L’ancienne collégiale Saint-Etienne de Dun-sur-Auron
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Cette collégiale a été fondée en 1019 par le chapitre du Château de Bourges ; toutefois l'édifice actuel ne date que du 1er quart du XIIe siècle (chapelles rayonnantes, déambulatoire, choeur et trois dernières travées de la nef et des collatéraux).

e siècle.
Un massif clocher-porche a été construit en 1397 sur le devant de la façade ; il a été refait au XIX
A la fin du XVe siècle et au début du XVIe ont été entrepris le voûtement de la nef, la construction de six chapelles latérales et la reconstruction de la chapelle axiale dans le prolongement du chœur.
A partir de 1844, plusieurs campagnes de restauration ont été entreprises.


Les chapelles rayonnantes du Nord et du Sud sont les seules parties du monument visibles de l'extérieur. Nous présenterons ici l'absidiole Sud qui surprend le visiteur par sa réalisation en pierre de couleur rougeâtre due à la présence d'oxyde de fer dans sa composition.
Nous donnerons ensuite un aperçu de quelques aspects de l'architecture intérieure.



L'ABSIDIOLE SUD


De hauts contreforts-colonnes, groupés en faisceaux, épaulent l'absidiole Sud.

Leurs chapiteaux s'insèrent dans la corniche constituée d'une tablette soutenue par de petites arcades.





Le bandeau mouluré entourant chaque baie est porté par des colonnettes monolithes coiffées de chapiteaux ornés de rinceaux, palmettes et entrelacs.







Le calcaire teinté d'oxyde de fer étant moins adapté à la sculpture, c'est avec un autre matériau que les chapiteaux ont été réalisés.


Une sirène à double queue et un chapiteau au motif purement ornemental.


Détail. La sirène pisciforme, à ceinture, les seins tombants, est dans une attitude particulièrement lascive.


A l'angle de la corbeille un homme debout, les pieds sur l'astragale, tient des tiges végétales sinueuses.


Le Sud-Est de l'absidiole avec ses fenêtres plein cintre.


Iconographie romane courante avec ses quadrupèdes affrontés et son maillage végétal habité par des masques.


Etres monstrueux affrontés se détournant la tête et divers feuillages stylisés.

La face Sud de l'absidiole dispose du plus beau décor.



Plan rapproché sur la baie la plus ouvragée de l'absidiole Sud.



Une belle ornementation à base de palmettes alternées en relief.



Détail. Un engoulant semblant avaler le fût de la colonne.

Ce type de création se retrouve notamment en Poitou et en Saintonge ; il en est ainsi, par exemple, en Deux-Sèvres à Périgné et Saint-Romans-les-Melle.
Quelle est la signification de ce type de " mange-pilier " ? Simple évocation purement plastique ou au second degré quel message cet engoulant entend-il faire part ?
Des auteurs comme
Anne et Robert Blanc ( 2004, p. 27-28 ) se demandent s'il ne convient pas de voir chez l'artiste le désir de rappeler le danger à mettre en cause la fonction accomplie par chaque membre de l'Eglise en tant que colonne du temple? Chaque fidèle a son rôle à jouer en tant que pilier de l'institution ecclésiale ; cependant, il peut cacher en lui un monstre dangereux pour lui-même autant que pour autrui.



La face Sud-Ouest.

Oiseaux buvant dans un calice : un thème classique.



Main saisissant une tige foliée. Etres monstrueux.

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L'ensemble architectural est complété par une large gamme de modillons aux têtes d'hommes et d'animaux.

DE QUELQUES ASPECTS INTERIEURS DU CHŒUR

Le chœur roman possède un déambulatoire - particularité pour le Berry- qui ouvre sur trois chapelles rayonnantes. Des trois chapelles initiales du XIIe siècle, il n'en subsiste que deux : celle du Nord et celle du Sud ; la chapelle axiale, quant à elle, a été refaite au XVe.
Le sanctuaire possède des piles de plan quadrilobe ; elles reçoivent les retombées des grandes arcades à double rouleau donnant sur le déambulatoire et celles des arcs doubleaux de ce dernier.


