Les belles arlésiennes
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SAINT-TROPHIME
La cathédrale actuelle succède à la basilique Saint-Etienne qui contenait les reliques du protomartyr. Le corps de Saint-Trophime y est transféré depuis le cimetière des Alyscamps vers le Xe siècle. Après sa reconstruction au XIIe siècle, une nouvelle translation des reliques a lieu le 21 septembre 1152.
Consacrée d'abord sous les vocables de Saint-Etienne et Saint-Trophime, l'usage s'est répandu de ne la nommer plus que Saint-Trophime.
Le portail de la façade occidentale
Ce portail est postérieur à la construction de l'église. Il a été ajouté à la façade et terminé pour le couronnement de Frédéric Barberousse comme roi d'Arles le 30 juillet 1178. Pour le mettre en valeur, les maîtres-maçons l'ont placé en haut d'une volée de sept marches, ce qui a demandé que le sol primitif de la nef soit surélevé de 1,52 mètres.
Le programme iconographique du portail est complexe. Il reprend des éléments de l'Apocalypse, des deux Testaments, des écrits apocryphes, et va même puiser dans la mythologie romaine (le personnage d'Hercule, par exemple).
Le cloître : galeries romanes et galeries gothiques
** Seules les galeries nord et est sont romanes (XIIe siècle).
** Les galeries sud et ouest, à cause de difficultés financières, ont dû attendre plus d'un siècle pour être mises en chantier. Nous en présenterons des chapiteaux, car, malgré le passage au gothique de la fin du XIIIe siècle et le changement des mentalités qui préside à la mise en place d'un programme iconographique différent, le cloître constitue un ensemble extrêmement harmonieux.
Notons que dans les deux galeries gothiques, les sculpteurs se sont efforcés de respecter l'aspect des chapiteaux romans : les tailloirs ont les mêmes proportions et la disposition des corbeilles jumelles est la même (chapiteaux historiés vers l'intérieur et chapiteaux à feuillage vers l'extérieur).
Les chapiteaux de la galerie sud illustrent surtout le Roman de saint Trophime, poème en langue romane écrit entre 1221 et 1226.
Dans cette galerie galerie ouest gothique (milieu du XIVe siècle) les thèmes sont plus disparates. Outre la lapidation de saint Etienne, on trouve, comme sur le portail roman, des références à l'histoire de Samson. Il est intéressant de noter des représentation de sainte Marie-Madeleine, de sainte Marthe triomphant de la Tarasque. Cela confirme l'importance prise par les saintes de Béthanie en Provence. Rappelons que les Saintes de Béthanie sont, pour la tradition catholique, Marthe et Marie-Madeleine (soeurs de Lazare le ressuscité), Marie Salomé (mère des apôtres Jean et Jacques le Majeur) et Marie Jacobé (mère de Jacques le Mineur). Les Saintes Femmes seraient arrivées en compagnie de Lazare, de Sidoine/Restitut (l'aveugle miraculé), mais aussi de Joseph d'Arimathie (qui apporte le Saint-Graal), et d'autres. Cette tradition comporte, bien entendu, plusieurs versions.
SAINT-HONORAT DES ALYSCAMPS
L'allée des Alyscamps, bordée de tombeaux, conduit le pélerin à l'église où, dit le Guide du pélerin de Saint-Jacques, il doit se recueillir sur les reliques de saint Genest et de saint Honorat.
Nous avons une pensée pour ce Césaire, archevêque d'Arles au VIe siècle, contemporain donc de Benoît de Nursie, réclamant sans relâche honorabilité et intégrité de la part des évêques. Il fonda un couvent de moniales aux Alyscamps, dont il confia la direction à sa soeur Césarie. Presque aussitôt détruit par les Barbares, le monastère fut reconstruit dans la ville même. Pour les moniales, Césaire écrivit une règle de stricte clôture qui fut ensuite adoptée par l'abbaye royale de Sainte-Croix de Poitiers.
Nécropole de l'Empire romain, le cimetière se développe ensuite autour des reliques de saint Genest de Trinquetaille. C'était un fonctionnaire romain du IIIe siècle qui aurait refusé de transcrire un édit de persécution contre les Chrétiens, et même détruit les archives de son service. Décapité à Trinquetaille, le Guide du pélerin de Saint-Jacques nous raconte qu'il aurait jeté sa tête dans le Rhône d'où un ange l'aurait retirée pour la transporter à Carthagène. Quant au corps, il s'en serait allé d'un pas tranquille jusqu'à l'église Saint-Honorat.
