Une vie marquée par les fêtes
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Dans une société ponctuée par une dure quotidienneté vécue et l'âpreté seigneuriale les fêtes du calendrier religieux sont célébrées avec une vivacité joyeuse ( processions, ostensions de reliques, mystères, ...). Mariages, baptêmes sont aussi l'occasion de grandes réunions familiales.
Les places publiques et les portes des châteaux accueillent jongleurs, montreurs d'animaux et troubadours. En plus de ces spectacles de rues les veillées animent les soirées.

Sur le bruit de fond continuel du combat entre les choses de la terre et les préoccupations d’ordre spirituel, entre Carême et Carnaval, le corps chrétien médiéval est partagé entre exaltation et refoulement. Avant les périodes d’abstinence et de jeûne, le rire se faisait jour lors des fêtes populaires. La danse est un fait social et semble être depuis toujours une composante intégrante de la vie. Dans la pensée médiévale la musique profane risque de mener à la luxure ( la danse de Salomé est à rappeler ).


Eglise Saint-Nicolas de Civray, Vienne.
Dans une société normalisée sur l'ordre chrétien les jeux sont largement considérés comme perturbateurs de l'ordre social.
Les jeux de table, liés au hasard, apparaissent condamnables à l'Eglise institutionnalisée. Pourtant on en trouve des représentations dans l'imagerie romane à l'instar de ces trois dés à jouer portant les numéros 3, 5 et 6 figurés sur un modillon dit de " la femme aux dés ".

Divertissements
Avant les périodes de jeûne, prônées par l'Eglise, le rire perçait sous le jour joyeux des fêtes populaires.
** Baladins.

Eglise d'Echillais, Charente-Maritime.
Joueur de trompe et jongleur. De château en château, de place publique en place publique ses compagnons chantent et récitent des épopées.


Eglise de Rioux, Charente-Maritime.
Un contorsionniste des toitures.


Notre-Dame de Fougeray hors les murs de l'abbaye Saint-Paul, Cormery, Indre-et-Loire.
Un autre type d'acrobate.


Eglise de Surgeres, Charente-Maritime.
Au-delà de la performance physique l'acrobate qui marche sur les mains les pieds en l'air manifeste un équilibre peu ordinaire ; il symbolise la capacité de renverser les valeurs habituelles de la condition humaine.


Eglise de Surgeres, Charente-Maritime.
Une autre position acrobatique prise par un voisin de corniche.


Eglise Saint-Trojan, Rétaud, Charente-Maritime.
Les femmes ne sont pas en reste.



Eglise de Foussais-Payré, Vendée.
Une femme se renverse complètement en arrière pendant qu'un homme joue de la flûte.

** A côté des performances individuelles de baladins, des scèhes de lutte peuvent être trouvées.



Eglise de Marestay, Charente-Maritime.
Deux lutteurs aux prises.


Eglise Saint-Etienne, Macqueville, Charente-Maritime.
Sur cette petite église rurale c'est un modillon qui offre le spectacle d'un affrontement à mains nues entre deux hommes.
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** Des scènes de foire : montreurs d'ours. et de singes.



Eglise prieurale Notre-Dame de Cunault, Maine-et-Loire.
Chapiteau intérieur. Un personnage féminin vêtu d'un costume de fou tient un ours encordé.


Eglise de Surgères, Charente-Maritime.
Métope de la façade. Un ours et son montreur assis.


Ancienne abbatiale Saint-Jouin-de-Marnes, Deux-Sèvres.
Ici c'est un montreur de singes qui est juché sur l'échine de l'animal de droite.

** Ces diverses spectacles populaires peuvent se dérouler avec un accompagnement musical.


Eglise de l'ancien prieuré Saint-Nicolas, la Chaize-le-Vicomte, Vendée.
Un personnage simiesque est accompagné par un joueur de rote.


La musique et la danse
Bien que la liturgie médiévale soit constituée de prières psalmodiées sans musique l'imagerie romane comporte de nombreuses représentations de musiciens et de leurs instruments. Si l'on excepte les représentations de Vieillards de l'Apocalypse jouant de leurs instruments et les nombreuses galeries d'anges musiciens, c'est essentiellement de la musique et de la danse profanes dont témoigne la mémoire des pierres romanes.
Diverses représentations de musiciens, debout ou assis manifestent l'importance des activités d'ordre musical dans la société des XI-XIIe siècles. Toutefois musique et danse demeurent des activites pouvant induire des attitudes déplacées, indécentes ; à ce titre la danse comme l’acrobatie et la jonglerie n’accéderont jamais à la dignité aux yeux de l’Eglise médiévale qui condamne les contorsions et les gesticulations corporelles dans lesquelles elle voit des manifestations de désordre, de trouble et de vanité. En bref, ces prouesses sont purement physiques et non spirituelles.