Le chœur roman est entouré par un déambulatoire à trois chapelles rayonnantes. De hautes arcades reposent sur des piliers quadrilobés. et des colonnes engagées.


Vue partielle du collatéral Nord.


Le collatéral Sud, comme celui du Nord, est couvert de voûtes d'arêtes.


Perspective sur le voûtement et les chapiteaux du collatéral Sud.



Dans les travées hautes, les tailloirs eux-mêmes des chapiteaux peuvent être décorés de divers motifs.




Les piliers comportent de nombreux chapiteaux présentant des corbeilles peuplées d'animaux étranges dans un décor végétal.



Sur les corbeilles, des animaux fabuleux sont mêlés à des feuillages et rinceaux.


Des chapiteaux comportent des motifs moins courants à l'image de cet éléphant à l'instar de ceux des régions romanes voisines
: à Poitiers ( Notre-Dame la Grande, copie néoromane à Montierneuf et original au Musée Sainte-Croix ) sans oublier les chapiteaux d'Aulnay-de-Saintonge.


Crédit photo : Emmanuel Pierre


Dans l'art roman, ce ne sont pas seulement les hommes qui jouent de la musique, mais aussi les animaux. L’âne tenant une lyre est fréquemment figuré tant sur des chapiteaux que sur des modillons. Un chapiteau extérieur de l'église de Saint-Gaultier ( Indre ) en comporte également cette scène.
Lorsqu’on parle d’âne musicien on pense d’abord au fameux « l’âne qui vielle » de la cathédrale de Chartres ; en réalité, cet animal tient une lyre. Ce thème de l’âne musicien, évoquant couramment l’ignorance d’un lourdaud prétentieux, est fréquent dans le bestiaire roman. Il joue le plus souvent de la rote ou harpe-psaltérion et, dans quelques cas, de la vièle ou de la cithare. Ce thème de l’âne musicien était déjà représenté à Ur en Mésopotamie, 3 000 ans avant notre ère. Une fable de Phèdre, écrite au 1er siècle de notre ère, en donna une version.  " L'âne, voyant une lyre abandonnée par terre dans une prairie, s'approcha et essaya les cordes avec son sabot, elles résonnèrent dès qu'il les toucha : " joli instrument parbleu, mais c'est mal tombé dit l'âne, car je ne sais pas en jouer. Si quelqu'un de plus savant l'avait trouvé, il eût charmé les oreilles par de divines mélodies ".
Reprise par Boèce au VI e siècle, l’histoire se modifie et prend un sens chrétien. Un âne, dans une prairie, voit une lyre abandonnée par terre et essaye d’en jouer de ses sabots. Il reconnaît son ignorance et estime qu’un plus savant que lui pourrait mieux en jouer. Boèce y voit le symbole de l'ignorance devant la philosophie. L’âne caressant de ses sabots les cordes de son instrument c’est d’abord une scène drolatique.
Cependant ce thème n’est pas un pur amusement d’imagier, un sens peut lui être implicitement associé. On peut dire, ensuite, que la musique, sacrée ou profane, est une activité propre à l’être humain. Dans la mesure où l’on fait jouer un instrumentiste animalier le pas est franchi entre le genre humain et le monde animal. Dans la pensée chrétienne l’animal musicien symbolise l’ignorance prétentieuse et la paresse spirituelle au lieu et place de la recherche zélée du Tout Autre. Dans les termes de Madeleine Zeller l’âne musicien « est l’emblème de l’homme charnel, qui ne peut pas comprendre ce qui vient de l’Esprit de Dieu, contrairement à l’homme spirituel qui est animé par le désir de l’Esprit ». Une relation étroite unit la propension aux plaisirs de la chair et la paresse spirituelle. En bref, la discordance voulue entre l’instrumentiste animalier et la musique sacrée traduit une opposition frappante de type parodique entre la nature animalière des musiciens et la musique sacrée que les instruments à corde ou à vent doivent produire. Le sujet de l’âne à la lyre ou de l’animal musicien invite, sur le mode de l’humour, le chrétien à maîtriser ses comportements et l’exhorte à suivre la voie étroite permettant de progresser sur « l ’échelle du Salut » en vue de la cité céleste.

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