L’arbre et l’accès à l’au-delà transcendant
_________________
Eglise de Vaux-sur-Mer, Charente-Maritime.
Des quadrupèdes tournent leur regard vers le sommet d'un arbre sur lequel nichent des oiseaux.`
Ce chapiteau résume bien à lui seul les divers éléments symboliques précédemment évoqués.
☞ L’escalade symbolique des arbres.
✏︎Le contraste entre deux arbres.
L'arbre reçoit les messagers du ciel que sont les oiseaux. Le tympan de l'abbatiale Sainte Richarde, Andslau, Bas-Rhin, présente l'intérêt de montrer l'évolution spirituelle que le croyant doit essayer de réaliser.
* Un archer bande son arc vers . L'homme s'identifie à la flèche qu'il va décocher. Par son intermédiaire il anticipe en quelque sorte l'accès à la cité céleste à laquelle il entend parvenir. Le tireur symbolise la recherche du dépassement corporel afin d'atteindre un niveau spirituel plus grand en vue du salut éternel.
* Deux arbres, deux oiseaux. Un petit personnage nu grimpe vers le sommet d'un premier arbre sec, dépourvu de feuillages et de fruits dans lequel niche un oiseau triste et maigre un oiseau perché sur les branches supérieures d'un arbre : c'est l'illustration de l'homme déchu après le péché.
L'autre arbre, en comparaison, apparaît d'une luxuriance extrême, le feuillage est riche, les fruits abondants et magnifiques : c'est l'évocation de la cité paradisiaque dans laquelle l'oiseau aux belles proportions - l'âme qui y parvient -se réjouit des fruits délicieux qu'il savoure manifestement.
On ne peut mieux suggérer, par le symbolisme de l'arbre et de l'oiseau, l'aspiration de l'homme médiéval à la béatitude céleste à conquérir par le dépassement de soi et une vie spirituelle adaptée pour celui qui ne veut pas se laisser accaparer par les seules préoccupations d'ordre matériel.
✏︎Le thème du salut chrétien et de l’ascension spirituelle.
Les pilastres du porche de l’abbatiale d’Andslau sont constitués chacun d’une superposition de cinq arcades soutenues à leur base par un atlante barbu.
Ces arcades abritent des couples de bienfaiteurs en conversation se montrant le Christ du tympan, nouvel arbre de vie, planté au cœur de leur foyer. 
Gros plan sur un des couples de bienfaiteurs le regard tourné vers le Christ du tympan.
Des plans rapprochés permettent de voir la similitude des gestes de Yahvé menant Adam et Eve innocents vers l’arbre qu’il montre du doigt et celui, lourd de sens, du mari d’un couple de bienfaiteurs qui reproduit le geste de Yahvé en regardant sa femme.
Un chapiteau de l’ancien prieuré de Souvigny, Allier, a pu être interprété comme un autre type d’escalade symbolique d’un arbre.
Sur le côté droit un homme tente de grimper à un arbre pendant qu’une main sortie des feuillages l’encourage par sa présence dans son effort pour s’élever toujours plus haut.
Au centre de la corbeille le même homme lève les bras en vainqueur ; il a réussi à atteindre un niveau d’être plus grand de par une ascension spirituelle réussie.
☞Images romanes du terme de l’histoire du salut.
L'imagerie fait appel à des métaphores que leur extrême simplicité empêche fréquemment de remarquer. Les tailleurs de pierre médiévaux figuraient fréquemment l'âme humaine sous les traits d'un petit enfant. Un petit personnage emporté au ciel par deux anges ; c’est la fin de l’histoire du salut : l’homme sauvé par le Christ est emporté au nouveau paradis celui des cieux.
Si un mourant laisse échapper son âme par la bouche sous la forme d'un petit enfant nu, c'est parce qu'il pousse un dernier soupir et parce que la mort est une " nouvelle naissance " post-mortem. La nudité signifiait alors non pas une réalité charnelle mais revêtait une dimension spirituelle.
Basilique Saint-Sernin, Toulouse, Haute-Garonne.
Sous la forme classique d'un enfant nu l’âme est élevée au ciel par deux anges.
Cloître de la cathédrale du Puy-en-Velay, Haute-Loire
Un ange à la bonne physionomie enlève une âme au pouvoir de deux démons grimaçants.
Saint-Trophime, Arles, Bouches-du-Rhone
Le martyre de saint Etienne. L'âme du saint lapidé s'échappe de son corps et est accueillie au ciel par deux anges. C'est une autre sorte de naissance pour l'âme pure du juste.
Collégiale Saint-Hilaire le Grand, Poitiers, Vienne.
