• Anatomie d'un vieux four à pain

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Par fours, nous entendons ici des ouvrages de maçonnerie composé de tuileaux ou de briques avec une voûte surbaissée, pavé, avec une ouverture en bouche, chauffés au bois et destinés essentiellement à la cuisson du pain. Ils occupent un emplacement clé dans les anciennes maisons de pays ou sont abrités dans un bâtiment spécifique.
Deux modalités de construction
Un tel four peut se trouver tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Dans ce dernier cas, il peut être attenant à une habitation, une grange, une étable ou être bâti de façon totalement indépendante ;ou faire partie d'un fournil, lequel est souvent postérieur à la construction du four
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Four à pain de la Médiathèque à Saint-Julien l'Ars, Vienne. Il a été restauré fin 2012 et a été remis en chauffe les 31 mai et 1er juin 2013. © La Nouvelle République 17 mai 2013.


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Ancien four intégré à l'habitat de la boulangerie du logis de Clotet, Buxerolles.


Quelles que soient leur modalité de construction et leur allure générale, les anciens fours que l’on peut encore rencontrer ici et là possèdent une structure similaire. Une sole surmontée par une voûte en constitue la pièce maîtresse construite à l’aide de différents matériaux : pierre, brique, tuileaux, argile, sable…Ces composants doivent être réfractaires afin de supporter de fortes températures, être susceptibles d’emmagasiner la chaleur et de la restituer, être suffisamment isolants pour limiter les déperditions thermiques vers l’extérieur.
Si l’on suit à nouveau notre fameux « jardinier françois »
Nicolas de Bonnefons : « Pour le Four , il eft befoin que le baftiment en foit efpais, & ait bon corps de maffonnerie, tant deffus que deffous, & autour; qu'il foit eftroit d'entrée , bas de Chapelle , ( qui eft la voulte ) & qu'il foit chauffé bien également , & de longue main, afin que la, chaleur penetre dans les Murs: les efclats de gros bois fec, & particulierement de Heftre, sont beaucoup meilleurs que le fagot, ny autre chauffaille à caufe qu'elle fait trop de cendres , qu'il faut fouvent ofter de deffus l'Atre , pour le chauffer bien également comme le reste. L'Atre du Four vaut mieux quand il eft fait de Terre franche, que d'eftre pavé ou quarrelé. »

Les composants majeurs d’un vieux four à pain.
Autrefois, le four était chauffé uniquement au feu de bois. Les matériaux réfractaires qui les constituaient accumulaient la chaleur qu’ils restituaient doucement pour cuire la pâte.

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Four en excellent état de fonctionnement situé à l'Ormeau, Buxerolles..
Sauf mention contraire toutes les photos de détail suivantes appartiennent à ce four.

La sole est la surface du four qui reçoit d'abord le bois de chauffage et sur laquelle sont ensuite disposés les pâtons lorsque la température souhaitée est obtenue. Elle est réalisée avec un matériau réfractaire, essentiellement des briques ou des carreaux ayant subi une cuisson prolongée.

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Four de l'Ormeau, Buxerolles.

La sole du four de forme avoïde est la plus adaptée. Les joints sont obturés à l'aide d'un mortier de terre, à savoir de la glaise mélangée à de l'eau.

La voûte du four constitue l'espace de chauffe et de cuisson ; elle était parfois dénommée chapelle. Elle doit emmagasiner la chaleur, qui est ensuite restituée en cours de cuisson. C’est pour cette raison qu’elle possède un galbe qui assure un rendement meilleur que ne le feraient des parois verticales et un plafond plat lesquels seraient pourtant moins difficiles à construire.


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Le four d'Ayron frappe par la vaste dimension de sa " chapelle".

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Magnifique voûte de type dôme aplati prise de l'intérieur du fond vers la bouche murée d'un four situé à la Dinière, Buxerolles.

Les fours à pain encore existants comportent généralement une voûte en briques réfractaires, sur lesquelles est appliquée une couche de glaise d’une dizaine de centimètres.
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La bouche ou gueule du four est l’ouverture relativement étroite et cintrée qui peut demeurer béante pour la cuisson à «  feu ouvert » ou être obturée pendant la cuisson à «feu fermé». C'est par cette ouverture que le bois de chauffe est introduit dans le four : l’air frais pénètre par sa partie inférieure pour faciliter la combustion, et la fumée s’échappe par sa partie supérieure. Cette dernière, selon les aménagements, part directement dans l’air ambiant ou est évacuée dans un conduit.

