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Scènes et figures de sainteté
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Aux temps romans, il n’est pas possible de faire un pas sans rencontrer des saints sur son chemin. Se déplaçant d’une tombe sainte à l’autre les pèlerins parviennent à Saint-Jacques-de-Compostelle.
Des chapelles et des églises leur ont été dédiées. Au-delà, c’est aux localités, hameaux, bourgs et villes en ce début de XIIe siècle que les saints ont donné leur nom.
En d’autres termes, les saints ont envahi le monde urbain après avoir pris possession des chemins et des terroirs ; c’est dire qu’ils se sont répandus sur tout l’
espace.

S’ils ont marqué le sol et le territoire les saints ont d’une certaine façon modifié le
temps. Inscrites au calendrier, leurs fêtes scandent l’existence quotidienne des populations. Ainsi, les redevances, en zones rurales, sont versées à la saint Michel, c’est-à-dire le 29 septembre.
Leurs dates d’entrée au Ciel servent de référence et on trouve les saints sur tout le territoire. Leur vie ou leur existence légendaire est à la base de l’imagerie romane : sculptures, peintures, enluminures, châsses.
Qui sont-ils donc ces saints ?


Vous avez dit saint ?
Aujourd'hui, le mot saint et ses expressions associées font partie du vocabulaire courant : on parle d’ un « saint homme », en évoquant une personne qui mène une vie exemplaire ; de même, « prêcher pour son saint » c’est louer, vanter quelque chose pour en tirer avantage personnellement... Ces différentes acceptions montrent que le terme de saint continue à faire recette dans le langage courant, mais ces formulations profanes nous éloignent de la signification théologique du vocable « saint ».
La sainteté est un concept divin. Selon la doctrine chrétienne Dieu seul est absolument saint. Mais parce qu’il est entièrement amour Dieu invite tous les hommes à partager sa sainteté. Les femmes et les hommes qui ont répondu à cet appel et qui de ce fait ont été associés, dans l’autre monde, à la sainteté divine peuvent eux-mêmes être appelés saints.
Le saint est donc la personne - qu’une vie hors du commun a séparé des autres hommes - et qui parvient sur terre à un état de communion relative avec le Christ et jouit ensuite de la béatitude éternelle.


Le culte des saints et de leurs reliques au Moyen Âge
Le culte des saints et de leurs reliques est fortement à la base de la foi romane.
Dès le milieu du IIe siècle en Orient, et au IIIe en Occident, les chrétiens prennent l’habitude de se réunir près des tombes des martyrs ou sur les lieux de leur supplice. La communauté chrétienne sans aucun débat a tout de suite regardé comme entrée dans la gloire de Dieu ceux qui ont versé leur sang pour lui.

Au début du christianisme, le culte des reliques s’est concentré sur la tombe des martyrs. Mais au IVe siècle se développe la croyance dans leurs vertus surnaturelles. La piété médiévale s’enracine dans les reliques comme dans une réalité concrète. Deux sortes de reliques: les reliques réelles que sont les éléments du corps des saints ( fragments d’os, cheveux...) et les indirectes, linges ou objets ayant été en contact avec les restes vénérés qui pour avoir touché le corps sacré possèdent les mêmes vertus.
Les vertus qui leur sont reconnues sont à la base de la vénération, comme à l’origine des processions et pèlerinages.
A la guérison des corps fait écho celle des âmes.
Peu à peu le martyr devient un modèle. Le culte rendu aux martyrs engendre très vite - dès le IVe siècle- la vénération de leurs reliques ; on commence à transférer des fragments de corps, ou des morceaux d’étoffe ayant touché les corps à travers le monde chrétien ; on construit des églises dédiées au saint martyr dont elles conserveront les reliques. Outre leur valeur sacrée en elles-mêmes les reliques contribuent à asseoir la réputation de l’abbaye. Elles peuvent donner lieu à pèlerinage dont les guérisons miraculeuses obtenues renforcent encore le prestige.
Des martyrs et des apôtres la vénération s’étend bientôt aux évêques fondateurs d’églises locales et aux moines évangélisateurs, puis aux vierges et aux veuves consacrées, aux grands mystiques, ascètes, docteurs.