Le Guide ne se soucie pas trop de la chronologie, puisqu'Honorat est mort plus d'un siècle après Genest. Mais laissons-nous bercer par ces "ressacs du futur" qui accompagnent les récits des merveilles.
Au IVe siècle une église sera érigée à Trinquetaille sur le lieu du martyre. Les historiens nous disent que le corps de saint Genest est mis en sécurité à cette époque dans une église construite aux Alyscamps. Cette église Saint-Genest sera donnée vers 1040 par un archevêques d'Arles à son abbaye d'origine, Saint-Victor de Marseille. Elle devient alors Saint-Genest-et-Saint-Honorat, puis simplement Saint-Honorat des Alyscamps, en l'honneur du fondateur du monastère de Lérins, lequel dépendait de la grande abbaye marseillaise.
Dès lors c'est à qui pourra se faire enterrer plus près des saints. Les tombes se superposent, on joue des osselets pour gagner quelques pouces de terrain. Les fouilles actuelles montrent un encombrement qui évoque plus le trafic urbain aux heures d'affluence que la dignité qu'on souhaiterait dans la file d'attente à l'entrée du Paradis.
Né au IVe siècle, saint Honorat, en compagnie de son frère quitta sa famille très jeune. De leur Lorraine natale, ils se rendent en Grèce où son frère meurt. Honorat revient en Gaule, et comme il recherche la solitude, l'évêque de Fréjus l'envoie sur Lérins, une île infestée de vipères, lesquelles, comme toutes les vipères, s'enfuient à son arrivée. La déroute des reptiles semble miraculeuse et le solitaire ne le reste pas longtemps. Ses éminentes vertus de charité, de discernement et d'hospitalité lui attirent des disciples et l'amènent à bâtir une église et un monastère. Tous les témoignages retiennent son extrême bonté et son indéfectible attention à la vie quotidienne de ses moines dans le travail qu'il mesure toujours à l'aune des forces de chacun et jusque dans la qualité de leur nourriture.
En 426 il succède comme archevêque d'Arles à Patrocle, personnage fort contesté. Il rétablit l'ordre, la discipline et la piété très rapidement, et il meurt en 429, épuisé par sa vie ascétique.
MONTMAJOUR ET SAINTE-CROIX
Histoires et légendes
Les collines rocheuses d'Arles, de Cordes, du Castelet et de Montmajour, émergeant des eaux du delta, ont été occupées depuis les temps anciens comme refuges et nécropoles.
A quelques centaines de mètres des allées couvertes de la Montagne de Cordes et tout près d'Arles, se dresse l'abbaye de Montmajour dont trois légendes étayaient une origine illustre.
D'abord, nous retrouvons le mythique Trophime, premier évangélisateur des Gaules. Pour échapper aux persécutions des prêtres païens, il se réfugie dans une petite grotte du rocher de Montmajour où il accueille des disciples. Même s'il s'agissait du Trophime historique, évêqque du IIIe siècle, missionnaire envoyé par Rome, ce serait déjà bien... Mais on n'en fait jamais trop.
Aussi fait-on appel à un fils de Clovis, Childebert Ier (vers 495 – 558). Il rencontre un jour un groupe de pauvres moines qui suivaient la règle de saint Césaire près de la montagne de Cordes, et, généreusement il fait construire pour eux la première église du rocher de Montmajour.
Nuançons un peu la munificence de Childebert qui avait sans doute tant à se faire pardonner qu'une seule abbaye n'eût paut-être pas suffi. Certes, il n'avait pas pris un trop mauvais départ en protégeant sa soeur maltraitée par son époux parce qu'elle était catholique. Il fit assassiner le mari – le roi wisigoth Amalaric – ce que l'on peut comprendre car il était arien. Par contre le fait de s'emparer du trésor de la victime dénote déjà une petite faille morale. Mais surtout, Childebert tourne très mal quand il participe en personne à l'assassinat de ses neveux pour s'emparer de l'héritage de leur père Clodomir qui venait de mourir. Son complice était un autre de ses frères, Clotaire Ier. Pour compléter la fresque, ajoutons que cela se fit sous l'égide de Clotilde, veuve de Clovis et grand-mère indigne s'il en fut, qui déclara qu'elle aimait mieux voir ses petits-fils morts plutôt que tondus: dans sa générosité, Childebert lui avait demandé si elle préférait qu'ils devinssent moines ou qu'on les égorgeât.
