L'ESPERANCE CHRETIENNE
Modernité et christianisme
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Cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul, Poitiers, Vienne.
Détail du fameux vitrail de la Crucifixion : un des plus anciens vitraux conservés en France, véritable fleuron de l'art occidental.

Alors que pour beaucoup la vie ne va nulle part sinon à la mort, se dire chrétien c’est accepter de bâtir sa vie sur une perspective qui peut paraître étrange à nombre de nos contemporains.
La fin du XXe siècle aura été marquée par le reflux des normes et référents collectifs jusque-là structurants et la montée de l'individualisme.
Si la sortie de la société dite de chrétienté ne signifie pas pour autant la fin du croire, elle est en tout cas marquée par l'affaiblissement de la fonction religieuse régulatrice et organisatrice de l'espace social. En d'autres termes, le christianisme ne régit plus toute la société comme il a eu le projet de le faire ; il se heurte à notre époque à deux tendances de sens opposés : d'une part, un mouvement fort de sécularisation de la société, de l'autre, une dérégulation des croyances et un foisonnement pluriel du religieux.
Sur un fond d'incroyances massives et face aux formes vagues de religiosité à la mode ou confronté aux autres religions établies, le christianisme n'est plus le seul pôle autour duquel s'effectue en France la recherche spirituelle. Se réclamer du christianisme et emprunter un des chemins menant au Tout Autre résultera moins dorénavant du conformisme social que d’une démarche délibérée personnelle.

Dans ce contexte, encore plus que d’autres institutions sociales et religieuses, l’Eglise a des difficultés à s’adapter à la quête individuelle si marquée du temps présent.

Du grippage de la chaîne de reproduction du modèle chrétien.


Ainsi que le rappelle le théologien Joseph Moingt lorsqu'une société était encore régie largement par la tradition les parents éduquaient les enfants dans la piété, leur communiquaient leur propre foi, puis les confiaient à l'institution ecclésiale, qui les instruisait, les munissait de ses sacrements, les habituait à ses dévotions, leur donnait le goût des célébrations, de telle sorte que les enfants devenus majeurs, ratifiaient en toute conscience et liberté la décision des parents qui les avaient fait devenir chrétiens.
Avec la rupture de l'autorité de la tradition que fut la modernité les hommes ont réfléchi différemment à l'acquisition et à la transmission des connaissances, aux critères de la science, aux conflits de la tradition, de la société…
La
modernité n'a jamais été que le mouvement de cette grande crise de civilisation qui va avec l'audace de penser par soi-même, de chercher la vérité c'est ce que Marcel Gauchet appelait " le retrait de la religion".
Non seulement la société se retire de la religion, elle n'en a plus besoin, mais le religieux chrétien lui-même ne contrôle plus la société. Cette dernière peut exister sans les liens religieux ; elle peut exister par l'accord de la volonté commune d'une nation et elle peut elle-même se donner toutes les fonctions dont elle a besoin.
Beaucoup de personnes qui croyaient sous la pression d'une croyance commune, n'ont pas fait l'effort de penser leur foi par eux-mêmes quand cette pression sociale s'évanouissait. Leur foi s'est étiolée sans même s'en apercevoir. On cesse peu à peu les pratiques religieuses dont il semble qu'on puisse aisément s'en passer.
Dans cette perspective sociétale
deux attitudes concernant Vatican II sont observables que l'on retrouve dans tous les groupes sociaux et à tous les niveaux de l'Eglise.
L'une traditionaliste et anti-conciliaire souhaite rétablir les pratiques culturelles religieuses du passé par lesquelles s'était transmise la religion de génération en génération. Il s'agit de redonner aux chrétiens qui se sont éloignés de la religion les structures religieuses du passé dans l'espoir que ces structures soient de nouveau des véhicules de valeurs chrétiennes. Pour ces groupes traditionalistes l'essentiel de la foi consiste avant tout dans la lettre des textes sacrés, dans des points de doctrine, des lois morales ou des préceptes cultuels, des traditions vestimentaires ou alimentaires.
L'autre attitude ouverte à la modernité considère que la société contemporaine est le monde concret auquel les disciples de Jésus sont envoyés pour y être des témoins d'espérance et de sens.
L'Eglise n'existe pas pour elle-même mais pour le monde présent, moins pour le transformer selon sa propre perspective de ce qu'il devrait être mais pour y déposer le levain évangélique dans un langage qui puisse être compris et de le conduire à une expérience de foi.
Ces fidèles de Vatican II - concile qui avait entrepris de réconcilier l'Eglise avec le monde de son temps - reprochent aux " conservateurs " de donner à l'Eglise une dimension ringarde.
Alors peut-on croire, comme le soutiennent certains groupes, qu'il suffirait de retrouver le chemin de la religiosité en reprenant des rites anciens plus souvent hérités du XIXe siècle que de la tradition la plus lointaine ? Comment ce retour passéiste pourrait-il permettre d'affronter les défis contemporains à relever pour reconnaître les signes des temps et témoigner de l'Evangile dans des sociétés occidentales sorties de la religion ?
En effet, aujourd'hui la foi chrétienne ne peut plus être considérée comme résultant d'une contrainte sociale. On ne devient pas chrétien par contrainte, mais par acte de liberté, et un acte qui est parfois onéreux.
Du fait de ce nouveau contexte on est passé d'une foi quasi-obligée ( expression pour le moins contradictoire) à une foi d'adhésion volontairement et librement assumée.
Rude défi lorsque la barque institutionnelle de l'Eglise tangue et roule dans les vicissitudes des temps actuels. Le monde du christianisme n'est plus le monde des hommes de ce temps. Puisque l'on est entré dans une ère nouvelle, le christianisme ne saurait demeurer crispé, figé. Un des défis majeurs à relever pour l'Eglise catholique est d'assurer le passage d'une position nationale historiquement dominante à un statut minoritaire sans devenir pour autant un groupe spiritualiste marginalisé.
On passe d'un christianisme d'héritage, d'observance à un christianisme d'engagement, de vouloir.

