Les sirènes poissons
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A la période médiévale, s'il arrive encore que les sirènes soient sculptées avec un corps d'oiseau, elles sont représentées le plus souvent avec un corps de poisson. Ces avatars d'une figure mythique apparaissent fréquemment sur les façades et chapiteaux des églises romanes incarnant la féminité, avec ses graces mais aussi, aux yeux de l'autorité ecclésiale avec ses dangers et ses tentations. Elles apparaissent souvent comme des symboles de concupiscence et des incantations de la luxure.
☞ Les monstres pisciformes sont de deux types : monocaudal et à double queue.
Toutes les sirènes ont en commun un certain nombre de caractéristiques : une poitrine bien affirmée et une chevelure dénouée flottant librement ou coiffée en tresses. Les unes peuvent être belles, d'autres moins, certaines ont même un masque tragique et repoussant.
Sirène monocaudale, nef, Eglise de Parthenay-le-Vieux, Deux-Sèvres.
Pour exprimer la lubricité les sirènes sont souvent représentées avec un appendice caudal double, similaire à deux jambes revêtues d'écailles, qu'elles tiennent largement écartées en s'aidant des deux mains, en des poses lascives. En tenant dans chaque main une de leurs queues les sirènes bifides offrent au regard leur intimité. On a pu voir dans ces figurations de sirènes à double queue une volonté de montrer ou à tout le moins d'évoquer un exhibitionnisme féminin.
La baie gauche de l'absidiole de Lusignan ( Vienne) comporte une femme à double queue de poisson.
Ce sont les sirènes doubles qui se prêtent aux traitements les plus personnels des maîtres tailleurs laissant libre cours à leur créativité et à leur imagination.
Une grosse tête, un petit torse, des membres frêles caractérisent cette libre interprétation de l'hybride.
Chapiteau d'une colonnette de baie. Eglise de Caunay ( Deux-Sèvres ).
☞ Tritons
Si la nature symbolique de la sirène découle du féminin, des sirènes pisciformes mâles ont été sculptées ici et là. A l'instar de la sirène le triton est une créature hybride dont la partie supérieure est humaine et qui possède à partir de la taille un corps pisciforme.
Eglise de Colombiers ( Vienne).
☞ Ces créatures mi-humaines, mi-animales se rencontrent aussi dans les chapelles et églises de régions montagneuses.
Rechercher un rapport entre l'existence de sirènes femelles ou mâles sculptés et la présence proche de cours d'eau est tout à fait inutile. Des édifices construits près d'étendues liquides marines ou fluviales n'en comportent pas alors que des constructions édifiées dans les monts d'Auvergne en disposent.
Sirènes du fronton de l'église de Saint-Michel-l'Aiguilhe, Haute-Loire.
Le sujet de la sirène pisciforme présentait de nombreux avantages : un thème à haute valeur esthétique et ornementale qui se prêtait à tous les traitements ; un thème utilisable par les clercs qui y trouvaient matière à sermons sur les dangers de la séduction féminine.
La sirène, belle, séductrice, luxurieuse pouvait s'appréhender comme l'archétype de la féminité dans tout ce qu'elle pouvait représenter de dangereux selon l'éthique dominante de l'époque que révèle la littérature du temps. Or, les textes médiévaux sont pour une grande part l’oeuvre de religieux écrivant pour d’autres clercs formés pour avoir une défiance envers la gent féminine, la nudité des corps et les comportements sexuels. La luxure étant un péché inséparable de la femme dans la pensée chrétienne du temps !!!
Malgré la libre créativité des sculpteurs la norme édictée par l'Eglise, source majeure des valeurs morales exerça une franche influence sur le haut degré de méfiance qui entourait la gent féminine à la période médiévale.
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