Cimetières et tombes

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« Pierre tombale dite du chevalier » ornée d’une croix et d’une épée provenant de l’ancien cimetière et déposée sur le parvis de l’église Saint-Martin, Champniers, Vienne.
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Le terme le plus communément utilisé au Moyen Âge n’est pas cimetière mais aître. Le mot vient d’atrium qui désignait la cour intérieure des maisons romaines. L’aître désigne une petite zone dont l’un des côtés coïncide avec le mur de l’église.
L’aître est entourée de charniers, à la fois galeries couvertes, chapelles funéraires et ossuaires. (Philippe Ariès, 1985, p. 61-62 ).
Aître et charnier sont les appellations les plus anciennes et les plus courantes évoquant le cimetière médiéval.

Une hiérarchisation de l’espace cémétérial tend à s’opérer : 1) l’église elle-même où seuls certains privilégiés -clercs et laïcs puissants - peuvent se faire inhumer ; 2) la partie de l’enclos la plus proche de l'église et 3 ) la plus éloignée pour les pauvres où l'on trouve des sépultures à même la terre et la fosse commune aux corps superposés.
Ce régime des sépultures entraînait une fréquente manipulation de cadavres, de chairs et d’ossements dans les églises au pavé mal joint et dans les aîtres. Il est difficile à l’homme contemporain, selon notre sentiment d’aujourd’hui, de saisir les odeurs, les émanations, en un mot l’insalubrité occasionnées par ce remue-ménage. Sans doute que « dans les mentalités médiévales, l’espace clos qui enferme les sépultures compte plus que le tombeau » ( Ph. Ariès, 1977, p.28)

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Crédit photo: http://tempsreel.nouvelobs.com/

Huit sépultures multiples ont été découvertes par une équipe de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (l'Inrap), dans des caves du Monoprix Réaumur-Sébastopol à Paris.
Cette découverte de nombreux ossements humains provient du cimetière de l'hôpital de la Trinité fondé à cet emplacement au XIIe siècle et détruit au début de la Révolution.

Les tombes hors du sol - sarcophages, plate
s-tombes et autres dalles- sont les signes visibles de l'importance passée d'un personnage, qu'elle soit d'ordre politique, économique ou religieux.

Ce sont ces espaces et vestiges de monuments funéraires à l'époque romane qui retiendront ici notre attention car ils continuent d'intriguer aujourd'hui.
- Cimetières médiévaux
- Enfeus, sarcophages et gisants
- Lanternes des morts et croix hosannières


Cimetières médiévaux: deux exemples
Limousin et Charente ont conservé d’intéressants espaces cémétériaux.

A partir du XII ème siècle apparaît l'habitude de recouvrir les tombes de dalles, lesquelles réservées aux clercs et puissants, sont souvent massives, parfois en forme de toit dit en bâtière.

✏︎Exemple 1 : Cimetière du prieuré Notre-Dame du Chalard, Haute-Vienne.
Les photos proviennent du site très documenté:
http://www.limousin-medieval.com/#!abbaye-du-chalard/cgpa

Au chevet de l’église le cimetière comporte de nombreuses sépultures allant du Moyen âge au XVIe siècle. Certaines ont la particularité de présenter les marques des personnes inhumées : cognée du bûcheron, pinces et marteau du forgeron, étole du prieur sur la plus ouvragée.

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Vue partielle du cimetière médiéval du prieuré Notre-Dame du Chalard. 63e1d8_fcbe021a437d4b0c81c7e797f6c1f842
Un espace cémétérial exceptionnellement riche de dalles de pierre gravées ou en bâtière (pierres tombales, sarcophages...).

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La salle capitulaire du prieuré du Chalard comporte un tombeau sculpté tardif du XIIIe siècle de Gouffier de Lastours et d’Agnès d’Aubusson qui mérite d’être mentionné.




