Par le bois de la Croix
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* Mort et retournement des choses opéré par la croix du Christ.

Au XIIIe siècle Jacques de Voragine dans sa Légende dorée fait ainsi observer « qu’avant la passion de J.C., le bois de la croix fut un bois méprisé, parce que ces croix étaient faites avec du bois de bas prix ; il ne portait point de fruit tout autant de fois qu’il était planté sur le mont du Calvaire ; c’était un bois ignoble, parce que c’était l’instrument du supplice des larrons ; c’était un bois de ténèbres et sans aucune beauté ; c’était un bois de mort, puisque les hommes y étaient attachés pour mourir ; c’était un bois infect, parce qu’il était planté au milieu des cadavres. Nais après la passion, il fut exalté de bien des manières, parce que au lieu d’être vil, il devint précieux ; ce qui a fait dire à saint André : «  Salut, croix précieuse.,etc. » Sa stérilité fut convertie en fertilité c’est pour cela qu’il est dit au ch. VII des Cantiques : « Je monterai sur le palmier, et j’en cueillerai les fruits. » Son ignominie devint excellence. «  La croix, dit saint Augustin, qui était l’instrument de supplice des larrons, a passé sur le front des empereurs. » Ses ténèbres ont été converties en clarté. «  La croix et les cicatrices de J.C., dit saint Chrysostome, seront au jugement plus brillantes que les rayons du soleil. » La mort est devenue une vie sans fin : ce qui fait dire à l’Eglise : « La source de la mort devint la source de la vie. »

* Retour sur une belle légende du bois de la Croix.

Une légende médiévale, tirée d'écrits intertestamentaires et d'apocryphes chrétiens, rapporte que la croix du Rédempteur fut taillée dans le bois de l’arbre ayant poussé sur la tombe d’Adam. Or, cet arbre ne serait autre que celui qui s’est développé à partir d’une graine de l’Arbre de vie déposée dans la bouche d’Adam après sa mort par son fils Seth. C’est l’archange saint Michel qui l’aurait apportée à ce dernier.
L’arbre aurait servi comme bois d’œuvre sous le règne du roi Salomon pour l’édification du Temple, puis aurait été réemployé pour la construction d’un pont avant d’être enfoui en terre. Pour finir ce bois d’œuvre aurait été réutilisé pour dresser la Croix de la Passion de Jésus sur le Golgotha. Ce serait sur cette croix-arbre que le Christ serait venu racheter Adam et tous les hommes du péché.
Un beau récit légendaire riche de sens pour nous dire que la vie triomphe de tout malheur, que la mort n'est pas une fin.

* Des artistes des temps romans ont essayé de traduire chacun à leur manière dans leurs œuvres ce renversement de perspective.
Aujourd’hui, Gérard de Champeaux et dom Sébastien Stercks rappellent que le « mystère de la croix, c’est à travers le sacramentum ligni vitae, le signe de l’Arbre de Vie » que les Pères de l’Eglise « l’ont le mieux perçu et exprimé » ajoutant que « la Croix est appelée Bois de vie, Arbre de Vie, ou simplement le Bois » ( p. 371 ).

Aucune œuvre ne peut réellement tout exprimer. Chaque édifice a ses spécificités particulières. L’essentiel, pour l’artiste n’étant pas de tout exprimer, mais d’aller le plus loin possible dans ce qu’il avait pour mission par le commanditaire de révéler. Bien sûr qu’il y a des éléments purement décoratifs dans une église romane, mais nombre de représentations, qu’elles soient œuvres de génie ou frustes, veulent signifier au-delà des apparences ce que l’artiste a voulu exprimer. Il en est ainsi pour la représentation de la croix source de vie comme pour tout autre thème.
Le sculpteur de la dalle de l’enfeu de Saint-Hilaire avait trouvé une remarquable façon d’exprimer l’idée paradoxale de la croix-source de vie.


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Plan rapproché sur la croix-arbre de vie de l’enfeu de Saint-Hilaire le Grand, Poitiers.

Puisque le sacré n’est pas dissociable de la matière qui l’évoque, d’autres artistes des temps romans ont utilisé des procédés différents pour exprimer le thème de la Croix promesse de vie nouvelle.
* Deux approches ont cherché, de façon directe, à traduire le retournement complet du paradoxe chrétien dans lequel la croix de procédé de supplice infamant et terrible devient promesse de salut donné aux hommes.
- La représentation de la Croix / Bois vivant « quasi-brut d’émondage ».
- La figuration du Crucifié les yeux ouverts.

* Une version indirecte doit également être mentionnée : l’association de l’image de la croix à l’évocation de la résurrection par la découverte par les Saintes Femmes du tombeau vide .


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