** L'abbaye de l'Etoile, commune d'Archigny.
L'abbaye de l'Etoile tire son origine d'un regroupement de solitaires vers 1117 autour de l'abbé bénédictin Isembaud, frère de Pierre de l'Etoile, fondateur de l'abbaye de Fongombault. Le monastère fut rattaché en 1145 à l'ordre de Citeaux et reçut alors l'empreinte cistercienne. Ruinés par le régime de la commende au XVIe siècle, puis par les guerres de Religion, les bâtiments sont confisqués et vendus comme biens nationaux à la Révolution. Les dégradations ont atteint un stade inquiétant jusqu'à la constitution d'une association pour la sauvegarde de l'abbaye. Celle-ci appartient désormais à la commune d'Archigny et mérite d'être mieux connue. Les travaux de réhabilitation seront malheureusement lourds.



Venant d'Archigny un long chemin entre prairies et verts bosquets conduit à l'abbaye de l'Etoile, édifiée dans le silence et la solitude du vallon boisé de la Font-à-Chaux, ainsi dénommé en raison de la source jaillissant d'un terrain calcaire. L'église sépare deux ensembles à l'aspect non médiéval : l'hôtellerie-ferme, à gauche, et, l'aile des convers, à droite.



Façade de l'église abbatiale. Au-dessus de la porte s'ouvrait une fenêtre à colonnettes
dont on voit les vestiges. Avant l'effondrement de la voûte, au milieu du XIXe siècle, le pignon atteignait 25 mètres, soit une élévation double de ce qu'il en reste.
On peut s'en faire une idée plus précise en rapprochant la façade de celle mieux conservée de l'abbaye du Pin à la page web suivante.




Le bas de la façade comporte un portail en arc brisé dont les voussures étaient supportées, de chaque côté, par trois colonnes.
Seules deux colonnes subsistent côté droit.




Seuls des tores décorent les voussures.



De la nef, du transept et du sanctuaire terminé par un chevet plat ne subsistent, aujourd'hui, que la nef et la chapelle du croisillon sud.
La nef sans collatéraux date des remaniements effectués au XVe siècle ; elle a perdu sa voûte.
Le cliché laisse percevoir, à gauche, une des deux arcades autrefois ouvertes sur la partie sud de la nef ;
cela laisse penser à la présence jadis d'un espace latéral, voire d'une chapelle...
Les contreforts, tant sur les murs latéraux que sur la façade, se justifient par la hauteur originelle de la construction ;
près d' un contrefort on distingue la porte qui faisait communiquer l'église avec les galeries du cloître.




** L'unique chapelle du XIIe siècle conservée du croisillon sud vue à travers d'émouvants vestiges.
L'arc brisé a été muré, au XIXe siècle, avec des pierres de remploi.
** Parmi celles-ci, on peut voir au-dessus de la niche un relief sculpté aux armes de l'abbaye.



A l'intérieur de la chapelle, à droite de l'emplacement de l'autel, une piscine en plein cintre.
Cette " niche " réalisée dans l'épaisseur du mur canalisait vers le sol les eaux des ablutions liturgiques.



L'aile orientale des bâtiments conventuels comporte, de gauche à droite : la sacristie ( la porte close au fond ), la salle capitulaire avec ses quatre baies,
le parloir en forme de couloir voûté vers le jardin.
Au-dessus du rez-de-chaussée, seul conservé, se trouvait le dortoir des moines.
Les galeries du cloître ont disparu ; seules subsistent dans les murs les extrémités des poutres qui supportaient la toiture en appentis.



De part et d'autre d'une porte en mauvais état s'ouvrent deux groupes de deux fenêtres romanes
en plein cintre portées par des colonnettes trapues aux bases annelées.



Deux des quatre ouvertures romanes du mur occidental par lesquelles la salle capitulaire
s'ouvrait sur le cloître.

*

Ces baies sont supportées par de petites colonnettes dont les chapiteaux sont ornés de feuilles plates.
Détail du chapiteau droit : un tailloir avec des étoiles aurait été rajouté lors de travaux de restauration
dans la première moitié du XXe siècle.



Vue partielle de la salle capitulaire à partir d'une baie romane du mur occidental.
Bâtie au XIIe siècle, la salle capitulaire, remaniée un siècle plus tard, reçut alors des voûtes sur croisées d'ogives.