✏︎ Exemple 2 : Le cimetière de Ligné en Charente et ses «  tombes templières ».
Les photos proviennent du site : http://www.templum-aeternum.net/index.php/histoire-mainmenu-15/29-les-tombes-templieres-ligne-en-charente
Cette commune rurale au nord-ouest du département de la Charente possède, dans l'enceinte du cimetière communal, le "cimetière dit des Chevaliers" comportant 70 pierres tombales des Templiers caractéristiques de l'époque des Croisades (XII et XIIIe S). Les pierres sont gravées de croix, d'épées, d'outils de confréries, etc

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Vue partielle du cimetière médiéval de Ligné, Charente.


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Ces dalles funéraires se présentent sous les trois formes en usage à cette époque : pierres plates, triangulaires, trapézoïdales.

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Une dalle, malheureusement brisée, montre, des outils qui pourraient être ceux du paysan.


Les enfeus

Les enfeus sont des arcades aménagées dans un mur pour abriter une sépulture.
Beaucoup d’entre eux ont souffert mais il en reste à l’intérieur ou à l’extérieur des murs de certaines églises.

✏︎ L’enfeu de Pierre de Saine Fontaine. Eglise abbatiale Saint-Pierre d'Airvault, Deux-Sèvres.

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Dans la chapelle du croisillon nord du transept, le tombeau est placé dans un enfeu à trois voussures sur colonnettes.

L'ensemble est surmonté d'une arcature à modillons ( Début du XIIe siècle ).

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Le tombeau de Pierre de Saine Fontaine se présente sous la forme d'un couvercle de sarcophage à deux rampants supporté devant par deux atlantes agenouillés. Neuf arcades en plein cintre sont sculptées abritant peut-être huit apôtres encadrant le neuvième personnage au centre qui pourrait être le Christ. Les autres personnages, quatre à gauche et quatre à droite sont en marche, ils s’éloignent ou se rapprochent du centre. Peut-être avons nous là l’épisode où le Christ a envoyé les apôtres évangéliser le monde.

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Les niches creusées sur la façade sont en plein cintre avec une voussure en corde tressée sur colonnettes à vis ou zig zags.

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Le personnage central - ici le quatrième à partir de la gauche- a les pieds nus et les mains croisées sur la poitrine.

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Plan rapproché sur les quatre personnages de droite.

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Un des atlantes agenouillé supportant le tombeau.



* Les enfeus de l’église Saint-Maurice DE MONTBRON, Charente.

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Le mur sud de la nef mais à l’extérieur de l’église comporte des enfeus dont le plus important abrite un gisant. Un enfeu sous forme d’un arc brisé en saillie orné de festons en faible relief abrite une pierre tombale où repose une statue funéraire très usée. Il s’agit soit de Robert III de Montbron qui s’illustra à la deuxième croisade en 1147, soit de Guillaume de Montbron, évêque de Périgueux, qui mourut en 1081. Il était autrefois accompagné d'un bas-relief représentant le Christ assis, entouré de deux anges.

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Le gisant est gravement endommagé et fort usé, les jambes brisées. Il repose sur une dalle ornée d'une draperie retombant en plis réguliers, que supportent trois courtes colonnettes aux chapiteaux plats.

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Un peu plus loin, un second enfeu contient le tombeau de Pierre-Robert Caille de La Motte et de ses fils. Une inscription prend place dans des arcades en plein cintre: + HIC REQUIESCUNT PETRUS ROBERTI CALLA DE LA MOTTA ET FILII EIUS PETRUS CALLA ET GERALDUS ROBERTI REQUIESCANT IN PACE (+Ici reposent Pierre Robert Caille de la Motte et son fils Pierre Caille et Gérald fils de Robert. Qu’ils reposent en paix.)


* Les enfeus de l’église Saint-Médard, Brie, Charente.

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A l'intérieur de l’église on peut voir des vestiges romans: deux enfeus dont l'un est orné de colonnettes à chapiteaux sculptés et de reliefs, un entrelacs complexe remployé, un couvercle de sarcophage.