Et enfin - et ceci est également nouveau - il est évident qu'en étant chrétien dans une société qui n'est pas chrétienne, les croyants ne peuvent plus rêver d'imposer leur foi. Il s'agit moins alors de se lancer à une reconquête du terrain perdu que de se situer autrement comme catholiques. Un cheminement chrétien aujourd'hui ne demande-t-il pas plutôt de prospecter des voies nouvelles pour vivre la proposition chrétienne ?
Alors quelle sorte d'Eglise pour demain ? Stabiliser l'existant ou chercher à l'améliorer ? La question est de savoir quel type d'Eglise sera le plus capable d'annoncer la nouveauté de Dieu au monde en train d'éclore ?
Le salut n'est-il que dans le maintien des traditions religieuses, surtout liturgiques, du christianisme et la restauration de celles qui auraient été abandonnées : retour aux anciennes liturgies et dévotions, processions, adorations et génuflexions, latin, chapelet ? On parle de nouvelle évangélisation, mais l'esprit de Vatican II se perd dans certains retours en arrière.
N'est-il pas préférable de s'ouvrir à la modernité, de se tourner vers l'annonce de la Bonne Nouvelle au monde concret, et pour cela d'essayer un retour aux sources de l'Evangile, d'engager l'Eglise moins vers une restauration que vers une organisation autre prenant en compte la reconnaissance de la "majorité" des fidèles et l'attribution aux laïcs, y compris aux femmes, de responsabilités accrues. ?


Un challenge à relever pour le catholicisme du troisième millénaire.
Les points de vue de certains spécialistes permettent de dégager un certain nombre de pistes qui semblent converger vers un message évangélique radicalement revisité et un nécessaire renouveau ecclésial pour l'Eglise des temps à venir.
Des théologiens et auteurs laïcs, passeurs de la Bonne Nouvelle, invitent à se recentrer sur l’essentiel : le cœur de la foi.

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Plan rapproché du Christ de la Crucifixion.
Cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul, Poitiers, Vienne.