En arrière des baies romanes primitives subsistantes, prend place une salle capitulaire de style cistercien ;
il y a eu, en quelque sorte," encagement " dans le volume initial.
Deux colonnes soutiennent les voûtes de la salle capitulaire.
Les trois fenêtres du mur oriental furent reprises au XIIIe siècle.
La sobriété, voire le dépouillement, de la décoration cistercienne permettent à l'esprit de se fixer sur l'essentiel.



Un décor finement sculpté de feuillages orne les chapiteaux des colonnes supportant les voûtes
et les culs-de-lampe qui reçoivent les voûtes dans les angles.



Clé d'une croisée d'ogives.



Contigu à la salle capitulaire et couvert d'une voûte en berceau, le passage
qui faisait communiquer le cloître et un jardin s'est substitué, au XVIIe siècle, à ce qui avait été jusque-là le parloir.
Au premier plan, à gauche, l'ouverture contenait l'escalier, disparu, qui donnait accès,
à partir du cloître, au dortoir situé à l'étage, lequel s'effondra au XIXe siècle.



Le passage donne accès à la prison.
Les religieux fugitifs ou coupables de graves délits
pouvaient méditer dans cet exigu réduit voûté...



Porte. Le bâtiment des convers auquel elle donne accès a subi
de nombreuses transformations tant au XVe qu'au XVIIe siècles,
mais sa structure de base est du XIIe siècle.


Art clunisien/esprit cistercien.
Ce parcours de découverte de l'art roman en Poitou n'a pas pour but de définir la représentation de l'art la plus à même de favoriser le recueillement et la sérénité. Il s'agit, avant tout, d'introduire à la compréhension des différentes manifestations architecturales rencontrées.
A côté des joyaux de l'art roman poitevin, les abbatiales cisterciennes de la Vienne, de par leur état, paraissent bien modestes. Mutilées comme elles le sont, elles paraissent également de peu d'importance par rapport aux prestigieuses abbayes cisterciennes encore en élévation dans d'autresrégions françaises. Malgré tout, les abbayes de l'Etoile et du Pin ( page web suivante ) constituent des ensembles architecturaux parmi les plus représentatifs du Centre-Ouest ; à ce titre, elles permettent de retrouver tout de même partiellement l'esprit de Cîteaux.

Les chefs-d'oeuvre comme les humbles édifices ruraux nous ont permis d'approcher certaines caractéristiques majeures de
l'art clunisien : beauté des réalisations et des formes architecturales, richesse de l'ornementation ( sculptures des chapiteaux et des façades, fresques murales ). Les divers volets de l'art roman en Poitou manifestent, tout à la fois, une foisonnante expression de vie et la prégnance du sacré. Il semble que l'art roman devait s'entendre, moins dans sa réalité propre que
comme significatif d'une réalité plus haute. Dans cette perspective, la transfiguration de la pierre, poussée jusqu'à la luxuriance, se voulait avant tout louange de Dieu.

Ce qui définit
l'art cistercien n'est pas tant la remise en cause des agencements structurels et des formes romanes que l'esprit avec lequel ils sont considérés. Cet esprit de Cîteaux entendait appliquer jusque dans l'art de bâtir les principes mêmes à la base de la réforme de l'ordre bénédictin : le rétablissement de la Règle dans toute sa pureté. L'esprit cistercien est un esprit d'austérité qui se manifeste par l'éloignement de toute agglomération, le travail manuel, le strict nécessaire dans le vêtement et la nourriture. Il se traduit, dans l'art de bâtir, par l'équilibre des volumes et des proportions, la rigueur et la grande sobriété des applications décoratives. On sait que saint Bernard, se plaçant du point de vue de la pureté monastique, a vigoureusement critiqué " ces monstres ridicules, cette beauté difforme et cette belle difformité " que l'on rencontrait dans les édifices clunisiens. L'ornementation figurée - peinture et sculpture - non seulement n'est pas utile à l'homme spirituel, mais, plus encore, ne peut que le distraire de sa prière et de sa contemplation. Dans l'esprit de Cîteaux, seul le dépouillement tant architectural qu'ornemental serait propice au recueillement et à la prière.

Chez les cisterciens, plus encore que chez les autres clercs, l'agencement architectural ne saurait - être réduit à ses seuls aspects techniques et fonctionnels !