Les premières vies de saints apparaissent vers le milieu du IVe siècle. On ne peut demander à ces premières vies de saints écrites dans les premiers siècles de répondre aux critères historiques de notre époque. La ferveur des hagiographes, la volonté d’édifier, l’imagination des foules contribuèrent à enjoliver la vie de sains, à leur attribuer des miracles extraordinaires.
Pendant longtemps ce sont les évêques qui ont eu le privilège de proclamer la sainteté d’un personnage. Ce n’est qu’à partir du XIIe siècle que le pape s’est réservé le droit d’instruire le procès en canonisation, selon des règles qui sont devenues de plus en plus rigoureuses.


Les disciples de Jésus ont donné leur vie pour le «  Seigneur et Christ » qu’ils ont proclamé. Les compagnons de la vie terrestre de Jésus - les apôtres - ont reconnu un Jésus autre après sa résurrection ; ils sont devenus, témoins. Leur témoignage va générer des communautés locales qui vont proposer la foi en Jésus-Christ ressuscité. Ces premiers groupes chrétiens ont proposé à leurs adeptes des exemples de foi radicalement vécue qu’ils ont présentés comme des modèles de recherche de Dieu et de vie : les saints et les saintes qui, par leur élévation spirituelle, ont établi une relation particulière avec le divin.
Dans la perspective catholique Dieu seul est saint. Si des femmes ou des hommes sont reconnus comme saints, c’est parce qu’ils apparaissent comme des miroirs de la sainteté de Dieu. Les personnes en état de sainteté sont déclarées telles parce qu’elles se sont ouvertes davantage au Tout Autre et de ce fait reflètent plus effectivement que d’autres son amour.
La première forme de sainteté a été historiquement reconnue aux martyrs qui moururent pour leur foi, sans renier leurs convictions religieuses. Les chrétiens reconnurent ensuite qu’il pouvait y avoir d’autres formes de témoignage du Dieu amour, soit par la contemplation, soit au contraire dans le service de leurs frères : ce sont les saints non martyrs dits saints confesseurs.

Les formes de rencontre avec Dieu sont plurielles. Les chemins vers Dieu sont multiples. Les commanditaires et les artistes de l’âge roman, par leurs oeuvres, nous invitent à découvrir différentes formes de sainteté en fonction des saints qu’ils étaient amenés à représenter, de leur situation, de leur tempérament et de leur époque.
Le
martyre c’est la mort subie par fidélité à la foi. C’est le suprême témoignage que peut donner un chrétien, et il suffit à le rendre exemplaire quand bien même le reste de sa vie ne l’aurait pas été.
La
sainteté par la pratique des vertus chrétiennes, en l’absence de martyre, c’est la marque d’une foi vivante et la démonstration que la sainteté n’est pas inaccessible à l’homme.
Le type de modèles que privilégie le culte des saints est révélateur de l’esprit et des attentes de chaque époque.
Les apôtres presque tous morts martyrs figurent parmi ceux qu’on vénère particulièrement en leur double qualité de compagnons du Christ et de piliers de l’Eglise naissante


Les saints dans l’art roman
** Pour les avoir présentées dans des sites antérieurs on ne retiendra pas ici les nombreuses figures de l’Ancienne Alliance qui ont atteint l’idéal chrétien : la communion avec Dieu.

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Daniel, Jérémie, Isaïe et Moïse, rouleau de texte ou livre en mains, annoncent le salut.
Extrait de la frise de Notre-Dame-la-Grande, Poitiers, Vienne.


** Pour les mêmes raisons on ne reviendra pas non plus sur la Vierge Marie ...page8-1019-full
Notre-Dame d’Heume-l’Eglise, Puy-de-Dôme.


... ni sur
les Saintes Femmes au Tombeau que les imagiers romans ont fréquemment figurées.


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Les trois Marie devant le Tombeau vide. Extrait d’un manuscrit de Saint-Ouen de Rouen.
Références: Oraisons et capitules à l'usage de Saint-Ouen de Rouen, fin du XIe siècle.
145 ff.  260 x 186 mm. BM de Rouen ms 233 (Y 21) Folio 67 recto.