Ce chapiteau, couramment dit " de la mort de saint Hilaire ", entend, au-delà du seul registre terrestre, évoquer le passage de la mort à la vie nouvelle.
Au premier niveau, un défunt est étendu sur son lit, veillé de part et d'autre par des moines lisant leurs prières. Alors que le mort du premier niveau est habillé, comme rattaché au sol par son lit, son " double " est nu, libéré de ses attaches terrestres et accompagné par deux anges vers la main du Père qui appelle à Lui le défunt.
A noter la pomme de pin tout à fait à droite au-dessus de la tête d'un moine, une fois encore, symbolise la vie éternelle.
Chapiteau du XIe siècle en haut de la nef de la collégiale Saint-Hilaire-le-Grand, Poitiers, Vienne.
Un personnage ouvre les bras entre deux arbres : c'est le juste au Paradis rayonnant la paix et la sérénité. L'arbre symbolise la vie ; la végétation renaît chaque printemps, comme le Christ à Pâques, symbole de la vie nouvelle dans la tradition chrétienne.
Ici encore la pomme de pin, bien visible à l’angle de la corbeille, évoque la vie éternelle.
☞Le Christ véritable arbre de vie.
Ainsi que le rappellent avec force Gérard de Champeaux et dom Sébastien Stercks, l’arbre « symbole parfait de la Vie, planté au paradis, croissant jusqu’aux cieux, vivifiant tout l’univers » reçoit « sa dimension totale dans le mystère de la croix cosmique du Christ » (p. 298 ).
Deux images méritent particulièrement d’être retenues : d’une part, les compositions scéniques de l’arbre de vie et de l’Ascension du Christ de la façade de la cathédrale d’Angoulême et de l’autre, celles de la mosaïque absidiale San Clemente à Rome.
✏︎Arbre de vie et Ascension du Christ.
La cathédrale Saint-Pierre d’Angoulême comporte de très signifiantes sculptures dites du retour à la fin des temps et de l'Ascension : en voici un montage réalisé pour mieux mettre en évidence notre thème du Christ-arbre de vie.
Façade de la cathédrale Saint-Pierre, Angoulême, Charente.
Au registre inférieur de la composition deux beaux anges représentés au pied de l’arbre de vie élèvent leur regard sur son sommet.
L’arbre qui s’élance vers le ciel est interrompu d’abord par la frise horizontale des médaillons des bienheureux, puis poursuit son développement au-dessus, et sa cime s’épanouit ensuite sous les pieds du Christ.
La place de l’oiseau traditionnel, au sommet de l’arbre, est occupée ici par le Christ en Ascension, pénétrant déjà dans les nuées célestes où volètent deux petits anges.
Le symbolisme de la sculpture est riche :
- l’Arbre de Vie véritable c’est le Christ ;
- c’est aussi l’Eglise dont l’édifice de pierre est le signe; son mystère est celui d’une croissance spirituelle, imaginée comme une ascension droite, à la manière de l’arbre.
- l’affranchissement des conditions terrestres sera le privilège des croyants qui par la foi participent de l’Ascension du Christ dès ici-bas, en attendant de le rejoindre après la mort dans la gloire.
✏︎Identification de la Croix et de l’arbre de vie.
La mosaïque absidiale du cul-de-four de l’église supérieure de Saint-Clément à Rome évoque parfaitement l’assimilation de la croix et de l’arbre de vie.
Crédit photo : basilicasanclemente.
Une inscription au-dessus de deux groupes de six agneaux de part et d’autre de l’Agneau central donne le sens de cette riche composition scénique en assimilant l’Eglise à la vigne : « ECCLESIAM CHRISTI VITI SIMILABIMUS ISTI / QUAM LEX ARENTEM SED CRUX FACIT ESSE VIRENTEM » : ( Rendons l’Eglise du Christ semblable à cette vigne / que la loi dessèche et que la croix fait verdir ).
Sur la montagne du paradis, au centre de la composition, s’élève l’arbre de vie d’où émerge la croix sur laquelle s’offre le Christ, entouré de la Vierge, à gauche et de saint Jean, à droite. La croix est ornée de douze colombes, tant sur la hampe que sur la traverse, symbolisant les âmes des croyants montant vers le ciel.
Les feuillages-rinceaux de l’arbre-vigne envahissent le cul-de-four, emplissant l’univers et bruissant d’ oiseaux comme le veut l’iconographie traditionnelle de l’arbre de vie.
Au registre supérieur, la composition est dominée par la main divine sortant des nuées et approchant la couronne de feuillage de la tête du Christ victorieux.
En bas, les quatre fleuves du paradis descendent de la sainte montagne et des cerfs s’y abreuvent.
__________