Cycle Christique 1 : premiers regards
ENFANCE DE JESUS
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Sans revenir sur le débat de savoir si les images au Moyen Âge avaient ou non une fonction d'auxiliaire pédagogique il est certain que certains thèmes des Ecritures Saintes étaient présents dans les œuvres sculptées de l'âge roman. Pour l'objet du présent site, certains visages de compositions scéniques, par ailleurs bien classiques par leur sujet, sont susceptibles de mener du sensible à l'au-delà du regard.
Ainsi la lumière affleure à travers les regards des personnages de certaines représentations particulièrement réussies de l'Annonciation, de la Visitation, de la Nativité, de l'Adoration des bergers et de l'Adoration des mages, de la Fuite en Egypte…
En un mot dans certaines œuvres l'insaississable parvient à transparaître à travers le sensible.



Eglise de Carrières-sur-Seine, Yvelines. Musée du Louvre.

Sous des arcatures voisines cet ancien retable montre une Vierge en majesté précédée de l’Annonciation. L'ange Gabriel debout apprend à Marie sa prochaine maternité divine. L'ange Gabriel entre chez Marie et lui annonce qu'elle concevra le fils de Dieu, et que sa parente Elisabeth, que l'on croyait stérile, est enceinte.



Chapiteau de l'arc de l'abside, monastère de San Juan de Ortega, Espagne.XIIe siècle.

Dans la scène de l'Annonciation. Gabriel est agenouillé devant la Vierge, un bâton crucifère à la main, signe du mystère de l'Incarnation. Marie debout, les yeux baissés, relève ses mains, paumes ouvertes, dans une attitude de prière.



Chapiteau de l'arc de l'abside, monastère de San Juan de Ortega, Espagne.XIIe siècle.

Scène du songe de Joseph. Appuyé sur son bâton Joseph est debout pensif et semble méditer le message de l'ange. L'ange une main posée sur le crâne de Joseph, l'autre posée sur la mangeoire où repose l'Enfant. L'ange exprime son message par ce double geste : d'une part il annonce la naissance de Jésus sauveur, de l'autre il convainc Joseph de ne pas répudier Marie.




Chapiteau de l'arc de l'abside, monastère de San Juan de Ortega, Espagne.XIIe siècle.

Scène de la Nativité. L'ange au sourire posant sa main sur la tête de Joseph les yeux mi-clos ; lui dit-il de ne pas craindre de prendre Marie pour femme bien qu'elle soit enceinte?



L’ange montre du doigt l'Enfant qui dort dans la crèche et pose tendrement son autre main sur la tête de Joseph. Quelle composition scénique ! On dit couramment que l'image illustre le texte ; pourtant certaines œuvres semblent aller plus loin que ce qui fait l'objet de la pure représentation. Qui étaient ces imagiers? Ce ne sont pas des illustrateurs. L'illustration est au service du texte. Dans certaines belles pierres romanes, les textes sont dépassés vers des sens sur lesquels les textes sont muets. Ces pierres sont imprégnées de pensée. Par la mise en page, la structure générale, l'harmonie l'artiste de génie parvient à mener l'observateur au-delà du visible pour atteindre l'invisible. Laissons Michel Claveyrolas exprimer l'abîme de sens qui se dégage de cette splendide composition : « Les grandes œuvres romanes sont des pensées en images, ce sont des méditations plastiques sur les textes, et même à partir des textes. Plus que des auxiliaires des récits, les images en déploient les richesses. Elles ne traduisent ni ne détournent le sens: elles révèlent la profondeur des textes en les associant plus audacieusement que ne le feraient les mots. »

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Cloître de San Pedro de la Rua, Navarre, Espagne.

Marie et sa cousine Elisabeth dans une attitude d' étroite intimité.




Chapiteau de la tour Gauzlin. Abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire.

L'Annonciation. Comme l'indiquent les colonnes à chapiteaux et l'arcature, Marie se trouve à l'intérieur de la maison. Cependant, non seulement elle regarde droit en face d'elle, mais ses mains et son visage font saillie par rapport aux autres éléments sculptés: elle est déjà au-delà de la situation présente, l'esprit tendu vers ce qui lui est annoncé, comme projetée vers son avenir transcendant. L'ange, par contre, se tient respectueusement en retrait, les ailes repliées en signe d'humilité, alors que les bras de Marie sont ouverts dans un geste d'accueil universel. Le messager regarde Marie et s'efface devant la majesté pressentie.



Ancienne prieurale de La Charité-sur-Loire, Nièvre.

Annonciation : les deux personnages nimbés se font face l'un vient de Dieu, l'autre va à Dieu.
Visitation : quel regard anime le visage d'Elisabeth tourné vers celui de Marie.



Chapelle Saint-Gabriel, Bouches-du-Rhône.

Dans trois espaces séparés par des colonnes torsadées et des arcs en plein cintre, deux scènes sont représentées: une Annonciation et une Visitation. Les personnages sont nommés au-dessus.
La Vierge Marie de l'Annonciation occupe une position centrale, comme il se doit. Cependant il convient de remarquer que la disposition des vastes ailes de l'Ange Gabriel, passant par-dessus les colonnes, ainsi que le fait qu'il est le seul dont la tête est nimbée, lui confèrent une importance notable, – ce qui se comprend puisque l'église lui est dédiée. Ce qui frappe est l'expression du regard donné aux deux femmes.