** Les representations d'instruments de musique tiennent une place nettement plus importante que les outils dans l'imagerie romane.


Abbaye aux Dames, Saintes, Charente-Maritime.
Les Vieillards de l'Apocalypse porteurs d'instruments de musique à cordes tiennent soit des sceptres, soit des coupoes de parfum.


Eglise de Varaize, Charente-Maritime.
Le joueur de harpe est fréquemment figuré.



Eglise de Surgéres, Charente-Maritime.
Le joueur de viole à archet est tout aussi fréquemment représenté, notamment sous les corniches. Est-ce en écho aux troubadours qui s'accompagnaient de cet instrument quand ils déclamaient leurs vers à la dame de leurs pensées ?


Eglise Saint-Nicolas, Civray, Vienne.
Gros plan sur un personnage jouant de la viole. ; élément d'une scène plus complète de baladins ornant la façade.



Eglise de Saint-Révérien, Nièvre.
Personnages debout, barbus et couronnés tenant leurs instruments à cordes.

** Dans l'imagerie romane la danse est représentée tant sur les voussures et métopes que sur les chapiteaux.



Eglise Saint-Symphorien de Broue, Charente-Maritime.
Danseurs les bras levés accompagnés de musiciens.


Eglise de Saint-Hilaire-la-Croix, Puy-de-Dôme. Scène de baladins : une danseuse, les pieds sur le tailloir et le buste à la renverse est accompagnée par un joueur de viole.


Eglise de Surgères, Charente-Maritime.
Métope de même inspiration à la mode d'Aunis ; en plus, un modillon complète la scène.


Abbatiale de Fleury, Saint-Benoît-sur-Loire, Loiret. Un être énigmatique présente le fruit de la tentation à un couple de danseurs. Dans la sculpture romane la danse est le plus souvent perçue de façon négative.
La chasse
La chasse est un divertissement courant à l'époque médiévale. pour la classe des seigneurs. C'est simultanément un moyen d'approvisionner en viandes la table des nobles à côté des volailles et des porcs. Les pratiques de chasse plus populaires ( pièges, lacets, à l'arc...) n'ont pas fréquemment, semble-il, retenu l'attention des imagiers. C'était pourtant le moyen d'améliorer un régime alimentaire à base de céréales. Les chasses à courre et au faucon sont des privilèges de la noblesse,
** La fauconnerie ou chasse aristocratique.


Eglise de Lignières-de-Touraine, Indre-et-Loire.
Peinture murale : un seigneur chassant au faucon.



Collégiale Saint-Ours, Loches, Indre-et-Loire.
Un cavalier, au corps penché en avant, guide sa monture de sa main droite, alors qu'un rapace est perché sur sa main gauche gantée.


Eglise Saint-Pierre, Parthenay-le-Vieux, Deux-Sèvres. Détail d'une statue équestre traditionnellement, considérée comme l'empereur Constantin terrassant le paganisme mais, en regardant plus attentivement, le cavalier porte un faucon au poing, ce qui fait penser qu'il pourrait s'agir ici d'un seigneur de Parthenay partant pour la chasse.

** La chasse au cerf et au sanglier

Autant qu'un entraînement à la guerre, ce loisir qu'est la chasse avait également une autre utilité pour la communauté paysanne : la destruction d' animaux sauvages ( sangliers, loups, renards ) destructeurs des cultures ou menaçants pour le bétail .


Chapiteau du triforium. abbaye de Fleury, Saint-Benoît-sur-Loire, Loiret.
Pendant que sur une autre face du chapiteau, le cavalier, noble, sonne l'hallali, l'homme de pied bande son arc.


Frise sculptée de l'église abbatiale d'Andlau, Bas-Rhin.
Scène de chasse à courre très complète : seigneur à cheval, homme de pied sonnant du cor, meute attaquant le cerf.


Eglise Saint-Hilaire, Melle, Deux-Sèvres.

Un chasseur et ses chiens luttent contre un sanglier à l'échine hérissée. Se terminant à pied à l'épieu elle est moins valorisante que la chasse au cerf. La scène peut aussi être interprétée du point de vue spirituel comme une évocation de la lutte du bien contre le mal. Le sanglier peut être considéré symboliquement comme une représentation du mal.
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Basilique Saint Andoche, Saulieu, Côte-d'Or.
Aux coins de la corbeille deux hommes regardent un combat de coqs. Le propriétaire du coq vainqueue se réjouit pendant que le propriétaire du coq vaincu fait une grimace de déception.