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Le sarcophage du premier est resté en place, sous un arc dépourvu de colonnettes. Le couvercle est orné d'une croix entourée d'un cercle et d'un étrange symbole. Ce pourrait être le tombeau d'un prêtre.`

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Le second enfeu présente un arc soutenu, de chaque côté, par deux colonnettes à chapiteaux. De chaque côté, les colonnettes sont nettement séparées l'une de l'autre. Le sarcophage a disparu mais la base présente des reliefs intéressants.
La partie supérieure est constituée d'une longue pierre ornée de petits arcs en plein cintre, surmontée d'un rang de palmettes faisant suite à une sorte de croix grecque ornée de tiges végétales. Ce relief pourrait être un fragment de sarcophage mérovingien.

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En-dessous, trois pierres présentent des rangs d'étoiles à huit branches inscrites dans des carrés et entourant des arcs brisés à fond lisse. Ces fragments, plus tardifs que les précédents, pourraient avoir appartenu à un autel ou un chancel. Ils ont été brisés du côté droit pour faire place à un bénitier.

* L’enfeu de l’abbatiale Saint-Gilles, Aignes-et-Puypéroux, Charente.

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Le mur intérieur nord de la deuxième travée de la nef est creusé pour faire place à un enfeu qui, jadis, n'était ouvert que sur l'extérieur, comme dans bien des églises.
On y distingue les restes d'un tombeau d'époque romane, censé contenir le corps de Saint-Gilles.

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Détails du décor sculpté.

* L’enfeu de la collégiale Saint-Hilaire-le-Grand, Poitiers, Vienne.

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Eglise Saint-Hilaire -le-Grand, Poitiers, Vienne.
Côté sud de l’église Saint-Hilaire-le-Grand, à la base du transept,on observe un enfeu bien conservé datant de la fin du XIe siècle que les passants d’aujourd’hui longent distraitement.
L’enfeu comporte un arc en plein cintre à double rouleau, moulurée tores séparées par des gorges

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Encastré dans le mur un cadre comporte des inscriptions latines.
« Le sort des hommes titube comme l’onde incertaine du fleuve, car ce qui était à l’instant solide bientôt se liquéfie dans la mort. Homme riche ou pauvre, ne place pas ta confiance dans la fortune, car un seul jour enlèvera les biens de ce monde. Ainsi fut-il de Constantin qui repose en ce tombeau : riche d’honneurs, il distribua ses biens aux infirmes, à ceux qui étaient nus, aux aveugles, aux veuves et aux indigents, et il s’employa à se faire tout à tous… »

Philippe Ariès, pour sa part, rapporte l’épitaphe d’un ecclésiastique mort au XIe: «  si tu veux voir ce que j’ai été autrefois, et non pas ce que je suis maintenant, tu te trompes, Ô lecteur qui dédaigne de vivre selon le Christ. La mort est pour toi un gain, si en mourant tu entres dans le bonheur de l’éternelle vie ».

Une sorte de dialogue est sollicité entre le scripteur défunt et celui qui le lit. L’inscription devint une leçon et une invitation pieuse aux survivants à mieux comprendre le sens de la vie.
Dans ce texte comme dans l’épitaphe de Constantin le défunt ou son scripteur ne sollicite pas les prières du passant. Celui-ci est seulement incité à méditer sur la mort et invité à se convertir.



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L’enfeu de l’église Saint-Hilaire le Grand à Poitiers, Vienne, protège une dalle sculptée d’une vigoureuse et luxuriante végétation surgissant du pied de la croix : c’est une rare représentation de la croix-arbre de vie. Le sculpteur de la dalle de l’enfeu de Saint-Hilaire avait trouvé une remarquable façon d’exprimer l’idée paradoxale de la croix-source de vie.

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Plan rapproché sur la croix-arbre de vie de l’enfeu de Saint-Hilaire le Grand, Poitiers.


