La figuration du Crucifié les yeux ouverts
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Le Christ représenté le corps droit cloué sur la croix s’endort dans la mort selon son humanité, mais impassible, les yeux ouverts dans une tête souvent droite, demeure immortel, selon sa divinité.
A la différence de ce qui se fera plus tard, chaque œuvre évite de céder à l’attraction du dolorisme. Toute allusion à la souffrance étant gommée l’image entend suggérer un message de victoire du Christ sur la mort. Ce type de figuration fait partie des images dites du Christ triomphant.
- Aux XI-XIIe siècles, le thème de la Crucifixion est abordé dans toutes les formes artistiques : vitrail, fresque, mosaïque, orfèvrerie, émail, sculptures sur bois, sur pierre ou même sur ivoire.
- Nous en présenterons, parmi d’autres, quelques exemples retenus en fonction du type de tradition vestimentaire adoptée par les artistes : port du perizonium ou du colobium. Le premier tendant à l’emporter au fil du temps sur le second.
Extrait du fameux vitrail de la Crucifixion, XIIe siècle..Cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul, Poitiers, Vienne.
Le fameux vitrail de la Crucifixion, un des plus anciens vitraux conservés en France, est un véritable fleuron de l'art occidental.
La croix est rouge, couleur du sang. Le Christ est entouré de Marie et du porte-lance, à sa droite ; à sa gauche sont représentés Jean et le porte-éponge.
Par sa mort librement acceptée par amour pour les hommes, le Christ sauve le monde, triomphe du mal.
La Résurrection est figurée au pied de la croix. Mort et Résurrection sont au coeur de la foi chrétienne en tant que mystère pascal.
Le Christ de la Crucifixion qui occupe plus de la moitié du vitrail a un nimbe crucifère et non une couronne d’épines. Sous une abondante chevelure bleue couleur du ciel, les yeux sont complètement ouverts.
Des croix monumentales et des crucifix peuvent également représenter le Christ victorieux de la mort par les yeux maintenus ouverts.
Crédit photo : EmDee in Wikimedia
Eglise Saint-Maurice et Saint-Louis, Vebret, Cantal.
Datant de la fin du XII°, début du XIII° siècle ce Christ est de dimensions imposantes.
Ce qui domine est la plénitude calme du noble visage allongé doucement penché, qu’encadrent de longues mèches souples, une barbe régulièrement ordonnée en boucles séparées. Son visage aux yeux grands ouverts sur une autre réalité ne fait pas apparaître la souffrance.
Un Christ de grandes dimensions se retrouve notamment à Thérondels (Aveyron)
Crédit photo : Mossot
Christ polychrome du XIIe siècle. Eglise Notre-Dame de Thérondels, Aveyron.
Dans son vêtement court noué à la ceinture, le Christ est représenté les yeux ouverts, relativement détaché des souffrances de la Croix.
Art in faith. varvara.wordpress.com
Revêtu d’un long perizonium noué à droite le Christ en ivoire offert par le couple royal Fernando et Dona Sancha à la collégiale de San Isidro de Leon ( Espagne, 1063 ) penche légèrement la tête vers la droite ouvrant de grands yeux ronds sur un autre monde. On peut remarquer Adam ressuscitant sous le suppedaneum sur lequel le Crucifié repose ses pieds ; à n’en pas douter cette présence est riche de sens. 
Cet exceptionnel travail de l’ivoire représente non seulement la Crucifixion mais aussi des scènes de Jugement dernier et de Résurrection avec des personnages sortant des sarcophages et retrouvant la vie…
Dans les crucifix peints des compositions scéniques peuvent se rajouter tant derrière le sujet central qu’aux extrémités de la croix.
Crucifix de la chapelle Saint Damien d’Assise devant lequel saint François se sentit interpellé par le Christ lui-même. Le Christ sur la croix ne montre pas de détresse. Il semble presque debout et délivrer avec les bras ouverts, un message d’espoir.