Après cela, le moins qu'on pût faire était de fonder une abbaye... mais sans doute n'était-ce pas un parrainage très reluisant. On trouva mieux qu'un roi de Paris et d'Orléans, un peu assassin à ses heures perdues.
Voici Charlemagne, pourfendeur des Sarrasins. Chassés d'Arles par les Francs, ils se sont réfugiés aux alentours pour mener une guerre de harcèlement. Agacé par ces nuées de taons qui le piquent, Charlemagne livre une bataille décisive et met les musulmans en déroute. Les tombes creusées dans la roche de Montmajour sont celles des guerriers chrétiens tombés ce jour-là. Pour célébrer cette victoire, Charlemagne fait construire un monastère et une église dédiée à la Sainte Croix.
Historiquement, il semble qu'il y ait eu d'abord quelques anachorètes à Montmajour. En 949, l'île est acquise par une femme pieuse, Teucinde, qui en fait don aux moines qui s'y trouvent. Son neveu Riculfe devient abbé de Montmajour vers 997. Très tôt l'abbaye a une excellente réputation. Les donations se multiplient, le monastère s'enrichit. Au XIe siècle, les comtes de Provence y ont leur sépulture.
A cette époque l'abbaye comporte l'église Saint-Pierre, qui existe toujours, ainsi qu'une crypte dédiée à la Sainte Croix et une basilique consacrée à la Vierge Marie, qui ont toutes deux disparu. La crypte et l'actuelle abbatiale Notre-Dame ne sont pas antérieures au XIIe siècle.
L'abbatiale restera inachevée, sans doute à cause du manque d'argent du à la rivalité d'autres ordres qui jouissent en Provence d'un immense prestique: Hospitaliers et, plus encore, Templiers.
L'abbaye, censée détenir un morceau de la Vraie Croix, attirait des milliers de pélerins qui venaient en barque, et rivalisait avec les tombeaux de saint Trophime et saint Genest lorsqu'ils étaient encore aux Alyscamps.
Jusqu'au XIIIe siècle, les moines ont suivi de façon exemplaire la règle de saint Benoît. Par la suite, les papes – et surtout les papes d'Avignon – ont désigné des abbés commendataires en dehors de l'ordre de Cluny, donnant même l'abbaye en apanage à des cardinaux de la Curie.
Devant cette décadence, au XVIIe siècle l'archevêque d'Arles demanda à la Congrégation de Saint-Maur de prendre en charge le monastère pour y rétablir l'observance de la vie monastique. Ce qui fut fait malgré la très vive résistance des Arlésiens et des moines.
Les travaux de reconstruction, la richesse du mobilier et de la bibliothèque en ont fait une des plus belles abbayes de France.
Mais la communauté finit par se disperser. A la Révolution, deux ventes catastrophiques ruinèrent les bâtiments et leurs contenus. Au XIXe sècle, deux artistes peintres arlésiens, dont les noms doivent rester en mémoire, opérèrent un sauvetage héroïque. Jacques Réattu acheta la Tour de l'Abbé promise à la démolition, et Pierre Revoil racheta partout où il le put un très grand nombre de colonnettes et de chapiteaux du cloître ainsi que des meubles. Par la suite leurs enfants prirent part à cette oeuvre. Le département des Bouches-du-Rhône racheta la chapelle Sainte-Croix qui servait de séchoir à filets pour un pêcheur.
Pendant la dernière guerre, l'armée allemande occupa l'abbaye et fêta son départ en 1944 en offrant aux populations le spectacle d'un incendie aussi gigantesque qu'inutile. Cette ultime manifestation culturelle germanique offrit l'occasion d'une nouvelle restauration de l'abbatiale.
Quant aux marais, une première tentative d'assèchement eu lieu au XVIIe siècle, par l'ingénieur hollandais Jean van Ens à ses frais. L'hostilité d'un hobereau local, le seigneur des Baux Honoré Grimaldi, le conduisirent à la ruine et à la destruction de ses ouvrages.