** Alors quels saints ?

Les deux grandes types de saintes et de saints - les martyrs et les confesseurs - sont représentés. Les martyrs, on l’a vu, sont les fidèles qui ont témoigné de leur foi au Christ en allant jusqu’à donner leur vie, imitant ainsi le sacrifice du Christ. Nombre de saintes et saints sont des « témoins » de ces premiers temps du christianisme.
Le deuxième type est celui des
confesseurs ; attachés fidèlement au Christ ils ont cherché à suivre par toute leur vie les enseignements dispensés par Jésus lui-même, dans le but de faire sa volonté, qui est la volonté divine. Dans ce type de saints ayant cherché à s’identifier au Christ on trouvera tous les états de vie et tous les âges : évêques, prêtres, religieux, vierges et veuves consacrées, maîtres à penser (docteurs), ascètes, mystiques...
Dans la peinture et la sculpture romanes tous les saints ne sont pas représentés, loin s’en faut. Pour rencontrer un assez grand nombre de figures différentes de saints inscrites dans la pierre, il nous faudrait faire au moins un tour de France et peut-être même déborder en Espagne et en Italie. Aucune église, aucune région ne nous permettrait d'effectuer une collecte significative d'images.
Certains saints de l’Eglise universelle recueillent les suffrages de toutes les provinces ou presque : saint Pierre, seul ou associé à d’autres apôtres, les évangélistes identifiables grâce aux animaux du tétramorphe... De même, certaines scènes comme la lapidation d’Etienne ou Martin partageant son manteau semblent retenir l’attention des clercs et des artistes.

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Cloître Santos Domingo de Silos, Espagne.

Il y a, d’autre part, des spécificités régionales : figures d’évêques fondateurs, moines évangélisateurs : saints Austremoine et Nectaire en Auvergne, saint Trophime à Arles, les saints Hilaire, Savin et Cyprien en Poitou...
Il y a, enfin, la foule anonyme des bienheureux et saints inconnus associés ou non aux saints de l’Eglise universelle ou régionaux ou locaux.

... et quels attributs permettent de les reconnaître?

Quand l’imagier veut représenter la sainteté, il doit signifier la différence entre ces saints personnages et le commun des mortels. Alors, il les munit d’auréoles. Marque d’activité supérieure spirituelle, l’auréole est ce cercle lumineux entourant la tête ou placé au-dessus de celle-ci comme un disque. Lorsqu’une croix figure à l’intérieur du limbe, il s’agit d’une figuration de Dieu.
Les martyrs sont quelquefois représentés avec des
palmes qui signifient leur victoire ( « le juste fleurira comme la palme », Apocalypse 4.

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Saint Mathieu. Abbaye Saint-Pierre, Moissac, Tarn-et-Garonne.

Saint Pierre est toujours porteur des clés du paradis. André, son frère, se reconnaît par la croix en forme de X auquel il est associé. Paul, co-fondateur de l’Eglise Romaine, est souvent représenté tenant le Livre ou/et portant une épée.
La mitre ainsi que la crosse symbolisent la dignité épiscopale. Les abbés sont encapuchonnés et parfois tiennent une crosse. Les personnages figurés « palmes à la main » symbolisent ceux qui se tiennent devant Dieu, selon l’Apocalypse.
D’une façon générale, la plupart des saintes et saints sculptés à l’âge roman ne possèdent pas d’attributs personnels.
Cependant,
certains sont identifiables du fait du type de supplice qu’ils ont dû subir. Jean-Baptiste est fréquemment figuré dans la scène du baptême dans les eaux du Jourdain ou dans celle de sa décollation après la danse de Salomé à la cour d’Hérode. Etienne sera représenté avec les pierres de sa lapidation, Laurent reposant sur le grill de son supplice, Catherine d’Alexandrie avec la roue de son martyre...

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Partie I. Figurations romanes des compagnons et témoins du Christ : apôtres et martyrs
Partie II. Représentations romanes des confesseurs de la foi
Partie III. Tous saints : images romanes
Partie IV. Visages d’hommes, visages de sainteté


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