Cycle christique 3
LA FIN DES TEMPS
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Par leur regard les personnages sculptés par les maîtres-tailleurs de pierre entraînent les fidèles vers le moment où à la fin des temps - finalité ultime du mystère du salut - apparaît le Christ accompagné d'anges et d'élus.
Les personnages mis en scène ouvrent ainsi une sorte de dialogue avec les femmes et les hommes qui passent, s'arrêtent ou franchissent le seuil des églises. Diverses compositions scéniques vont en ce sens.

Linteaux millénaires roussillonnais




Linteau de l'église abbatiale Saint-Genis-les-Fontaines, Pyrénées Orientales (1019-1020 )

Sous une guirlande de palmettes prend place une mandorle centrale singulière car double renfermant un Christ bénissant de la main droite et tenant le Livre de vie, posé verticalement sur son genou gauche.  
L'espace supérieur pourrait représenter le monde céleste au dessus du monde terrestre. Le Christ en majesté assis sur la partie basse du cercle supérieur a les pieds reposant sur une sorte de « tabouret ». Cette mandorle est soutenue par deux anges aux ailes déployées qui semblent la porter donnant à penser qu'on est en présence d'une Ascension. L'Alpha et l'Omega de part et d'autre du Christ font penser également à une Parousie. De part et d'autre les trois personnages nimbés sous arcades sont certainement des apôtres. Les nimbes étant presque confondus avec les arcatures outrepassées retombent sur des colonnettes à chapiteaux ornés de fleurons. Ils obéissent, à la fameuse « loi du cadre » d'Henri Focillon : les figures et les personnages sont contraints au départ par la structure déterminée du cadre.
Les apôtres sont tous différents dans leur attitude et leur regard. A droite du Christ un apôtre met la main droite sur le cœur et tient sa tête appuyée sur sa main gauche ; faut-il voir sa sa tristesse de voir le Seigneur partir mais aussi son retour annoncé ?
Les connotations eschatologiques sont également visibles, non loin de là, au linteau en marbre blanc similaire de l'église abbatiale Saint-André-de Sorède.


Linteau de l'église abbatiale Saint-André-de-Sorède, Pyrénées Orientales (1020-1030 )

   Le Christ bénissant dans sa mandorle, à la fois Maiestas Domini et Ascension, entouré de l'Alpha et l'Omega qui traditionnellement font référence à son retour et son règne à la fin des temps. Le Christ bénissant est entouré de quatre anges eux-mêmes entourés des quatre personnages, situés chacun dans un cadre constitué de colonnettes et d'un arc outrepassé.



De chaque côté de la mandorle figurent un séraphin à six ailes regardant les croyants et deux apôtres aux attitudes et expressions différentes ( les séraphins ne sont pas présents à Saint-Génis-les-Fontaines ). Les deux personnages sont tournés l'un vers l'autre manifestant une certaine complicité…

Le Christ en majesté des grands tympans



Tympan de l’abbaye Saint-Pierre de Moissac, Tarn-et-Garonne.

Gros plan sur le magnifique visage serein et apaisé du Christ créé par le ciseau d'un artiste de génie. Pour qui le contemple longuement ce regard ne conduit-il pas vers un au-delà de ce monde ?


Tympan de l'abbaye Saint-Pierre de Moissac, Tarn-et-Garonne.

Sur ce magnifique tympan les quatre animaux du tétramorphe tournés vars le Christ, sont associés, dans un même élan contemplatif, aux anges au doux visage.



Abbaye Saint-Pierre de Moissac, Tarn-et-Garonne.

De la même façon les Vieillards de l’Apocalypse, tenant leurs instruments, recherchent du regard le visage du Christ.



Abbaye Saint-Pierre de Moissac, Tarn-et-Garonne.

Deux Vieillards de l’Apocalypse, comblés de bonheur, lèvent les yeux vers le Seigneur au centre de la la scène.



Abbaye Saint-Pierre, Beaulieu-sur-Dordogne, Corrèze.

Le retour du Christ à la fin des temps : second évènement du Seigneur ou Parousie. Deux anges jouant de la trompe jouxtent le trône. De part et d'autre du Christ se tiennent les apôtres ; à droite du Seigneur figure saint Pierre qui tient classiquement ses clés converse avec un autre apôtre.