✏︎ Si l'Evangile refleurissait !
Recherchant la vérité de la foi en même temps que celle de l'histoire, la théologie peut préconiser un changement des pratiques et des institutions de l'Eglise pour les rendre plus conformes à son origine sans incriminer sa tradition et en se recommandant d'elle au contraire.
** La norme pour réformer l'Eglise dans la vision de Hans KÜNG, théologien : Jésus-Christ historique attesté dans la Bible.
Contrairement tant aux tenants d'une vision harmonieuse et optimiste de l'histoire de l'Eglise qu'à l' interprétation historique dénonciatrice et haineuse le grand théologien, plus jeune expert à Vatican II, plaide pour la recherche d'un jugement nuancé.
S'il est amené à critiquer l'Eglise dans son développement historique en tant qu'institution il insiste sur sa foi inébranlable en Jésus-Christ, à sa Personne et à sa Cause. Sur ces bases il estime que l'Eglise ne pourra être sauvée " que si l' l'Esprit de Jésus-Christ remet en marche la communauté de foi et redonne aussi une crédibilité, une capacité d'être compris et acceptés à ses dirigeants. Mais d'un autre côté, cela dépend aussi des hommes qui forment cette communauté de croyants et qui sont ouverts à ce souffle de l'Esprit qui souffle où il veut " p.59.
Le diagnostic de l'auteur est que la communauté de l'Eglise souffre à cause du système de pouvoir romain qui s'est établi progressivement au premier siècle après Jésus-Christ et qui fut proclamé théoriquement à Rome dès le milieu du premier millénaire. Repoussé plusieurs fois dans l'Eglise, ce système s'imposa en Occident au début du deuxième millénaire.
Hans Küng estime que la théologie occidentale montre que la constitution de l'Eglise primitive et celle de la grande tradition catholique du premier millénaire correspondent mieux à la conception démocratique de l'époque actuelle. p.135
Pour se libérer de la perte de confiance et de la dégradation de l'image de l'institution ecclésiastique il semble qu'il faille se tourner résolument vers les origines chrétiennes de l'Eglise, telles qu'elles sont attestées dans le Nouveau Testament. p.170
Bien entendu, de nos jours aussi, l'Eglise doit préserver son identité et rester un lieu où la religion est chez elle. Elle ne doit d'aucune façon se soumettre au diktat d'une radicalisation des Lumières, et encore moins perdre son essence par un processus de dissolution dans le monde séculier. Pas plus qu'elle ne doit se conformer totalement ou chercher à plaire à la société moderne, à l'aide d'initiatives de communications raffinées, de campagnes de marketing et d'image, ou de pures stratégies économiques.
Mais d'un autre côté, elle ne doit pas non plus tenter de préserver son identité en s'accrochant à des traditions, des formulations, des formes et problématiques dépassées. Elle doit au contraire sans cesse
refonder son identité catholique dans la foi en Jésus-Christ, l'unique Seigneur de l'Eglise, et vivre cette foi dans une continuité pratique… Jadis il s'agissait certainement aussi de cette continuité pour Pierre, et aujourd'hui ce doit être le cas pour le pape s'il prétend être le successeur de Pierre. " p.172-173. "L'Eglise est dans sa définition brève, la communauté de ceux qui ont la foi en Christ : la communauté de ceux qui attestent activement que Jésus-Christ et sa cause, pour lesquels ils se sont engagés, sont l'espérance pour le monde. L'Eglise est crédible lorsqu'elle ne parle pas en première ligne du message chrétien à d'autres mais à elle-même, et que de la sorte elle ne fait pas que prêcher les exigences de Jésus, mais aussi les réalise. Toute sa crédibilité tient donc à la fidélité à Jésus-Christ.
Dans cette mesure, aucune des Eglises actuelles - et pas non plus l'Eglise catholique - n'est automatiquement et à tous égards identique à l'Eglise de Jésus-Christ.
Une Eglise ne l'est que si elle reste fidèle à Jésus-Christ en paroles et en actes. Toutes les réformes doivent donc se laisser mesurer au critère central de l'Eglise : au Jésus historique, tel qu'il vient à notre rencontre dans le Nouveau Testament, équivalant à nul autre dans sa prédication, son comportement et son destin, comme Christ des chrétiens, en dépit de toutes les tentatives critiques pour le réduire à néant. Encore faut-il qu'il soit transmis aux hommes d'aujourd'hui dans un langage actuel, et non dans un langage dogmatique et archaïque, incompréhensible pour les "laïcs". Il entre alors vivant dans notre présent et en devient un critère concret.
On ne peut pas alors imaginer que Lui auquel en appelle le christianisme, s'il revenait... manifesterait de nos jours dans les questions controversées les mêmes dispositions que les autorités ecclésiastiques romaines, et souvent aussi les non romaines : - que Lui, qui mettait en garde les Pharisiens contre les fardeaux trop lourds qu'ils plaçaient sur les épaules des hommes, déclarerait aujourd'hui encore que toute contraception "artificielle" est un péché mortel qui vide la sexualité de sa substance et qu'elle confine à l'avortement ; - que Lui, qui justement, invitait les déchus à sa table, interdirait à jamais sa table à tous les divorcés remariés ; - que Lui, qui était constamment accompagné par des femmes ( se souciant de ses besoins ) et dont les apôtres étaient tous mariés, interdirait, dans la situation actuelle, le mariage à tous les hommes ordonnés, mais aussi l'ordination à toutes les femmes ; - que Lui priverait progressivement les paroisses de leur prêtre et de leurs aumôniers et donc de leur célébration eucharistique régulière ; - que Lui, qui a pris la défense de la femme adultère et des pécheurs, édicterait de durs verdicts sur des questions délicates comme les rapports sexuels prénuptiaux, l'homosexualité et l'avortement, qu'il faut à l'évidence juger selon un regard critique qui sait différencier.
Non je ne peux pas non plus envisager que, s'il revenait aujourd'hui, Il serait d'accord : - si dans le domaine œcuménique, on maintenait la différence de confession comme un obstacle au mariage et même pour les théologiens laïcs ( de même pour les candidats protestants au pastorat ), comme un obstacle à exercer un service pastoral ; - si l'on contestait la validité de l'ordination et de la célébration eucharistique des pasteurs protestants ; - si l'on empêchait l'hospitalité eucharistique et les célébrations eucharistiques communes, la construction commune d'églises et de centres paroissiaux ainsi que l'instruction religieuse œcuménique ; - si au lieu de convaincre par des arguments ses propres théologiens, aumôniers, vicaires et catéchistes, mais aussi ses journalistes, ses représentants associatifs et ses responsables d'organisations de la jeunesse, on cherchait à les tenir en laisse par des sanctions, des décrets, des " déclarations " et des retraits de la missio...
Finalement, je ne peux davantage envisager qu'Il contesterait que les non-juifs et les non-chrétiens reconnaissent aussi le véritable Dieu et peuvent trouver le chemin qui mène jusqu'à Lui. Il a traité les gens de croyance différente d'une autre façon que beaucoup d' "orthodoxes" ou de " bons pratiquants " contemporains. Il les a respectés en tant que personne en reconnaissant leur dignité. Lui qui était né d'une mère juive se réjouissait de la foi d'une femme syro-phénicienne ou d'un officier romain. Il accueillait amicalement les Grecs qui souhaitaient le voir et, non sans provocation, il proposait à ses compatriotes juifs un samaritain hérétique comme l'inoubliable modèle de l'amour du prochain."
Au vu de ce Jésus-Christ, les nécessaires réformes peuvent être précisées à travers les exigences concrètes suivantes.
De son point de vue il importe finalement de tenir ceci :
" L'Eglise ne doit pas être comprise comme un appareil de pouvoir en permanence gêné par le dialogue et la démocratie, mais comme " peuple de Dieu ", " corps du Christ " et communauté mondiale et locale de l'Esprit.
Le ministère ecclésial doit être compris comme un " service " auprès des hommes.
Le pape doit être compris comme l'évêque qui guide l'Eglise catholique, dont la primauté collégiale et pastorale est intégrée dans un collège épiscopal au service de l'oecuménisme dans son ensemble".
** Joseph Moingt, théologien : de l'ouverture au monde et l'Evangile avant tout.
L'Eglise a pour mission de témoigner de l'Evangile en parlant aux hommes de notre temps dans un monde qui s'écarte de plus en plus de la foi.
Ce monde est désormais rebelle à toute transcendance, refermé sur sa finitude, uniquement soucieux des fins temporelles et des biens matériels.
La mission de l'Eglise est loin de s'arrêter à entretenir la foi des fidèles ou leur vie sacramentelle et à subvenir au culte ou aux besoins religieux des populations, elle lui commande d'annoncer l'Evangile au monde entier précise notre auteur.
L'Eglise a rempli cette mission par l'envoi de prédicateurs, de prêtres, de religieuses, et l'organisation en tous lieux de communautés chrétiennes, mais cette activité en principe universelle, a atteint ses limites de nos jours par la désertion de la foi en Europe et dans le monde anciennement chrétien.
Face à la crise que connait l'Eglise ce théologien jésuite a acquis la conviction qu'un
recentrage sur l'Evangile plutôt que sur la religion en tant que telle est nécessaire pour que l'esprit évangélique puisse être entendu du monde actuel. L'homme de la modernité s'intéresse par priorité à son avenir terrestre, alors que l'Eglise prétend s'imposer à lui par la seule vue des choses célestes. Voilà pourquoi cet homme a besoin de redécouvrir l'Evangile pour lui-même en dehors d'une institution du faire croire.
Le titre que
Joseph Moingt donne à son dernier ouvrage est significatif : L'Evangile sauvera l'Eglise, Editions Salvator, 2015.

