La structure des besoins
est une des structures majeures
de l'économie de marché





L'univers de notre vie est devenu, d'abord, celui des objets. Les impératifs d'une production et d'une consommation toujours accrues de biens soumettent les sociétés occidentales à une logique productiviste, marchande et individualiste. Dans les espaces centraux industrialisés les relations que les hommes nouent entre eux passent, chaque jour davantage, par la médiatisation des marchandises. Le travailleur aliéné dans son rôle de producteur l'est, également, dans son
rapport aux biens. Une caractéristique du mode d'organisation économique prévalant en Occident est la nécessité dans laquelle il se trouve d'écouler de nouveaux biens tant sur les marchés du Nord que du Sud ; la reproduction économique des pays capitalistes développés en dépend de sorte que les pays du Tiers Monde subissent aussi, l'emprise du monde des objets. Cette présence d'autant plus impérieuse des objets que l'ordre marchand s'impose toujours davantage pose la question des besoins et de leur genèse.
Notre objectif est de questionner la catégorie de besoin et de s'interroger sur les rapports entre les structures productives, la forme des sociétés et les systèmes de besoins.

S'il est couramment admis que les besoins sont à la base de la science économique leur analyse est, le plus souvent, considérée comme hors du champ d'investigation de la discipline. En d'autres termes, la référence aux besoins permet d'introduire la notion de rareté sans laquelle il n'y aurait pas d'économie ; cependant, on ne saurait trouver dans les manuels de discours systématiquement ordonné sur les besoins.
La catégorie de besoin est tenue, par l'économiste, comme manifestement exogène à la constitution de son propre savoir. C'est seulement en étendant le champ d'observation à l'ensemble des rapports économies et sociétés que l'on peut saisir le problème de la genèse des besoins.
Les modes de vie des hommes traduisent le type de société auquel ils appartiennent avec ses représentations, son système de valeurs, ses techniques et ses objets. Les rapports sociaux sont des réalités en mouvement qui subissent des trannsformations plus ou moins importantes à un rythme plus ou moins sensible. Dans cette perspective, l
es besoins renvoient à une dynamique sociale qui dépasse singulièrement le consommateur atomisé ( Hubert BROCHIER, " Les besoins économiques ", Encyclopaedia Universalis, 1968, vol. 3, p.213 ).

** Si la nécessaire adoption d'une perspective méthodologique large est un lieu commun de la problématique contemporaine des besoins, le contenu même de cette thèse est des plus divers. Une distinction doit être opérée entre la problématique marxiste des besoins mettant en avant la primauté des rapports de production et les analyses insistant sur une mise en condition aliénante de l'individu-consommateur ou celles soulignant une spécificité symbolique individuelle ou sociale des pratiques de consommation. Il ne peut être question ici de traiter dans toutes leurs implications l'ensemble des théories en présence. Aussi, nous contenterons-nous d'
esquisser les caractéristiques les plus générales de trois types d'interprétations du mode de détermination sociale des besoins de la société de consommation de masse :
- la logique sociale de l'aliénation dans et par la consommation ;
- la logique sociale du mode de production ;
- la logique systémique de la production et de l'échange généralisé de signes ;
- une hypothèse interprétative : l'entrecroisement d'un ordre de la production et d'un ordre de la consomm
ation.


** Jusqu'aux années 1970 la structure des besoins de la société de consommation de masse s'est construite structurellement autour d'une double logique : celle de la production et des conditions de travail et celle d'une logique sociale de la consommation ( jeu des signes et socialisation manipulatrice ).
Dans quelle mesure et selon quelle perspective cette double logique doit-elle être revisitée compte tenu des modifications que la société capitaliste n'a pas manqué de connaître lors du
dernier tiers de siècle écoulé ? On peut se demander si les économies développées ne seraient pas entrées dans un nouvel âge du capitalisme marqué par un modèle de consommation toujours plus individualiste et une marchandisation accrue des besoins. Pour caractériser cette nouvelle phase du capitalisme Robert Rochefort évoque l'avènement d'une " société consommatoire " ( 2007, p. 7 ) et Gilles Lipovetsky parle de " société d'hyperconsommation " ( 2007, p. 10 ). La dernière étude ( juin 2008 ) sera ainsi consacrée à l'étude des besoins dans la société consumériste globalisée début de siècle.