Abbaye Saint-Pierre, Beaulieu-sur-Dordogne, Corrèze.

Le registre supérieur est consacré au second avènement du Christ, à la fin des temps, comme annoncé dans l'Apocalypse de saint Jean. Le Christ, assis sur un trône a ses deux bras largement écartés reproduisant la forme de la croix portée derrière lui par des anges.


Abbaye Saint-Pierre, Beaulieu-sur-Dordogne, Corrèze.

Le Christ auréolé gigantesque trône au centre de la scène, les bras étendus. Derrière lui, des anges portent la croix et les clous, emblèmes de la Passion.


Abbaye Saint-Pierre, Beaulieu-sur-Dordogne, Corrèze.

Assis autour du Christ, les apôtres tiennent pour la plupart un livre fermé ou un phylactère. Ils conversent deux à deux, certains désignant la divine apparition de leur index pointé. Des morts émergent de leurs tombeaux.


Abbaye Saint-Pierre, Beaulieu-sur-Dordogne, Corrèze.

Sous les apôtres deux groupes de personnages anonymes conversent deux à deux ; coiffés et vêtus d'une manière qui souligne leur étrangeté ils ont été identifiés comme des témoins juifs et païens ( deux portent des bonnets phrygiens ) ; ces hommes, représentant l'ensemble de l'humanité, assistent à la scène et montrent que tout le monde est concerné par le salut. Le premier, l'index levé vers le Christ au centre de la composition a son visage tourné vers son voisin, au regard hésitant. À leur côté, un petit personnage s’appuyant sur un bâton désigne sa bouche à son compagnon tenant ses mains jointes.



© Pierre Boucaud

Christ en majesté du tympan de Vézelay. Le regard de ce Christ est singulier ; il peut paraître absent à qui le regarde avec insistance. Les yeux volumineux inscrits dans des paupières bien dessinées, sont orientés différemment. L'un semble être dans l'Ailleurs tandis que l'autre par un léger clignement semble interpeller l'Humanité.




A côté des des Ascensions-Parousies sous les yeux ébahis des disciples inspirées de la vision de l’Apocalypse, on trouve aussi une iconographie nouvelle, inspirée de l’évangile de saint Matthieu : la séparation des justes et des damnés lors du jugement dernier/pesée des âmes par l’archange saint Michel.
La résurrection des corps est représentée associée aux opérations de jugement et à la séparation des élus gagnant le monde d’en haut et des damnés précipités en enfer.
Voici venu le moment de la Parousie: la seconde venue du Christ dans sa gloire à la fin des temps et le
Jugement dernier : "Quand le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, escorté de tous les anges, alors il prendra place sur son trône de gloire. Devant lui seront rassemblées toutes les nations, et il séparera les gens les uns des autres, tout comme le berger sépare les brebis des chèvres." (Evangile selon Saint Matthieu, 25, 31- 32)



Tympan du Jugement dernier. Cathédrale Saint-Lazare, Autun, Saône-et-Loire.

Sous un Christ majestueux dans sa mandorle sont représentés des cortèges humains ; alors qu' à sa droite, les élus convergent vers un paradis distillant calme et et harmonie ; à sa gauche, l'enfer grouillant de démons immondes avale les corps prostrés des damnés. A l’ordre régnant dans l’évocation paradisiaque s’oppose le désordre dans les scènes infernales. Les justes jouissent de la contemplation béatifique pendant que les damnés sont soumis aux tourments spécifiquement associés à leurs péchés. D’un côté, les élus - nus ou vêtus - ont une expression sereine et joyeuse ; de l’autre, les damnés - nus le plus souvent - ont des corps déformés par la crainte du châtiment.


Détail du tympan de la cathédrale Saint Lazare, Autun, Saône et Loire.

Des apôtres, les yeux tournés vers le Christ ; saint Pierre tourne le dos au petit groupe pour conduire un juste au Paradis.



Linteau du portail de la cathédrale Saint-Lazare d’Autun, Saône-et-Loire.
Parmi les élus en marche vers le Christ qu’ils cherchent des yeux on trouve deux pèlerins dont celui de Compostelle.

Linteau du portail de la cathédrale Saint-Lazare d’Autun, Saône-et-Loire.
Deux évêques portant leur crosse se rendent au ciel le regard tourné vers le Christ qui les attend.