De la croix naît la vie nouvelle, le noir Vendredi saint ne doit pas être disjoint de la joie pascale. N’est-on pas là en présence d’un raccourci fort évocateur du paradoxe chrétien de la croix ?

Monuments funéraires hors enfeus.
✏︎Les gisants manifestant la puissance terrestre d'une famille: l'exemple de la dynastie des Plantagenêt

L'abbaye Notre-Dame de Fontevraud ( Maine-et-Loire ) abrite les tombeaux d'Henri II, roi d'Angleterre, son épouse Aliéner d'Aquitaine qui fût auparavant reine de France, leur fils Richard Cœur de Lion ainsi qu' Isabelle d'Angoulême. épouse de leur fils cadet, Jean Sans Terre.

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On remarque les lits d'apparat, le drapé des vêtements, les instruments du pouvoir portés par les personnages.


✏︎Les monuments funéraires de corps saints deviennent des lieux de culte et de pèlerinage.

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Eglise Sainte-Radegonde, Poitiers, Vienne.

Au centre le tombeau de sainte Radegonde en pierre marbrière de couleur noire repose sur une dalle en calcaire. Le sarcophage date de l'époque carolingienne. Il est décoré d'une frise sculptée de rinceaux végétaux.


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Ancienne église Saint-Hilaire de la Celle, Poitiers, Vienne.

Bas-relief représentant la mort de saint Hilaire fragment d’un cénotaphe commémorant la mort du saint sur le lieu de son décès.. Derrière le saint évêque onze personnages : des disciples rangés en deux groupes ; les uns portent des livres. Deux saints nimbés encadrent l'ensemble l'un aux pieds, l'autre à la tête.

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Entre les deux groupes, deux anges tournent le dos. Celui de gauche emporte l’âme du saint ; l’autre tient une épée dans la main droite et le fourreau dans la main gauche.

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Etendu sur le lit mortuaire décoré de motifs antiques Hilaire, les mains croisées sur la poitrine, le visage à nu, est revêtu des vêtements sacerdotaux. La crosse du saint évêque représentant sa dignité est figurée à ses côtés.

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Crédit photo: Soula, Christian ; Peiré, Jean-François, (c) Inventaire général Région Midi-Pyrénées. Abbaye Saint-Pierre de Moissac, Tarn-et-Garonne.
Ce sarcophage en marbre de Pyrénées est datable IVe siècle. Il est orné au centre, d’un « Chrisme » avec l’Alpha et L’Oméga, premières et dernières lettres de l’alphabet grec qui signifient, d’après l’Apocalypse : « Dieu est le commencement et la fin de toute chose ». Ce monument a été réemployé pour recevoir la dépouille de l’abbé Raymond de Montpezat mort en 1245.

De fortes analogies ornementales ( chrisme, décor de feuillage ) peuvent être observées avec cet autre sarcophage paléochrétien ci-dessous du Musée de Nîmes.



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Musée de Nîmes. Sarcophage paléochrétien.

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Musée de la Société Archéologique et Historique de la Charente, Angoulême.


Un gisant du XIIe siècle, venant de l'église Saint-Médard de Rouillac, Charente, sert de couvercle au cercueil monolithe d'un prêtre.

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© Région Poitou-Charentes, inventaire du patrimoine culturel / C. Rome, 2009.

Une pierre tombale représentant un prêtre peut être observée à l'église Saint-Martin d'Anché, Vienne. L'officiant est représenté debout, bras levés, pouces et index joints.

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Mur de l'abside du prieuré de Lanville à Marcillac-Lanville, Charente.

Inscriptions funéraires du XIIe siècle à la mémoire de moines.

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Eglise Saint Thomas, Strasbourg

Sarcophage de l'évêque Adeloch après 1144

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Adeloch tonsuré et tenant la crosse est agenouillé devant le Christ.

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Sous des arcades l'évêque tonsuré et imberbe revêtu d'une chasuble tient la crosse et un livre ; le personnage féminin tenant une palme serait la Vertu qui le guide.