Comment annoncer l'Evangile à un monde qui ne réserve plus de place à Dieu ? Comment l'acheminer vers un salut éternel en parlant au monde du salut temporel dont il éprouve le seul besoin? voilà la question décisive.
Bien sûr l'Evangile est enseigné dans les églises mais le problème est que le monde ne va pas l'y écouter ; l'Eglise enseigne mais ne sait pas annoncer ; elle ne sait plus quel langage utiliser pour entrer en relation.
L'Eglise aime bien enseigner la morale au monde entier au nom d'un droit naturel dont elle se prétend la meilleure, sinon la seule, interprète, mais elle n'est pas écoutée : le monde ne reçoit pas un enseignement qui lui est donné par mode d'autorité. 201
Les gens ont besoin, pour se laisser convaincre, de reparler avec des gens au courant de leurs difficultés et qui vivent les mêmes réalités et problèmes qu'eux : c'est pourquoi il faut aller au-devant d'eux et non les forcer à écouter un prêtre.
La mission de l'Eglise qui est sa raison d'être est d'aller au monde pour lui porter le salut, et non attendre que le monde vienne chez elle célébrer son salut.509
Pour l'annonce de l'Evangile, peut-être pourrait-on essayer d' inverser le mouvement : inciter les fidèles laïcs à se rassembler sur leurs lieux de vie, pour y méditer l'Evangile, s'en instruire et s'en imprégner, pour le célébrer aussi sacramentellement entre eux - car on ne peut pas séparer la parole du Christ de son corps -, pour inciter les gens de leur entourage à venir discuter de leurs problèmes avec eux et leur dire, sur le ton de l'entretien, comment les chrétiens vivent, vivent les mêmes problèmes dans l'esprit de l'Evangile.
C'est dire que des laïcs chrétiens pourraient se réunir en dehors des offices paroissiaux pour étudier et méditer l'Evangile, réfléchir aux besoins apostoliques de leur environnement, inviter d'autres gens non chrétiens ou non religieux à réfléchir avec eux- et cela sans heurt avec l'autorité ecclésiastique locale, car cela relève de leur esprit de liberté et d'apostolat. 203
Cela reviendrait à dédoubler la paroisse, la laisser telle qu'elle est, lieu de culte et de rassemblement des pratiquants habituels, et favoriser le regroupement à part de ceux qui le veulent pour accueillir des visiteurs désireux de parler de leurs problèmes à des fidèles. 454
Il faudrait concilier, une organisation des
communautés chrétiennes d'accueil et d'annonce sous la responsabilité des laïcs et la communion avec une institution sacerdotale et épiscopale qui vient de la tradition et qui représente l'Eglise en ce qu'elle a d'universel et d'historique en Jésus. 141
Une Eglise évangélique et apostolique pourrait s'inventer peu à peu ; elle trouverait ainsi son salut en cherchant le salut du monde dans les voies tracées par l'Evangile.
Cette proposition de formation de communautés chrétiennes, plus aptes que les assemblées paroissiales à entretenir l'esprit de l'Evangile, à le mettre en œuvre et à le communiquer est une piste de recherche. Cette initiative consistera à modifier pour partie la figure de l'Eglise au regard du monde, en se retournant vers lui pour se mettre à son service, au service des plus petits, des plus souffrants, des rejetés, des exclus, à l'exemple de Jésus…
Autant la réforme de l'Eglise s'impose de nos jours, autant il paraît improbable qu'elle vienne de la tête, quoiqu'elle ne pourra pas et ne devra pas chercher à s'imposer sans elle, moins encore contre elle : c'est donc à sa base laïque d'en prendre l'initiative, mais de manière à entraîner le concours de l'autorité hiérarchique, non de la défier, pour allier le souci de l'unité de l'Eglise à celui de la propagation de l'Evangile, qui ne se confond pas avec l'expansion de la loi chrétienne dans le monde… 495
Je ne crois pas que la hiérarchie soit prête à un minimum d'aménagements démocratiques et je souhaite que les laïcs prennent leur liberté sans attendre, en restant le plus possible en communion avec elle, pour se réunir en
petites communautés missionnaires et évangéliques, pour étudier, méditer et célébrer l'Evangile entre eux.66

