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Un site d'initiation du regard
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Qui n'a pas été surpris en entrant pour la première fois dans une église romane de se trouver en face d'un monstre ou d'un masque grimaçant ? Les images romanes montrent une prodigieuse créativité figurative. Au-delà de leur dimension décorative les vieilles figures médiévales devaient " parler " aux clercs, fidèles et pélerins du XIIe siècle. A l'époque médiévale il n'y a pas de considération esthétique autonome. L'univers des images est un monde du sens, mais un monde de sens obscurs, embrouillés, bref mystérieux. Pour en prendre pleinement la mesure il faut essayer de saisir la logique d'un autre temps.


** Dans la culture médiévale le sacré et le profane ne font qu'un.

La mémoire des pierres exprime comment une part de l'humanité s'est un temps définie avec ses interrogations, sa façon de voir et ses réponses dans sa recherche du bonheur, de sa quête de lui-même et du divin.

La sculpture romane est le fruit de la situation économique, sociale, politique et religieuse de l'époque.

On peut penser qu'au Moyen Age, la population se sentait écrasée par le monde environnant, les mystères de la vie et de la nature.
La sensibilité croyante d'une époque de foi traverse à n'en pas douter les pierres romanes même si la pratique religieuse n'était peut-être pas toujours ce que l'on croit qu'elle fût.
L’image romane permettait à chaque femme, à chaque homme de retrouver ses préoccupations essentielles : les activités quotidiennes liées aux saisons, le cadre de vie, les animaux, l’amour, les tentations mais aussi la lancinante question du bien et du mal, les repères moraux et les principes spirituels chrétiens à suivre au cours de la vie d'ici-bas en vue de parvenir à la cité céleste.

** Culture médiévale et symboles.

C'est dès les portails que les connotations symboliques s'imposent aux pèlerins et aux fidèles ; ils envahissent les chapiteaux et s'emparent même de certains chevets.
Puisque la recherche du seul esthétisme n’est pas la fin ultime des images dont sont parés tant à l’extérieur qu’à l’intérieur les édifices religieux, le patrimoine bâti roman ne peut être pleinement saisi qu’en rapport avec l’esprit du temps.
Au Moyen-âge, l’homme est perçu comme au centre de toute chose, et l’Eglise institutionnelle le lui rappelle en permanence tant sur les édifices les plus prestigieux que sur les édifices ruraux les plus modestes. Afin de rendre compréhensible les valeurs chrétiennes par le plus grand nombre qui ne savait ni lire ni écrire la sculpture romane fut un livre de pierre imagé pour une population qui n'avait pas accès aux textes. A l'époque médiévale les images doivent montrer la gloire de Dieu, lumière du monde ; c'est pourquoi les compositions scéniques des églises romanes sont soumises à des critères qui ne sont pas ceux de l'art moderne. Les Saintes Ecritures se présentent à la fois comme idéal spirituel, règles de vie et référence de production artistique.

Au-delà de l’aspect ornemental, il était essentiel pour les bâtisseurs d'abbayes, d’églises et de chapelles que les croyants perçoivent au mieux le message que les sculptures de pierre avaient pour objet de signifier.

Cependant, on constate qu'ils devaient disposer d'importants degrés de liberté - ou qu'ils les prenaient - leur permettant de graver dans la pierre des scènes en rapport avec la quotidienneté vécue ou leur propre état d'esprit : sujets profanes ou érotiques.


Il n'en reste pas moins qu'à l'époque romane, une bonne part des ornements, par-delà leur valeur décorative, avait une dimension éducative, édifiante.
Toute la richesse des programmes iconographiques mis en œuvre réside dans la combinaison des divers thèmes abordés et des symboles utilisés. A la limite c'est une véritable grammaire ornementale qui a été élaborée afin de transmettre des messages symboliques. On a du mal à imaginer comment la profondeur de sens que peut parfois revêtir certaines parties du décor sculpté d'une église pouvait être accessible au plus grand nombre. 

A l'époque contemporaine les représentations imagées romanes, parce qu'elles nous demeurent largement étrangères, conservent bien souvent leur part de mystère. A défaut de textes précisant le sens profond de ces images de pierre on est obligé de se livrer à des hypothèses interprétatives et à accepter souvent de reconnaître notre ignorance de ce qu' a réellement voulu dire l'imagier.
Pour le non spécialiste qui veut voyager à travers le temps des pierres deux écueils doivent être évités dans la lecture de ce vénérable patrimoine roman : voir trop ou trop peu. De nos jours, l'inventivité figurative et la force expressive du sculpteur demeurent même si le sens plénier des images n'est pas parfaitement retrouvé. Le symbolisme échappe souvent au regard contemporain ; peut-être faut-il se résoudre à ne pas toujours vouloir tout expliquer...Peut-être est -il possible également de considérer que les images les plus complexes peuvent être porteuses de significations différentes selon les niveaux divers d'interprétation, des plus simples aux plus érudites, où l'observateur se situe !!



L'amateur d'art contemporain peut éviter de se laisser interpeller par l'inscription dans la pierre du sens humain dont vit une époque, bien différente de la nôtre ! Quoi qu'il en soit ces transcriptions sont là, sculptées dans la roche ; elles s'exposent librement, sans apologétique obligatoire...

Aujourd'hui, de ce patrimoine religieux les historiens retiendront les vicissitudes du temps et les meurtrissures infligées par les hommes. Les spécialistes de l'art priviligieront les techniques de construction et la qualité de l'ornementation, les syndicats d'initiative vanteront leur intérêt touristique, les communes et les conseils généraux, enfin, s'enorguilleront des richesses patrimoniales de leurs territoires. Seuls les coeurs qui cherchent Dieu sauront y voir une réalité supérieure : un idéal religieux et symbolique sans lesquels ces bâtiments n'auraient aucune raison d'être. L'art au service de la foi ! La beauté du chemin qui mène au Tout autre...Pour les autres hommes seule subsistera la beauté de ces havres de sérénité et de paix que restent chapelles, églises, cloîtres. Espaces de spiritualité et de beauté ces pierres chargées de sens que sont les édifices religieux parlent à l'homme d'aujourd'hui, la plupart du temps, moins pour des motivations spirituelles que pour le choc esthétique. Mais, peut-être aussi que la mémoire des pierres restera une manière de dire l'homme à l'homme, en ce sens qu'elle révèle quelque chose d'itinéraires humains à d'autres hommes.

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Cette initiation renvoie la recherche érudite aux spécialistes d'archéologie et historiens de l'art.
Seule l'étude de leurs travaux peut restituer totalement la saveur de la richesse du patrimoine roman religieux.
C'est donc tout naturellement que nous déclarons notre dette aux auteurs dont les oeuvres ont été notre guide pour cette initiation du regard.
( Les références sont en fin de site ).
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