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L'évêque Adeloch agenouillé devant l'empereur qui l'investit dans ses fonctions comtales.



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Détail du sarcophage d'Adeloch : Néréide chevauchant un poisson.

Un détour au-delà des Pyrénées à San Juan de Ortega dans la Province de Burgos permet d’admirer un somptueux tombeau du XIIe siècle, merveille d'art funéraire roman qu'un comte, ami de San Juan, le sachant au plus mal, lui avait destiné.
Dans son agonie, Juan de Ortega garda assez de lucidité et d'humilité à la fois pour lui préférer une pierre nue. Le tombeau sculpté resta pour sa gloire, mais vide.`C’'est ainsi que les deux tombes coexistent ici : celle où fut enterré le saint, et le cénotaphe, finement sculpté mais vide.


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Eglise San Juan de Ortega, Castille, Espagne.

Le sarcophage roman. Le sarcophage qui, dit-on, fut préparé pour San Juan de Ortega.

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Au centre de la face principale, dans une gloire polylobée, le Christ assis sur une bête dont on voit la gueule, tient de sa main gauche le Livre sur son genou et bénit avec trois doigts de sa main droite. C'est le Christ Pantocrator, avec son nimbe crucifère, entouré des Quatre Vivants, tous ailés. De chaque côtés, sous des arcatures romanes surmontées de tours, se tiennent les apôtres.

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Les apôtres. Saint-Pierre, à la droite du Christ Pantocrator, tient une énorme clef.

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Sur la face gauche (la tête), figure l'Agnus Dei dans un cercle soutenu par quatre anges.

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Sur la face droite (le pied), saint Martin, à cheval, partage son manteau avec un pauvre appuyé sur un bâton.

Ces divers monuments funéraires souvent disposés à proximité ou à l'intérieur des églises sont réservés à l'inhumation de défunts privilégiés. Les tombes hors du sol visent à rappeler la mémoire de puissants laïcs ou de fondateurs religieux ; elles révèlent manifestement une fonction commémorative.


Lanternes des morts et croix hosannières

Apparues au XIIe siècle et construites jusqu’à la fin du XIIIe siècle, ces petites tours creuses, que sont les lanternes des morts, ont fait l’objet de nombreuses interrogations. La silhouette de ces petits édifices de quelques mètres de haut surmontés d’un lanternon, est familière aux habitants du Limousin, du Poitou et de la Saintonge.

Le corps de la lanterne, assis sur un soubassement, est formé selon les cas d’une colonne, d’un faisceau de colonnettes ou d’un fût de plan carré ou polygonal.  Une croix de pierre ou de fer forgé coiffe le lanternon, toit de forme variable ( pyramide, cône, clocheton à écailles ).
À la base, une petite porte donne accès à un espace intérieur, qui peut accueillir un escalier d’accès au lanternon pour les plus grandes ou, plus souvent, quelques encoches latérales dans la maçonnerie
ou des pierres en saillies ou crampons de fer permettant l’ascension malaisée d’un homme afin de fixer une lampe. A défaut un système de corde et de poulie était utilisé pour hisser la lampe à huile allumée au sommet.
La taille importante des lanternes les distingue des tombes voisines. Elles sont de ce fait visibles de loin.

Certaines lanternes sont également pourvues d’une pierre plate, sorte de tablette horizontale ou inclinée considérée le plus souvent comme autel ou pupitre.
Pierre le vénérable, 9 ème abbé de Cluny en 1122, a décrit la lanterne des morts comme « une construction (structura) en pierre, au sommet de laquelle se trouve une place qui peut recevoir une lampe (lampas), dont la lumière (fulgor) éclaire toutes les nuits ce lieu sacré, en signe de respect (ob reverentiam) pour les fidèles qui y reposent ».
Cette flamme était le symbole de la lumière, de la vie, et de l'âme des défunts. C'était l’emblème de la lumière éternelle qu'on souhaite aux morts dans l'office funéraire. Elle rappelait aux chrétiens vivants que si leur dépouille charnelle est périssable, leur âme est éternelle.