** Et si on écoutait aussi la voix des fidèles !

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Peintures murales de la voûte de la chapelle du bras sud du transept

  • de la cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul, Poitiers, Vienne, fin du XIIIe siècle.

Un ange magnifique jouant de la viole à archet.


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SOUPA Anne, RADCLIFFE Timothy, ROUTHIER Gilles - Vox populi, vox Dei ? Et si on écoutait mieux les baptisé-e-s ? Médiaspaul, 2016.
Pour rendre compte de la " vox populi " la théologie a trouvé une formule : le "
sensus fidei " ou " sens de la foi ". Certes le problème du discernement de l'expression du sensus fidei est considérable. Est-il du côté de celui qui réunit le plus grand nombre de signatures ? De celui qui parle le plus fort ou qui a les moyens économiques, politiques et techniques pour faire pression ?
Il importe que l'Eglise se dote d'institutions adéquates et développe des pratiques conséquentes pour favoriser l'expression de la voix de tous les fidèles dans l'Eglise. A défaut de figures institutionnelles fonctionnelles et opérantes et de pratiques en mesure de favoriser l'échange et le dialogue, l'expression des fidèles prendra hélas la voix des médias, de la critique ( pas toujours constructive ), de la constitution de partis ou de lobbies. Ceci dit, les processus formels de consultation n'épuisent pas les modalités d'expression du sensus fidei et ils excluent souvent la voix des sans voix. Celle-ci trouve d'autres modes d'expression. Seule une Eglise ouverte à tous et un ministère qui vit au milieu et à l'écoute du peuple de Dieu pourra prendre en compte le sensus fidei.66

* * Dans son ouvrage " L'avenir de Dieu "Jean DELUMEAU rappelle que l'Eglise romaine a derrière elle un grand et beau passé d'écrits religieux sublimes, d'innombrables initiatives charitables et de multiples oeuvres d'art. Elle a réalisé une œuvre civilisatrice grandiose et mondiale. Elle a donné à l'humanité des légions de saints et de saintes, canonisés ou non, inlassablement dévoués au service du prochain.
Mais sa grande faiblesse a été de s'être constituée en pouvoir…Or, il lui faut désormais abandonner le pouvoir, pratiquer l'humilité pour à nouveau convaincre et se donner des structures plus souples que par le passé et, donc susceptibles d'évoluer( 253 ).
Cherchant à prospecter des chemins d'espérance l'illustre historien qu'est Jean Delumeau, adresse un appel pressant à l'Eglise romaine pour que nous retrouvions l'unité perdue ; pour que nous récitions un credo rédigé dans un langage accessible à nos contemporains ; pour qu'hommes et femmes, soient enfin placés sur un pied d'égalité, et que de vraies consultations régulières de fidèles remplacent progressivement les structures pyramidales qui bouclent encore les portes de l'avenir.( L'avenir de Dieu, CNRS éditions, 2015 ).

** SCARAFFIA Lucetta - Du dernier rang. Les femmes et l'Eglise, Editions Salvator, 2016.
Dans cet ouvrage une laïc, journaliste et théologienne dénonce “l'attitude obsolète et méprisante de l'Eglise envers les femmes” évoquant l'“Ignorance désinvolte de l'histoire”.
Il faut cependant dire tout de suite qu’il ne s’agit à aucun moment d’une philippique anticléricale ou anti-chrétienne, mais bien au contraire de la critique souffrante : “Rôles marginaux et subalternes”
Son originalité est d’un tout autre genre puisqu’elle plaide l’ouverture, mais pas forcément le débridé ou l’absence totale de normes. Et qu’elle est capable d’argumenter ses rejets ou ses doutes de façon historique et cultivée.
" U
ne autre Eglise, celle des origines, aurait eu les moyens, en se confrontant généreusement avec le monde extérieur en général et avec les femmes en particulier, de se proposer comme point de référence positif et «propositif» en ne se contentant pas de «résister à la nouveauté» mais en inventant du nouveau."Sans les femmes, l'Eglise ne peut pas penser l'avenir car elles n'acceptent plus de la soutenir, de la servir sans être écoutées "
Une première fenêtre- ou lucarne plutôt - pourrait-elle s'entrouvrir avec la Commission spéciale instaurée par le pape François pour discuter du diaconat féminin? Et ce en présence de notre auteure évidemment...