De petites compositions scéniques sont associées au Christ enrichissant la croix proprement dite :
- en haut : au-dessous de la Main divine on trouve Jean Baptiste appelant les apôtres ,
- dans le panneau central de la croix, juxtaposés aux flancs du Christ de grands personnages : à gauche Marie et Jean, à droite Marie-Madeleine, Marie ( mère de Jacques ) et le centurion,
des personnages plus petits plus bas : les soldats témoins de la crucifixion : le porte-lance et le porte-éponge
- sous les mains du Christ : des anges recueillent son sang.
JarektUploadBot Croix de l’église du Saint Sépulcre conservée au Museo Nazionale di San Matteo Pise
Le Crucifié ne semble pas montrer d’atroces souffrances. Là encore des scènes accompagnent et entourent le Christ sur de petits panneaux ornant tout le pourtour de la croix.
Crédit photo : Chinpat wikipedia
La sculpture en bas-relief dite de Saint-Mexme du XIe siècle étant en mauvais état, c’est un moulage exposé au musée du Vieux Chinon ( Indre-et-Loire ) qui a été photographié. Son intérêt réside dans l’apparente rareté - du moins nous semble-t-il- d’une telle sculpture en pierre. 
Le Christ donne l’impression d’être encore en vie et de reposer simplement sur la croix.
☞ Représentations du Christ en colobium, longue tunique à manches longues descendant aux chevilles et comportant des plis verticaux.
Crédit photo : Antoine MAPPUS . Chapelle de Saint Michel d’Aiguilhe
Christ vêtu de la longue tunique comme les majestés catalanes ci-après.
- Grands ouverts les yeux du Crucifié portent sur le monde un regard d’impassibilité.
Crédit photo : https://lh6.googleusercontent.com. Christ de la Llagonne, Pyrénées Orientales
Une sculpture proche des crucifix typiquement espagnols, en bois polychrome les yeux ouverts, la chevelure bien dessinées, la barbe noire soignée existe à Llagonne. Une longue tunique recouvre le corps du Christ. Malgré les gouttes de sang perlant sur le front l’image évite de céder à l’attraction du dolorisme ; les yeux ouverts entendent suggérer, une fois encore, que la vie prend le pas sur la mort.
Même vision paisible et lumineuse dans un Christ en croix, du début du XIIème siècle, connu sous le nom de Majestat Batllo, au musée d’art catalan de Barcelone :
Photo : Roger Ferrer Ibanez wikipedia © MNAC - Batlló au musée national d'art de Catalogne.
Pièce emblématique de l’art roman catalan, la Majesté Batlló représente un magnifique exemple de Crucifié triomphant de la mort.
Cette figuration en bois polychrome du XIIe siècle, dans sa longue tunique serrée à la ceinture, se caractérise par son attitude raide et solennelle. Les yeux sont ouverts, sans signes de souffrances. Le bel ordonnancement de la barbe et de la chevelure suggère un univers pacifié.On remarquera les bleus, les roses, l’or, tant sur le colobium que sur la croix elle-même.
Crédit photo : Jmarchn wikimedia La Majesté de Beget , Catalogne.
Le Christ est vêtu d'une large tunique aux plis tubulaires parallèles qui la parcourent entièrement ; ces plis se retrouvent également sur la Majesté Battlo précédente. De même, le Crucifié possède aussi les yeux ouverts, les cheveux et la barbe soignés.
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Après s’être longtemps refusées à représenter le Christ sur le gibet d’ignominie des malfaiteurs, les communautés ecclésiales ont accepté de le montrer attaché à la croix. Mais dans toutes ces images le Christ en croix est représenté relativement apaisé, sans souffrance apparente.
Il reste à rappeler l’association fréquente à l’époque de l’image de la croix à l’évocation de la résurrection par la scène des femmes découvrant le tombeau vide.
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