SUR LA CULTURE NUMERIQUE
DE LA
GENERATION NOUVELLES TECHNOLOGIES


S'il fallait faire le portrait d'un jeune en 2007, par quels traits généraux devrait-on le représenter ?
Dans les espaces publics c'est déambulant avec son inséparable téléphone portable personnalisé par sa couleur de coque et ses sonneries téléchargées. Par son intermédiaire, il reste en contact avec son groupe par SMS.
Dans sa chambre il relira les messages de ses potes classés en boîte vocale ou les textos de sa copine.
S'il n'est pas relié au monde par son mobile, il l'est à sa table de travail par son ordinateur avec lequel il chatte, joue en réseau, enrichit son blog, télécharge de la musique, voire recherche de la documentation pour un travail demandé par un de ses professeurs.

En quoi est-ce important de s'intéresser aux pratiques de la jeunesse en ce début du XXIe siècle ?
C'est parce que les ados d'aujourd'hui - les adultes de la société de demain - expérimentent une culture numérique qui effraie encore nombre de leurs parents. Se saisissant avec aisance des machines à communiquer vite obsolètes et donc toujours renouvelées, téléphone portable et ordinateurs connectés au Réseau, cette génération est porteuse de nouveaux rapports aux autres et d'accès modifiés aux savoirs ( la
GNT : génération nouvelles technologies).

** Tendances numériques.

* Téléphones portables.
Source : Mediametrie au 11/01/2007
Alors que les 40 ans et plus se servent avant tout de leur téléphone portable pour sa fonction première, à savoir recevoir et passer des appels, les 124 ans en ont une utilisation élargie, n'hésitant pas à utiliser les différentes fonctionnalités de base de leur appareil. C'est ainsi qu'ils sont plus de 95 % à utiliser leur téléphone comme montre et répertoire, 3/4 s'en servent comme calculette et 2/3 pour jouer.
Mais ce qui est le propre des jeunes générations c'est l'utilisation des fonctions multimédia du téléphone portable.
Alors que 75 % des 12-24 ans prennent des photos avec leur appareil, les 25-39 ans sont à peine plus de la moitié et un peu plus du 1/4 seulement pour les 40 ans et plus.
Alors que 54 % des 12-24 ans envoient des photos/videos avec leur téléphone, cette fonctionnalité n'est utilisée que par un 1/3 des 25-39 ans et par 10 % des 40 ans et plus.
Enfin, 44 % de la classe d'âge 12-24 ans écoutent de la musique, ils ne sont que 10 % des 25-39 ans à le faire.et 4 % seulement pour les 40 ans et plus.
L'étude 2006 de l'Observatoire sociétal réalisée par l'Association française des opérateurs mobiles et TNS Sofres ( Journal du Net , janvier 2007 . http://www.journaldunet.com/diaporama/0610-mobile/index.shtml ) montre bien que la relation de la population française avec la téléphonie mobile s'appréhende bien selon l'âge des utilisateurs . Entre 12 et 14 ans 70 % de la classe d'âge est déjà en possession d'un téléphone portable, entre 15 ans et 17 ans ils sont 89 % à utiliser cet objet de communication et 95 % entre 18 et 24 ans.
La génération nouvelles technologies ( GNT ) a donc un usage inconditionnel du mobile même si l'accès à internet via le téléphone mobile reste encore peu développé ( moins de 17 % consultent des sites web et 20 % correspondent par e-mail.

* Internet.
Source : Enquête 2006 SVM-GfK , SVM, février 2007
Bien sûr,
les usages diffèrent selon les générations.
- On surfe et l'on envoie des courriels quelle que soit la tranche d'âge,
- En revanche, la messagerie instantanée, le jeu en ligne, les blogs, les forums, et d'une manière générale
les sites communautaires séduisent pour l'essentiel les
15-25 ans.
Dans cette tranche d'âges, 75 % font du
chat et 53 % téléchargent,
alors qu'ils ne sont plus que 22 % et 23 %, respectivement, parmi les
35-49 ans.

Les écarts sont également très marqués pour les
jeux en ligne (32 % contre 6 %) ou
la t
enue d'un blog (19 % des jeunes, contre 9 % des 35-49 ans).

** Une culture d'un nouveau type.

Les changements techniques que s'approprient cette
génération hyper branchée aux deux sens du terme ( être connecté, c'est être in, dans le ton ), génèrent des mutations culturelles.. Après l'imprimerie au milieu du XVe siècle, la télévision au milieu du XXe, l'internet à haut débit ( avec la généralisation de l'ADSL et du téléphone portable ), une transmutation culturelle et sociale d'un nouveau type se produit que les jeunes ne sont pas les derniers à s'approprier. Une culture d'un nouveau type - au caractère fortement ludique - émerge des nouvelles technologies. Relativement au côté rébarbatif du livre, les nouvelles technologies paraissent attrayantes. Relativement à la passivité favorisée par la télévision, les nouvelles technologies poussent à l'interactivité entre communiquants.Alors que le livre suppose une temporalité lente, les nouveaux objets communiquants s'interconnectant de façon généralisée font disparaître les limites spatiales et temporelles.
Ne faisant preuve, à la différence de leurs parents, d'aucune réserve quant à l'appropriation et à l'utilisation de ces nouveaux objets communicants, les jeunes n'hésitent pas à en découvrir toutes les fonctionnalités et à en retirer toutes les potentialités.

