Les autres maîtres de Silos

Le second maître

L'oeuvre du second maître de Silos commence au chapiteau 38, dans la galerie Ouest. Comme on peut le voir sur le dessin, l'épannelage des chapiteaux suit un modèle différent. Les colonnes qui les soutiennent sont droites et juxtaposées et non plus galbées et gémellées.

Cependant, si le nouveau maître reprend des thèmes et des agencements propres à l'ancien (monstres disposés par paires symétriques, par exemple), il travaille la pierre bien plus profondément, jusqu'au haut-relief.

Il s'agit, certes, d'un très grand artiste, mais dom Luis-Maria Lojendio a raison de faire remarquer qu'il est plus
"européen", plus "roman" et bien moins original que son prédécesseur.

Thèmes des chapiteaux du second maître

  • Deux chapiteaux historiés:
    • n° 38. La corbeille a subi le nouvel épannelage, mais les colonnes sont encore galbées et accouplées. La représentation est plus réaliste que celle du seul chapiteau du premier maître (n° 18 dans la galerie Nord). Scènes représentées: Annonciation, Visitation, Adoration des Bergers, Fuite en Egypte.
    • n° 40. La corbeille est soutenue par quatre colonnes étroitement gémellées et formant une torsade. Scènes représentées: Entrée à Jérusalem, Lavement des pieds, Cène.
  • Animaux monstrueux ou non, centaures, sagittaires, harpies, griffons, etc., pris dans des lianes et des rinceaux. Certains oiseaux ressemblent à ceux du premier maître (par exemple les sortes de pélicans avec une aile relevée), mais l'aspect monstrueux est très accentué.
  • Hommes combattant des monstres ou des animaux.
  • Chapiteaux à thème uniquement végétal: acanthes, fougères, etc.


Les maîtres des deux dernières stations

"Un rejeton sortira de la souche de Jessé,
un surgeon naîtra de ses racines."
(Isaïe, XI, 1)


Les paroles d'Isaïe ont été rapprochées des généalogies de Jésus que l'on trouve dans les Evangiles: Matthieu I, 1 et Luc III, 23-38. A partir du XIe siècle – d'abord dans l'enluminure à la fin du XIe siècle, puis dans la sculpture et enfin dans le vitrail – on voit se répandre et évoluer une riche iconographie. Au départ, la représentation est seulement verticale, mais par la suite les artistes développeront des rameaux latéraux, plus ou moins tôt selon les régions. Les artistes ont parfois ajouté les prophètes qui ont annoncé la venue du Christ.

C'est la sculpture la plus abîmée du cloître. Il semblerait que l'artiste soit moins engagé dans le style gothique que ne le sera le maître de l'
Annonciation. Bien des historiens de l'art considèrent que l'Arbre de Jessé est une oeuvre magnifique. Toutefois, le thème même impose une organisation dans laquelle l'artiste ne peut user librement de ses facultés créatrices, et son art se révèle surtout au niveau du traitement de chaque personnage.

L'amateur, parfois rebuté par cet encombrement que n'allège pas la simplicité des plissés ou l'intensité des regards comme chez le premier maître, passe plus rapidement devant cette station.

Dans l'
Annonciation, le dernier maître de Silos traite également la Glorification de Marie. "Mystères connexes, car la Glorification de la Vierge Marie commence, en toute exactitude théologique, au moment où elle accepte sa vocation de Mère de Dieu", écrit Luis-Maria de Lojendio.

Nous avons insisté sur le sentiment d'unité qui se dégage de ce lieu, au point que les bâtisseurs du cloître supérieur se sont astreints à utiliser l'arc roman, bien qu'on fût au XIIIe siècle. Avec l'
Annonciation et l'Arbre de Jessé, s'effectue le passage au style gothique dans le cloître, mais, marque de respect pour les maîtres de jadis, la scène est disposée sous un décor roman: une arcature surbaissée – entre le plein cintre et l'anse de panier. Cette arcature repose sur deux chapiteaux. A gauche, l'épannelage du chapiteau est celui du premier maître; à droite celui du second maître.

Cet hommage discret signifie qu'il n'y a pas de solution de continuité dans l'ensemble. Toutefois, conscient que le génie ne s'exprime pas dans le pastiche, le trosième maître ne va pas au-delà de ce courtois clin d'oeil, et il n'hésite pas, ensuite, à déployer les plissés complexes des vêtements de la Vierge Marie et de l'archange Gabriel, à sculpter le délicat modelé de leurs visages. Enfin il laisse voltiger les anges porteurs de la couronne dans un style pleinement gothique. On les devine même presque tentés d'aller traîner leurs ailes dans des compositions pré-baroques.

Ainsi s'achève la visite du cloître, car le public n'a pas accès à l'étage supérieur. On peut le regretter car, même si les chapiteaux n'ont pas la réputation de qualité de ceux du rez-de-chaussée, ils présentent un intérêt; certains montrent des scènes de la vie populaire:jeux, danse, un forgeron, un jongleur avec un ours, etc. Leur style est roman très tardif.

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