**Des pistes de recherche convergentes entre auteurs
Dans un site précédent - Spiritualités plurielles - nous avions déjà noté des points de convergence entre auteurs clercs et laïcs : Jean-Claude Dagens, Joseph Doré, J.C. Guillebaud, Hans Küng, Joseph Moingt, Christine Pedotti, Albert Rouet.
http://jalladeauj.fr/pelerins/index.html
Il en est de même avec les nouveaux travaux présentés.
- Le principe laïc triomphe dans nos sociétés ; s'il n'est pas incompatible avec la quête spirituelle, en revanche il contraint les institutions religieuses à en tenir compte.
- L'Eglise devra accepter et maîtriser d'inévitables évolutions.
- Retour aux sources et recentrage sur l'Evangile.
- Distinguer l'essentiel de l'accessoire en établissant une claire hiérarchie des " vérités de la foi ". Or, l'essentiel, c'est le message chrétien qui a son autonomie propre par rapport à des institutions appelées, elles à changer nécessairement avec le temps.
- Dépasser le schéma trop pyramidal ou trop clivé entre une Eglise enseignante et une Eglise enseignée.
- L'Eglise ne se porterait-elle pas mieux si elle acceptait d'écouter les baptisés en tant que " peuple de Dieu "?
- De la nécessité d'une Eglise qui débattrait. Mais si le débat est limité aux sujets qui ne fâchent pas…alors peut-on vraiment parler de débat…

- Il ne suffit plus à l'Eglise de dénoncer une évolution des mœurs qu'elle est impuissante à endiguer.
Il ne s'agit pas d'évolution doctrinale, mais de la capacité de l'Eglise d'accueillir, non de justifier, les nouveaux comportements de l'humanité qu'elle a pour mission d'accompagner sur le chemin du salut.
- Réhabiliter complètement la place de la femme dans l'Eglise.
- Et la question du célibat de tous les prêtres ?

En dernière analyse, sans perdre sa singularité nodale, -"le mystère christique"- le message évangélique, pour être plus audible, doit être remis en situation afin d'être en phase avec le monde sécularisé qui est le nôtre. Le mystère chrétien n'est pas d'abord une structure institutionnelle pyramidale et c'est plus qu'une morale. C'est avant tout une proposition de sens, un mystère de l'Amour, une rencontre personnelle avec le Christ. Certes l'amour a toujours été valorisé dans la religion chrétienne mais l'Eglise n'a jamais valorisé l'amour-passion ; le seul amour qui vaille étant l'amour "en" Dieu pour reprendre l'expression de Saint Augustin.
Des signes d'espoir pourraient venir de l'instauration d'un nouveau rapport au monde, de la définition de nouvelles manières de témoigner. Plutôt que de se lamenter les chrétiens devraient être toujours davantage des signes de l’heureuse espérance. Si nous étions habités par la folie des Béatitudes cela serait le meilleur des témoignages !
L'avenir du christianisme est dans son ressourcement, dans son recentrage sur son credo central et dans la rénovation de certaines structures ecclésiales.


Et du côté du pape François
Parler de cheminement chrétien, cela signifie que les croyants sont appelés, malgré les trébuchements de la marche à ouvrir ce chemin ( et jamais à le fermer) et aussi à le jalonner, en permettant sans doute des avancées pas après pas, des étapes.

version-2 Peintures murales de la voûte de la chapelle du bras sud du transept

  • de la cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul, Poitiers, Vienne , fin du XIIIe siècle.


    ✏︎ Quelques bonnes feuilles
    PAPE FRANCOIS - Paroles en liberté, Plon, Presses de la Renaissance, 2016.
    François est un pape soucieux de déconstruire peu à peu des murs pour " bâtir des ponts " et qui, suivant ses intuitions, ne craint pas de heurter l'institution ( Caroline Pigozzi Préface p. 15 ).
    96 L'Eglise s'est parfois laissé enfermer dans des petites chose
    s, de petits récentes. Le plus important est cette première annonce : " Jésus-Christ t'a sauvé ".
    99…l'annonce de l'amour salvifique de Dieu l'emporte sur l'obligation morale et religieuse. Aujourd'hui, il semble parfois que prévaut l'ordre inverse.
    105 Si le chrétien est légaliste oui, s'il cherche la restauration, s'il veut que tout soit clair et sûr, alors il ne trouvera rien. La tradition et la mémoire du passé s
    oient tous aider avoir le courage d'ouvrir de nouveaux espaces à Dieu. Celui qui, aujourd'hui, ne cherche que des solutions disciplinaires, qui tend de manière exagérée à la "sûreté"doctrinale, qui cherche obstinément à récupérer le passé perdu, celui-là a une vision statique et non évolutive.
    118 L'agapè, l'amour de chacun de nous pour tous les autres, des plus proches aux plus lointains, est justement la seule manière que Jésus nous a indiquée pour trouver la voie du salut et des Béatitudes.
    167 ..l'Eglise catholique a des prêtres mariés, non ? Les Grecs catholiques, les coptes catholiques …Il y en a dans le culte oriental, il y a des prêtres mariés. Parce que le célibat n'est pas un dogme de foi, la porte reste toujours ouverte.