Mais il faut aller plus loin ; pour les plus jeunes ces appareils à communiquer sont de véritables "
développements du moi ". Ils ne servent pas seulement à entrer en relation, à se divertir, ils sont la mémoire des émotions. Ils servent aussi à se situer socialement. Par le choix des fonds d'écran, des sonneries, des coques et autres kits ces " chers " mobiles peuvent être personnalisés permettant à chacun de se distinguer des autres en affirmant sa personnalité. La différenciation est une chose, mais simultanément les très jeunes se moulent dans le groupe auquel ils appartiennent et s'identifient. Les derniers avatars technologiques deviennent des produits hautement symboliques à la dimension ostentatoire certaine dans les cours des collèges. Ce n'est qu'en avançant en âge qu'ils prendront conscience du fait que leur comportement a un coût, que leurs pratiques numériques ne sont pas totalement indépendantes de stratégies commerciales de la part des fabricants de mobiles, opérateurs de téléphonie ou fournisseurs d'accès. Idéologiquement, la communication, parce qu'elle relie les hommes, a des aspects positifs, mais ceux-ci ne doivent pas dissimuler de non moins certaines ambivalences. : formes de dépendance ( usage immodéré des jeux en réseau qui peut aller jusqu'à l'addiction, temps passé devant l'écran à chatter...).Les valeurs marchandes implicites derrière ces technologies ne doivent pas être masquées. Il est dans l'air du temps de consommer de la communication.

Plus fondamentalement encore c'est tout le
rapport au savoir qui se trouve touché par l'avènement de ces nouvelles technologies. Quel effet aura sur l'école et l'ensemble du processus éducatif la généralisation du recours aux moteurs de recherche par les apprenants des différents ordres d'établissement ? L'existence de moteurs de recherche de plus en plus performants bouleverse les modalités d'obtention et d'exploitation de données et de documentation. Fini les longues heures à dépouiller les fichiers de bibliothèques, fini de fouiller les rayons des librairies : en quelques clics et théoriquement tout le savoir du monde mis en ligne est à votre disposition !
Par le jeu de multiples " copier-coller " d'éléments documentaires ainsi rapidement obtenus on bâtit non moins rapidement exposés et petits travaux. Il ne s'agit bien évidemment pas de nier la source de documentation privilégiée que peut constituer le Web, encore qu'on y trouve de tout à la qualité fort inégale.Il faut souligner les limites d'une utilisation " telle quelle " des données obtenues. Pour le moins un travail de rédaction doit amener l'élève, le lycéen à rechercher de la documentation, à la classer, l'organiser afin de réellement s'approprier l'information obtenue et d'en rendre compte par écrit. Ce que le cops enseignant demande aux élèves, aux lycéens c'est une assimilation des lectures. Cela implique toujours un effort de présentation, d'ordonnancement, en bref suppose une reformulation. La pêche documentaire n'est pas à soi seule savoir. Il faut procéder à un tri, prendre du recul, placer les infos obtenues dans une perspective propre. Devant la masse des informations rapidement obtenues l'école - en général - devra donc plus que jamais développer la capacité à ordonner la documentation, apprendre à mettre en question, à effectuer des recoupements car il n'est jamais bon de dépendre d'une seule source d'information, à mettre en perspective, à poser des problèmes, à adopter un projet structurant. Plus que jamais il faudra donc aussi insister sur les méthodes sans oublier de souligner la valeur de la probité intellectuelle.
L'utilisation des nouvelles technologies dans l'enseignement se doit d'associer une
pédagogie de la connexion. Elle redéfinit le rapport du professeur à la connaissance. Il n'est plus l'unique détenteur-transmetteur du savoir. Son rôle d'accompagnement et d'orientation dans la recherche et l'exploitation d'informations deviendra primordial : il devra aider les élèves à acquérir le discernement pour produire un savoir pertinent.

** Pour conclure.

C'est la vision des relations sociales qui est influencée par les actuelles technologies : par la numérisation ce ne sont pas seulement les machines qui sont interconnectées, ce sont aussi les hommes.. les ados de ce début de siècle, contemporains du développement d'internet et du téléphone portable, sont le fer de lance de cet univers de la communication généralisée qui tend à s'instaurer avec ses dimensions positives et ses ambivalences. C'est tout le système social qui est pénétré par cette idéologie croissante de la communication ; cette dernière constitue une caractéristique forte de l'air du temps.