Chapiteau de la salle capitulaire, cathédrale Saint-Lazare d'Autun, Saône-et-Loire.

Scène de l'Adoration des Mages. On peut remarquer le geste de l'Enfant tendant les bras pour toucher les présents, les regards différents des Mages apportant leurs présents et de Joseph perdu dans ses pensées.



Chapiteau de la salle capitulaire. Cathédrale Saint-Lazare, Autun, Saône-et-Loire.

Le sommeil des Mages. Les Mages sont avertis pendant leur sommeil par un ange de ne pas retourner chez Hérode.
Ayant perdu l'étoile qui les guidait, les Mages se reposent sous une couverture unique. Un ange réveille l'un d'entre eux et lui indique la direction de l'étoile.
Après s’être prosternés devant l’enfant Jésus qui vient de naitre, l’avoir adoré et lui avoir offert les présents qu’ils lui avaient apportés, les mages, épuisés par l’émotion et par leur longue route, dorment paisiblement tous trois dans le même lit, la tête encore couronnée posée sur le même oreiller. Pendant leur sommeil, un ange descend du ciel pour les avertir de ne pas retourner voir Hérode comme ils l’ont promis. Les ailes encore déployées, il effleure délicatement la main de l’un des mages avec son index droit, tout en montrant de sa main gauche, l’étoile qui guidera les mages vers leur pays. Le dormeur se retourne pour regarder le visiteur qui d'un geste impératif lui désigne l'étoile à suivre. Dans un mi-sommeille personnage intercalé commence à s'éveiller.Le troisième dort encore profondément.



Chapiteau de la salle capitulaire. Cathédrale Saint-Lazare, Autun, Saône-et-Loire.


Les mages ne sont pas figurés en perspective mais de manière étagée, l’un au-dessus de l’autre. Ceci permet de montrer clairement les trois couronnes et surtout les trois visages des mages que l’on peut ainsi facilement reconnaître. Il représente les trois âge de la vie : le jeune homme imberbe dort entre l’homme adulte moustachu et le vieil homme barbu. Si l’on regarde bien leurs yeux, on s’aperçoit également que le mage dont l’ange touche le doigt a les deux yeux grand-ouverts alors que son voisin n’en ouvre qu’un et que le troisième dort encore. Le sculpteur a adopté ce procédé plein de naïveté et d’humour pour évoquer un déroulement dans le temps, comme une décomposition du mouvement de réveil.



Une variante du sommeil des Mages peut être observée sur un chapiteau du cloître de Saint-Trophime, Arles, Bouches-du-Rhône.
Le premier mage réveillé regarde l'étoile que lui montre l'ange.



Contrefort droit du portail de l'abbaye Saint-Pierre de Moissac, Tarn-et-Garonne. Vers 1110-1130.

" Le huitième jour, auquel l'enfant devait être circoncis, étant arrivé, on lui donna le nom de Jésus, nom qu'avait indiqué l'ange avant qu'il fût conçu dans le sein de sa mère. Et, quand les jours de leur purification furent accomplis, selon la loi de Moïse, Joseph et Marie le portèrent à Jérusalem, pour le présenter au Seigneur, - suivant ce qui est écrit dans la loi du Seigneur: Tout mâle premier-né sera consacré au Seigneur, -et pour offrir en sacrifice deux tourterelles ou deux jeunes pigeons, comme cela est prescrit dans la loi du Seigneur" Luc 2. 21-24.
Marie offre des colombes ; la prophétesse Anne est à ses côtés ; le Vieillard Siméon tient Jésus dans ses bras.
Pendant que Marie, Jésus, la prophétesse Anne et Syméon se soucient les uns des autres, Joseph se retourne vers l'Ange qui l'avertit qu'Hérode veut tuer l'Enfant.


Salle capitulaire, cathédrale Saint-Lazare, Autun, Saône-et-Loire.

Un ange ayant annoncé en songe à Joseph que sa fiancée est enceinte, prévient ce dernier des intentions d'Hérode envers l'Enfant et lui demande de fuir en Egypte. Une Vierge sereine tenant l'Enfant, un Joseph conscient de sa responsabilité et...un petit âne souriant.
On comprend que le chapiteau de la Fuite en Egypte est considéré comme le plus fameux
d'Autun.



Abbaye saint-Pierre, Moissac, Tarn-et-Garonne.

La Fuite en Egypte. Lorsque les Mages "furent partis, voici, un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, et dit: Lève-toi, prends le petit enfant et sa mère, fuis en Égypte, et restes-y jusqu'à ce que je te parle; car Hérode cherchera le petit enfant pour le faire périr. Joseph se leva, prit de nuit le petit enfant et sa mère, et se retira en Égypte. Il y resta jusqu'à la mort d'Hérode, afin que s'accomplît ce que le Seigneur avait annoncé par le prophète: J'ai appelé mon fils hors d'Égypte.







Collégiale Saint-Pierre, Chauvigny, Vienne.
L'Annonciation.L'expression du visage de la Vierge est extraordinaire d'émerveillement et de joie. La main levée, ouverte, témoigne de la réalité du salut, annoncé par la croix de l'ange.



Porte Miégeville, Saint-Sernin
Variante de l'Annonciation fortement analogue à celle de Chauvigny.


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