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C’est aussi par la gueule du four que les braises sont brassées et évacuées, que les pâtons sont enfournés et que les pains sont retirés lorsqu’ils sont cuits.

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Four de l'Ormeau, Buxerolles.

Il peut être intéressant de remarquer que l’armature métallique du four de l’Ormeau est fort proche de celle du four de Laleuf (Sillars, Vienne ) ci-après datant du XIXe siècle. L’époque de construction des deux fours doit être relativement proche.

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Four de Laleuf ©Debiais Frédéric

Les transferts thermiques entre le cœur du four et l’extérieur doivent être limités au maximum. En conséquence une sérieuse isolation doit être pratiquée autour de la voûte et sous la sole. Les anciens fours à pain sont ainsi édifiés sur une assise et recouverts de sable sec remplissant une fonction d’isolation et d’accumulation de chaleur.

La porte du four ferme la bouche afin de maintenir la chaleur et la vapeur dans le cœur du dispositif. Elle est généralement réalisée en tôle. Les fours « primitifs » n’en avaient pas pour la plupart. On se servait alors d’une pierre ou d’une plaque de bois qu’on étanchéifiait avec un cordon de pâte ou de la bouse de vache. L’auteur du manuel très populaire du XVIIe siècle, déjà, cité, conseillait, quant à lui, l’emploi de chiffons humides : «Le Pain eftant enfourné, vous boucherez bien le Four, & l’ eftouperez autour avec linges mouillez, pour luy bien conferver fa chaleur ». 
Aujourd’hui, on utilise souvent des portes en fonte, avec un thermomètre intégré.

Une entrée englobante surmontée d’un avaloir peut être aménagée sur certains fours devant la gueule. Dans ce cas, les fumées sont dirigées vers le conduit de cheminée. Elle présente aussi un double objet : servir  d’appui pour les pelles lors des opérations d’enfournement et de défournement et dans certains cas elle peut accessoirement servir de petite desserte temporaire.

Les outils d’entretien
L’utilisation d’un four suppose un minimum d’instruments adaptés, remarquables par la longueur de leur manche.
La
fourche métallique ou en bois à deux ou trois dents est utilisée pour alimenter en sarments, fagots et bûches le four lors de l’opération de chauffe
Le
racloir ou râble voire rouable en bois à l’origine et parfois métallique plus tard est employé pour retirer les braises lorsque le four est à température. Cet outil aux formes et aux appellations variées selon les régions pouvait servir également dans un premier temps à déplacer la braise sur la sole afin que cette dernière soit uniformément chauffée.

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La raclette de couleur foncée se détache sur la pelle à enfourner.
Fournil de l'Ormeau, Buxerolles.

Le cendrier étouffoir permet de recevoir le surplus de braises et les cendres.

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Le cendrier étouffoir du four de l'Ormeau, Buxerolles..


Au temps passé, rien ne se perdait. On ne jetait pas les cendres très fines, triées avec soin afin d’éliminer les braises non complètement brûlées : elles étaient utilisées pour laver les draps dans le cuveau en pierre, en argile, voire en bois. On alternait couche de cendre et couche de draps et on versait de l’eau bouillante qui passait à travers le linge et finissait par s’écouler par la bonde dans la partie inférieure du cuveau ou de la ponne. Après rinçage les draps séchaient sur le pré.

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La partie buanderie du fournil de l'ancien Prieuré, Ayron.

A Ayron le fournil abritait aussi la buanderie. Les instruments de la bugée ( buée, bui, bugeade ou bugeaille selon les terroirs ) ou lessive du gros linge à la cendre d'autrefois sont remarquablement conservés. Côte à côte les deux ponnes en calcaire de 100 à 200 litres reposent sur un socle en maçonnerie. Entre les deux se trouve le chaudron - poêlonne- qui était chauffé au feu de bois. L'évocation imagée suivante met bien en évidence bien le mode de fonctionnement de l'ensemble et suggère le lourd travail des femmes qu'était la grande bugée puisqu'ensuite il fallait transporter le linge à la brouette pour aller le rincer au lavoir de la rivière...

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L’écouvillon ou patouille, enfin, est une longue perche à l’extrémité de laquelle est fixée une toile de jute mouillée ou de vieux chiffons. Trempé dans un récipient d’eau il est passé avec un mouvement tournant dans le four pour finir le nettoyage de la sole après le passage de la raclette pour débarrasser la sole des cendres résiduelles. Son humidité permet également un léger refroidissement de la sole en cas de température trop élevée avant l’enfournement des pains.

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