Au début du XIXe siècle les canaux furent restaurés, et à partir de 1843, l'ingénieur Poulle mena l'entreprise à bien, permettant une éradication de la malaria et l'extension des zones cultivables fertiles.
L'esprit ne se lasse pas d'en parcourir la succession en élévation et de s'émerveiller de la façon dont ils s'agencent depuis les tombes creusées dans le rocher jusqu'au clocheton. Ce joyau en forme de trefle à quatre feuilles donne deux fois raison à Stendhal: "le beau est une promesse de bonheur". Mais pourquoi une promesse? Le bonheur ne se trouve-t-il pas dans l'instant où soudain paraît, au détour d'une route de Provence, la beauté qui met dans nos âmes comme une saveur d'éternité?
SAINT-GABRIEL
Entre Tarascon et Arles, dans un champs d'oliviers auquel on accède par quelques marches, la chapelle Saint-Gabriel se dresse au terme d'un petit sentier.
SAINT-PAUL-DE-MAUSOLE
Un bâton dont on fait les crosses
Paul, dont il faudra parler davantage à propos de Saint-Paul-Trois-Châteaux, fuyant la vie mondaine, s'était réfugié dans les Alpilles, près de l'actuelle Saint-Rémy-de-Provence, avec son épouse et sa mère. Là, par humilité et pour gagner sa vie, il s'était fait valet de mas. Mais sa réputation de sainteté s'était répandue assez loin, et, à la mort de l'évêque du Tricastin Torquatus, on vint chercher Paul pour lui succéder. Il refusa énergiquement, et, excédé par l'insistance des importuns, il planta son bâton dans le sol et déclara imprudemment qu'il deviendrait évêque lorsque le dit bâton se couvrirait de fleurs.
Dieu, traitant parfois avec quelque humour les entêtés qui contrarient ses plans, fit fleurir le bâton. Paul accepta sagement le verdict et quitta les Alpilles pour le Tricastin où il devint un digne successeur du premier évêque, Sidoine, qui se fit appeler Restitut.
Les habitants de Saint-Rémy gardèrent le bâtons et élevèrent une chapelle sur le lieu du miracle. Nommée d'abord Saint-André-et-Saint-Paul, cette première église devint simplement Saint-Paul par la suite.
Histoire, depuis les Jules jusqu’à Vincent
L'église et son beau cloître se trouvent entre Saint-Rémy-de-Provence et Glanum. Tout près de la cité antique, se trouvent deux monuments romains, du Ier siècle avant J.-C., d'intérêts historique et esthétique majeurs: l'arc municipal et le mausolée des Julii. C'est à ce dernier monument, peut-être le plus beau mausolée du monde romain, que l'église doit son nom: Saint-Paul-de-Mausole.
L'église est mentionnée dans un acte de donation au profit des bénédictins de Villeneuve-les-Avignon. C'est à partir de 1117 que le vocable de Mausole lui est adjoint, signe de l'attachement des populations provençales à leur passé et aux prestigieux vestiges romains.
La construction des bâtiments que nous connaissons commence en 1134. Le monastère est ensuite placé sous la règle des chanoines de saint Augustin. En 1316, le pape avignonais Jean XXII rattache Saint-Paul-de-Mausole au chapitre cathédral d'Avignon.
Pendant la Guerre de Cent Ans, l'église fut sécularisée et les chanoines furent déliés de leurs voeux.
En 1605, le monastère est cédé à l'Ordre Franciscain de la Stricte Observance. Les observantins se consacrent aux soins des malades et plus spécialement des malades mentaux, avant d'être chassés par la Révolution.
Vers 1810, le couvent est racheté par le Dr Mercurin qui y réinstalle une maison de santé avec l'assistance de la Congrégation des Soeurs de Saint-Joseph-de-Viviers.
Du 8 mai 1889 au 16 mai 1890, Van Gogh, qui avait lui-même décidé d'y entrer, y est soigné. Là, il peint environ 150 tableaux.
Une statue de Zadkine rappelle, dans l'allée qui conduit à l'église, le séjour du génial et malheureux artiste.
Saint-Paul-de-Mausole demeure aujourd'hui encore une maison de santé à vocation psychiatrique, poursuivant ainsi une oeuvre quadriséculaire.