Vizcainos de la Sierra


Entre Canales de la Sierra et Salas de los Infantes, sur les hauteurs dominant le Rio Pedroso, l'église San-Martin de Vizcainos de la Sierra se signale d'abord par sa haute tour romane avec ses deux étages de baies ouvertes sur les quatre faces. Au premier étage, les baies sont constituées de pleins cintres séparées par des colonnes à chapiteaux masquant un mur. Au-dessus les baies, plus petites, sont deux à deux enchassées dans un vaste ébrasement droit, et séparées par deux colonnes gémellées à chapiteau. Le plein cintre de l'ébrasement repose aussi sur des colonnes à chapiteaux.

Le chevet offre trois baies que l'amateur d'art ne doit pas négliger. Elles sont posées sur une tablette qui ceint l'abside et dont le chanfrein est fait de billettes.. Des impostes moulurées séparent les arcatures des colonnes à chapiteaux. La plus remarquable décoration est constituée par l'arc plat qui surmonte le boudin en plein cintre, comme le montreront les photos.

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Enfin, notons une très riche collection de modillons, tant sous la toiture de l'église que sous celle de la galerie. Des oiseaux au très long cou et dont la tête touche terre évoquent ceux du cloître de Santo Domingo de Silos.

Un modillon représente le Tireur d'épine. A propos de cette étrange sculpture, reprenons ce que nous écrivions dans le site sur les églises romanes de Corse, puisque ce personnage se retrouve au faîte de la façade de la Trinité d'Aregno, dans la Balagne:

Cette sculpture est directement inspirée du petit bronze du 1er siècle avant J.-C. qui se trouve actuellement au Palais des Conservateurs du Capitole. Très connu dès le Moyen Age, il se trouvait devant le Palais du Latran. Le jeune garçon fut d'abord identifié à Absalom, fils de David, célèbre pour sa beauté. Mais on a aussi pensé qu'il s'agissait d'un jeune berger, Cneius Martius, qui aurait couru pour porter une missive d'importance vitale au Sénat, et n'aurait retiré l'épine qu'il avait dans le pied qu'une fois sa mission accomplie. Et comme on a aussi associé Martius au mois de mars par rapprochement des deux mots, et mars étant le mois du carême, le Spinario est aisément devenu symbole de pénitence, arrachant le mal de son âme comme il arrache l'écharde de sa chair. Il n'est donc pas étonnant de retrouver des sculptures inspirées de ce bronze à l'époque romane. Un Tireur d'épine se trouve sur un chapiteau de l'église de Grandson en Suisse. Un fragment du clocher de la cathédrale du Puy en Velay le représente (actuellement au musée Crozatier de cette ville).
http://web.me.com/joel.jalladeau/claveyrolas/index.html

La galerie est très différente de celles de Pineda, Canales ou Jaramillo. L'accès est constitué d'un arc dont le sommet atteint le niveau des modillons soutenant la toiture. Deux boudins séparés par une gorge s'appuient sur une imposte qui se prolonge sur toute la façade. N'étant pas en saillie sur le mur, cet accès ne constitue pas un porche au sens strict. Il ne comporte pas de colonnes.

Les deux autres ouvertures ont aussi un arc en plein cintre, mouluré mais plus bas que l'accès principal, chacun d'eux ayant deux colonnes à chapiteaux. Leur seuil est constitué par le mur de soubassement de la galerie, haut de deux rangées de pierres, et qui ne s'interrompt qu'à l'emplacement de l'accès principal.

Les quatre chapiteaux sont intéressants, ne serait-ce qu'en raison d'une certaine familiartié avec ceux du premier maître de Silos. On peut voir des griffons, des harpies et d'étranges êtres à tête d'homme, corps d'oiseau, pattes de chèvres et queue de serpent.

L'archivolte du portail de l'église est faite de boudins et de baguettes alternés. Les arcs extrêmes tombent sur des impostes et des pilliers, les arcs du milieu sur des colonnes à chapiteaux. A gauche, des oiseaux à longue queue picorent une même grappe située à l'angle. Sur l'autre chapiteau, des oiseaux ayant un corps semblable à ceux dont nous venons de parler, ont, par contre, une tête de femme. A droite, un chapiteau montre un quadrupède (chevreuil?) et un oiseau haut sur pattes, au cou très long, attaquant un petit animal à terre. Sur l'autre chapiteau, un animal (lion?) attaque un petit homme (enfant?) à terre. Un autre quadrupède se tient, la tête levée, sur l'autre face. Les tailloirs et les impostes sont ornés de palmettes.

A l'intérieur l'arc ouvrant sur l'abside repose sur des colonnes engagées, chacune s'appuyant sur un bahut piédestal assez haut. Les chapiteaux sont intéressants, bien que leur signification ne soit pas évidente. Sur les chapiteaux des fenêtres figurent des animaux, mais aussi des monstres dont les grimaces ne parviennent pas à les rendre antipathiques.

L'église conserve également une belle cuve baptismale romane.

Notons que le nom du village évoque la présence d'une population de Basques. Commencée en 718 après la bataille de Covadonga, la Reconquista (la Reconquête) s'est accompagnée aux IXe et Xe siècles d'un repeuplement de la Castille. On peut penser que des familles sont venues de Biscaye (Vizcaya en espagnol, Bizkaia en basque) pour s'établir dans cette région.