    PAPE FRANCOIS - Le nom de Dieu est miséricorde, Robert Laffont/Presses de la Renaissance, 2016.
    L'Eglise n'est pas là pour condamner, mais pour permettre la rencontre avec cet amour viscéral qu'est la miséricorde de Dieu. Pour que cela se produise, je le répète souvent, il est nécessaire de sortir. Sortir des églises et des paroisses, sortir et aller chercher les gens là où ils vivent, où ils souffrent, où ils espèrent.74
    …nous nous trouvons face à deux logiques en matière de pensée et de foi. D'un côté, la peur de perdre les justes, les rescapés, les brebis qui sont dans la bergerie, en lieu sûr. De l'autre, le désir de sauver les pécheurs, les égarés, ceux qui sont hors de l'enclos. La première logique est celle des docteurs de la Loi, la seconde est la logique de Dieu qui accueille, embrasse, transfigure le mal en bien, transforme et rachète mon péché, commue la condamnation en salut.86


    ✏︎ " François, pape et prophète ", Frédéric Lenoir.
    LENOIR Frédéric - François, le printemps de l'Evangile, Librairie Générale Française, 2016.
    Le pape François entend promouvoir un nouvel état d'esprit afin que l'Eglise retrouve sa première raison d'être : témoigner, à la suite du Christ, que Dieu n'est pas un juge, mais un libérateur, que l'amour qui redresse est plus important que la loi qui condamne, que l'Evangile est un message de vie qui humanise.
    86 La vérité, selon la foi chrétienne, est l'amour de Dieu pour nous en Jésus-Christ.
    106 On peut imaginer deux scénarios: soit le pape ne change rien au fond, se contentant d'infléchir la pastorale pour qu'elle aille dans le sens de la miséricorde plus que dans le rappel à la Loi ; soit il va chercher à préparer insensiblement les esprits à un profond débat de fond.
    111 Le souhait d'une église ouverte, qui ne soit pas centrée sur elle-même
    112 La tradition et la mémoire du passé doivent nous aider à avoir le courage d'ouvrir de nouveaux espaces à Dieu
    118 Avec les éternelles dérives liées au pouvoir et à l'argent, avec, parfois encore, la persistance d'un moralisme clérical qui écrase les individus au lieu de les relever, c'est cette "sacralisation", ce nombrilisme de l'institution, qui constitue sans doute l'un des principaux obstacles à une pleine réconciliation de l'Eglise avec l'Evangile, donc aussi entre l'Eglise et les hommes et les femmes d'aujourd'hui.
    128 Pour François, il est clair qu'en se renfermant trop sur elle-même et sur son passé l'Eglise est tombée malade. La guérison viendra , d'une part d'un retour aux sources de l'Evangile, d'une relation plus forte et plus vivante de tous ses membres-à commencer par les pasteurs-avec Dieu et avec le Christ, et, d'autre part, d'une sortie d'elle-même vers le monde et les gens tels qu'ils sont.
    152 Toute l'histoire de l'Eglise est ainsi une dialectique permanente entre la prophétie et l'institution. L'institution permet au message de traverser les siècles et de toucher au plus grand nombre…La prophétie, portée par de grands mystiques, des saints, des personnages habités par la flamme de l'Evangile, bouscule en permanence l'institution, évitant qu'elle finisse par se scléroser.
    Comme l'écrit ( p. 153 )
    Frédéric Lenoir François est à la fois pape et prophète, et c'est à partir du sommet de l'institution qu'il tente de la réformer et de lui donner un nouveau souffle.
    Pape populaire François s'efforce malgré de nombreux freins de réaliser une révolution dans les cœurs, une révolution morale et culturelle dans l'Eglise et dans la curie romaine.
    Indépendamment de ses prises de position en politique internationale, de la question œcuménique et de sa demande d'accueil digne des migrants le pape prône les mérites d'une "Eglise pauvre" en appelant tous les chrétiens à "se libérer des biens matériels".
    Il essaie par ailleurs de réformer la structure même du Vatican : modification dans les finances du Saint-Siège, regroupement de différents services de la Curie…
    De profonds changements sont aussi en cours dans la façon dont l'Eglise aborde la question de la famille celle des couples divorcés et remariés ou encore la lutte contre la pédophilie ou la prise en compte des pratiques homosexuelles.
    Parmi les nombreux changements qu'attendent de nombreux fidèles, compte tenu notamment de l'évolution des mentalités, parallèlement à la difficile question du célibat des prêtres figure la lancinante question de la place des laïcs dans l'Eglise, et notamment celle de la complète réhabilitation des femmes. A la différence des Eglises protestantes il est probable que l'Eglise catholique n'abordera pas de sitôt la question de l'ordination des femmes avant longtemps ; faut-il voir un premier petit pas dans l'instauration d'une Commission spéciale pour discuter du diaconat féminin ?