Perspectives eschatologiques sur sarcophage, fonts baptismaux, baies et chapiteaux

✏︎ Le sarcophage de l’évêque Agilbert de la chapelle dite crypte de Jouarre, Seine-et-Marne est un bon exemple de l'évocation du retour du Christ à la fin des temps
Cet évêque de Paris a été enterré en 680 dans la chapelle funéraire qu’il avait fait construire, à côté du monastère où il devait se retirer et mourir, à Jouarre. Son sarcophage est toujours en place.



© Ministère de la Culture (France), Médiathèque de l'architecture et du patrimoine (objets mobiliers), face longitudinale représentant le dernier Avènement.
Cette image de la résurrection des morts à la fin des temps correspond à l’eschatologie commune des premiers siècles du christianisme. Malgré  l’érosion du temps un examen attentif de ce plan rapproché permet de discerner les élus debout, les bras levés, acclamant au centre le Christ du grand retour, qui tient dans sa main un rouleau, le Livre de vie. Les saints n’avaient pas à redouter les sévérités du Jugement.
Il n’y a ni jugement ni condamnation. : les morts qui appartenaient à l’Eglise et lui avaient confié leur corps ( c’est-à-dire qu’ils l’avaient confié aux saints ) s’endormaient et reposaient jusqu’au jour du second avènement, du grand retour, où ils se réveilleraient dans la Jérusalem céleste, c’est-à-dire au Paradis. Il n’y avait pas de place dans cette conception, pour une responsabilité individuelle, pour un comptage des bonnes et des mauvaises actions.
En dernière analyse lors des premiers siècles du christianisme l’évocation première de la fin des temps n’est pas le Jugement ; il en sera différemment dans la seconde représentation eschatologique dominante du XIIe siècle. A côté de l’évocation traditionnelle empreinte de confiance dans le dernier Avènement, prendra place une iconographie nouvelle : le Jugement à la fin des temps et la séparation des élus et des réprouvés.

✏︎ Les fonts baptismaux de la cathédrale Saint-Etienne de Châlons-en-Champagne, Marne. Le thème du dernier Avènement se retrouve associé non plus à un sarcophage, mais à une cuve baptismale. Datant de 1147 ces remarquables fonts baptismaux qui ont été brisés ont été restaurés en 2001-2002.
De forme carrée la cuve baptismale est creusée dans un bloc en pierre de Tournai comportant un bandeau sculpté sur la partie supérieure. À chaque angle se trouve un ange en relief vêtu d'un grand manteau descendant jusqu'aux pieds.


© Jacques Philippot


Entre les anges sonnant d'une trompe figurent des scènes de la résurrection des morts : les personnages nus sortent de leurs tombeaux, le visage tourné vers le ciel.



Détail.Plan rapproché d'après le cliché de Jacques Philippot
Assis de dos les morts lèvent la tête vers la trompe ou les ailes des anges

La résurrection - en tant que naissance à la vie éternelle - est déjà commencée avec le baptême. Sur cette cuve baptismale les anges sont les hérauts de la résurrection des morts et en même temps délimitent le lieu où s'opère la renaissance spirituelle du baptême.


Chapiteau de la tour Gauzlin, abbaye Saint-Benoît-sur-Loire.

A gauche, un personnage d'angle présente un livre fermé à Jean, au-dessus de qui se trouvent les sept anges et les sept lampes d'or. "Ecris donc ce que tu as vu, ce qui est et ce qui va être après, le mystère des sept étoiles que tu as vues dans ma droite et les sept lampes d'or. Les sept étoiles sont les anges des sept églises et les sept lampes sont les sept églises" (Apoc. I, 19-20).
Des petites pierres noires marquent l'emplacement des pupilles et donnent de la vie aux yeux.



Baie latérale gauche de la façade de l'église de Benet, Vendée.

Au sommet de l'arc un petit personnage fruste - Jésus sauveur- assis sur un trône est vénéré par des anges qui le regardent ou l'encensent. On peut remarquer à l'extrême droite sous le dernier ange une tête démoniaque assistant à la scène depuis le puits infernal ; il essaie même d'attirer un ange en l'agrippant par son vêtement.


Eglise de Benet, Vendée.

Détail : un ange tenant une croix pattée ne dirige pas son regard comme les autres esprits célestes vers la figure centrale mais vers le fidèle qui approche de l'édifice.

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