la façade des églises peut interpeller.
Ici, allongée, elle semble veiller au-dessus de la porte d'accès à l'église.


Eglise de Vançais, Deux-Sèvres.
Un oiseau est juché sur cette autre sirène-poisson proche de la précédente ; étant donné ce que représente l'oiseau, lui donne-t-il des instructions pour la croissance spirituelle ?


Chapelle Saint-Michel l'Aiguilhe, Le Puy-en-Velay, Haute-Loire.
Ici la sirène dissimule ses cheveux sous un tissu qu'elle tient des deux mains ; on pourrait penser à un signe de réserve car la chevelure est considérée comme un moyen de séduction.

C'est l'alliance SIRENES-POISSONS qui mérite d'être mise en avant.


Eglise de Parçay-sur-Vienne, Indre-et-Loire.
Une sirène à la longue chevelure dénouée ( signe d'attraction pour les hommes ) tiient dans sa main gauche un poisson.
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Ancienne collégiale Saint-Ours, Loches, Indre-et-Loire.

Deux gros plans : une sirène tenant un poisson et une figure plus rarement représentéé : un drac ( homme marin à la barbe fournie ; le poisson qu'il tenait est disparu ).
Tous deux peuvent, au second degré, être considérés dans l'imagerie romane comme guides permettant de naviguer
dans les profondeurs de l'être humain ; le gros poisson étant là pour signifier que sirène et drac évoluent facilement dans les profondeurs.


Eglise de CUNAULT, Maine-et-Loire.

Une sirène-poisson tenant un poisson dans chaque main en tend un à un pêcheur dans son embarcation. Ce dernier fait mine de s'en saisir, c'est-à-dire de voir plus clair dans ses propres profondeurs...



Eglise de Civaux, vienne.
Une sirène, un poisson dans chaque main, occupe une barque et semble jeter un malheureux humain à la mer.
A regarder de plus près, la sirène semble écouter les propos de deux poissons qu'elle a dû remonter des flots... On pourrait alors, avec Anne et Robert Blanc, avancer l'hypothèse que le personnage plonge à son tour pour aller voir en personne ce dont il est question ( évidemment à l'!ntérieur de lui-même ). Qu'avait réellement à l'esprit le sculpteur ?


ACTEURS ET COMPOSITIONS SCENIQUES : LES SIRENES A DOUBLE QUEUE


 Crypte de l'église de SAINT-PARIIZE-LE-CHATEL, Nièvre.

Sirène bi-caudale à la chevelure soigneusement peignée. Faut-il voir dans le geste des mains tenant les deux queues, chez l'imagier roman, la volonté de représenter la nécessité du " contrôle de la démarche intérieure " ?


Eglise de Tavant, Indre-et-Loire
On a pu voir aussi, dans la sirène à deux queues, l'expression d'une contrainte technique récupérée.
Ce bel exemple de sirènes le montre à l'évidence. Chaque tronc occupe un angle de la corbeille les éléments caudaux relevés remplissant les faces adjacentes.`


Eglise Saint-Nicolas de Maillezais, Vendée.

Sirène bi-caudale comportant une chevelure à quatre nattes. Elle est surmontée d'oiseaux dans des rinceaux dont on peut rappeler l'importance dans l'imagerie romane.



Eglise Saint-Eutrope, Saintes, Charente-Maritime.
Sirène bi-caudale dans un décor saintongeais.



Eglise de Brioude, Haute-Loire.

Cette sirène présente un nouvel élément caractéristique : les extrémités de ses frêles queues semblent se terminer par des éléments végétaux. Or, les feuillages symbolisent la vie, la croissance donc le changement, le renouvellement de la démarche.


Eglise de Glaine-Montagut, Puy-de-Dôme.
Dans cette petite église rurale on retrouve la même inspiration que précédemment, avec notamment la présence de feuillages, mais le talent de l'artiste n'est pas le même.


 Eglise de Marignac, Charente-Maritime.

Les queues de ces trois sirènes, comme toujours fermement tenues, semblent exercer une action de soutien de l'Eglise par leurs têtes et leurs extrémités.


 Eglise de Saint-Révérien, Nièvre.
Même les petits chapiteaux d'une fenêtre de chapelle rayonnante peuvent avoir leur sirène bi-caudale.

Eglise de Kaysersberg, Haut-Rhin.
Sirènes à double queue, chapiteau droit du portail.
Au final, la sirène doit-elle toujours ètre vue comme un symbole d'attraction et de séduction ou peut-elle parfois être réhabilitée dans la mesure où elle pourrait symboliser un certain contrôle de la démarche à des fins spirituelles ?
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PS. Le symbolisme chrétien courant du poisson peut-être rappelé.
L'origine du symbole dans la Bible doit probablement être cherchée dans les Evangiles qui parlent souvent de poisson, de pêche et de pêcheurs.


     En grec le mot poisson s'écrit « ichthus ». Chacune des cinq lettres grecques est le début d'un titre christologique que l'on traduit : Jésus, Christ, Fils de Dieu, Sauveur.
L'interdépendance entre l'idéogramme - ICHTHUS - et la représentation graphique du poisson s'est imposée rapidement chez les premiers chrétiens.
il représente en même temps l'Eucharistie c'est-à-dire le Corps, le Sang, l'Âme et la Divinité de Jésus-Christ. Les pains et les poissons sont la manne du Christ unissant les fidèles dans la communion sacramentelle. Ces éléments architecturaux - le rappellent clairement.


Métope et modillon de la chapelle Saint-Jean Baptiste du Liget, Indre-et-Loire.

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