    Le chantier est immense compte tenu des changements intervenus dans le paysage social et religieux.
    La foi chrétienne est devenue une option souvent minoritaire, se situant parmi d’autres propositions de sens à la vie et de valeurs.
    - D'une façon générale il faut bien prendre conscience d'un fait dont il faut mesurer toute la portée dans la société française : l'élévation du nombre de personnes se déclarant "sans religion".
    Niels Planel se fondant sur un rapport récent observe dans un article du 24/10/2016 que "parmi les plus de 75 ans, près de trois répondants sur quatre se déclarent chrétiens et moins de 20 % indiquent n'avoir aucune religion, contre respectivement 30 % et près de 50 % chez les moins de 30 ans".
    En résumé, l'auteur conclut " pour faire simple, les Français seront, demain, pour moitié athées, agnostiques, sans religion ; un individu sur trois sera chrétien, et un sur dix sera musulman. La France est en train de devenir, en quelque sorte, la fille aînée de l’athéisme."
    Malgré d'éventuelles réserves ce constat statistique du fait religieux montre que la société française progresse dans le sens d'une croissance de la sécularisation ; ce mouvement devrait interpeller les responsables ecclésiastiques comme les tenants des différentes sensibilités de catholiques.

    - Chez les sujets modernes les plus croyants eux-mêmes, la pratique religieuse semble être de plus en plus sélective.
    Nombre d'entre eux semblent s'affranchir des pratiques obligatoires et opérer une distanciation de plus en plus forte vis-à-vis des dogmes. Ils entendent, enfin, décider librement de leurs conduites morales. Aussi, le fossé s’élargit-il sans cesse entre les principes et normes disciplinaires relatifs à la famille et à la sexualité continuellement rappelés par le magistère catholique et les pratiques et expériences réellement vécues en cette matière. L'adhésion de nos contemporains à un sens n'emporte pas pour autant leur pleine acceptation d'une norme.
    Une vaste étude sociologique de 2016 commandée par le groupe Bayard à l’institut de sondage Ipsos sous la direction de deux sociologues, Philippe Cibois et Yann Raison du Cleuziou, montre qu'en fait les familles de sensibilité catholique sont plurielles, chacune ayant sa propre pratique.
    Pour réaliser l’enquête « chrétiens engagés », l’institut Ipsos a extrait d’un échantillon représentatif de la population métropolitaine âgée de 18 ans et plus de 28 204 personnes, une sous-population de 15 174 personnes se désignant comme catholiques (pratiquantes ou non). Elles représentent 53,8 % de la population.
    Les catholiques considérés comme des « catholiques engagés » sont à la fois les catholiques pratiquants (hebdomadaire, quelques fois par mois, grands rassemblements, grandes fêtes religieuses), qu’ils se déclarent « engagés » ou non et les catholiques non-pratiquants qui se déclarent « engagés » ; ceux-ci n’assistent pas à la messe régulièrement mais ils « se considèrent quand même comme catholiques parce qu’ils vivent leur foi autrement », notent les auteurs : dons, vie familiale, engagements.
    L’enquête Ipsos publiée conjointement par
    La Croix et Pèlerin révèle ainsi un monde catholique en forme de pyramide : à la base, une immense majorité de faibles pratiquants ; au sommet, une fine pointe de pratiquants « zélés » et multi-engagés.
    En fait l'étude distingue six profils type de catholiques engagés :
    -
    les festifs culturels (45 % des catholiques « engagés »; ce sont ceux qu’on appelait les « non-pratiquants »; vont à l'église pour les rites de passage),
    - les
    saisonniers fraternels (26 % des catholiques « engagés »; vont à la messe pour les grandes fêtes; don d'argent aux organisations caritatives),
    - les
    conciliaires (14 % des catholiques « engagés »; leur spiritualité est marquée par le souci de rappeler à tous les hommes leur commune dignité d’enfants de Dieu; messes; le pape François est leur figure),
    - les
    observants (7 % des catholiques « engagés »; se donnent pour mission de restaurer la vérité du catholicisme ; assidus à la messe ; se recommandent de Jean-Paul II, Benoît XVI ),
    - les
    inspirés (4 % des catholiques « engagés »; pour eux, la foi se transmet par le témoignage; aiment les grands rassemblements, les pèlerinages; communautés charismatiques),
    - les
    émancipés (4 % des catholiques « engagés »; propension à l'engagement dans les luttes humanitaires et la défense de l'environnement ; cathos de gauche).
    Au delà des limites de toute classification, la bonne compréhension de ces profils qui nécessitent un approfondissement il convient naturellement de se reporter à La Croix du 12 janvier 2017 ( http://www.la-croix.com/Religion/France/Qui-sont-vraiment-les-catholiques-de-France-2017-01-12-1200816603 )/
    Sauf à vouloir que l'Eglise se recroqueville sur elle-même, la prise en compte de la modernité dans le christianisme s'avère certainement nécessaire.
    Mais à quel rythme cela pourrait être possible ?
    Que ce soit au niveau des responsables
    ecclésiastiques ou à celui des fidèles tous ne marchent pas au même pas. Les positions s'étalent du repli identitaire à l'ouverture au monde pour aller toujours plus à la rencontre des hommes et de la société.
    Entre ceux qui trouvent le pape trop timoré dans ses avancées réformatrices et ceux qui dénoncent les dérives des années 1970, entre cathos de gauche progressistes et conservateurs bon teint le sensus fidei n'est pas facile à dégager.
    Selon les domaines et leur nature certaines réformes pourraient se faire à court terme tandis que d'autres ne pourront voir le jour qu'en longue période.
    Comme le chemin se trace pas à pas, à n'en pas douter beaucoup de réformes demanderont du temps pour produire du fruit.

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