La fonction des lanternes des morts.
La lanterne des morts serait un gage de protection divine. La lumière, qu’elles émettent, symbolise la lumière divine ou celle du Christ. Cette lumière protège et guide les fidèles. Elle est opposée aux ténèbres où œuvrent le diable et ses démons. Ainsi la lanterne des morts, qui brille la nuit dans les cimetières, veille sur l’âme des défunts qui attendent leur salut.
La lanterne des morts préserve également les vivants de l’apparition de revenants, favorisée par la nuit. Les lanternes, par la lumière qu'elles peuvent diffuser, représentent une véritable protection spirituelle voire corporelle pour les morts comme pour les vivants. (Cécile Treffort, 2001 )
Vers le XIIe siècle, le cimetière devient un lieu dangereux, surtout la nuit. C’est le lieu de transition entre le monde des vivants et le monde des morts. Les récits de phénomènes surnaturels survenus dans les cimetières sont nombreux à cette époque. La lanterne des morts, porteuse de la lumière divine, lutte donc contre ces manifestations surnaturelles d’origine démoniaque. Pour les voyageurs ou les villageois qui se déplacent la nuit, elle marque l’emplacement du cimetière, et leur permet de le traverser en sécurité ou de l’éviter. Cette hypothèse, la plus probante, est loin d’être la seule. La lanterne permet également aux âmes des revenants, qui partent du cimetière la nuit pour hanter les vivants, leur reprochant souvent de ne pas assez prier pour eux, de retrouver leurs tombes avant l’aube. Les lanternes auraient également accompagnées les pèlerins, allant à Saint Jacques de Compostelle, en jalonnant leur route de leurs lumières bienveillantes. Certaines se retrouvent en effet sur les itinéraires menant à Compostelle mais ce n’est pas une généralité.
En bref les lanternes sont des constructions associées au culte des morts et à la mystique de la lumière mais n’ont pas été utilisées pour célébrer la messe.


La forme des lanternes des morts.
La lanterne des morts se compose toujours d’une tour avec au sommet un pavillon qui accueille la lampe, mais la forme de l’ensemble varie. Ainsi le corps de la lanterne des morts, la tour, peut être une colonne ou un faisceau de colonnettes. Elle aura alors une forme circulaire.
Il existe également des corps qui sont carrés ou polygonaux.
Le toit est formé d’un cône, d’un clocheton à écailles ou d’une pyramide. Il est surmonté d’une croix.



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La lanterne de Fenioux, Charente-Maritime, XIIe siècle, possède onze colonnes pour le fût …

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et treize colonnettes pour le lanternon.

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La lanterne de Journet, Vienne, date du XIIe siècle. Elle a conservé son autel au sommet des ses quatre marches.

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La lanterne des morts du cimetière de Chateau-Larcher, Vienne date de la première moitié du XIIIe

On remarque sur le lanternon une petite ouverture haute probablement pour laisser échapper fumées et gaz de combustion.

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La lanterne des morts du cimetière de Chateau-Larcher, Vienne

La lanterne des morts est cylindrique, haute de 6 m sur une base cubique avec une tablette. La colonne est surmontée d’ un lanternon à 4 baies étroites, au toit en écailles à pointes vers le bas.

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Détail de la lanterne des morts du cimetière de Chateau-Larcher, Vienne

Le système utilisé pour hisser la lampe à huile allumée au sommet a été reconstitué.


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La Lanterne des morts d’Antigny, Vienne, date du XIIIe siècle ; vraisemblablement édifiée autrefois dans l’ancien cimetière elle fut entièrement démontée et installée sur la place en face de l’église.
Petit monument funéraire en pierre, à fut carré creux comporte quatre baies orientées et de fines colonnettes aux angles. Elle a conservé une tablette au-dessus de ses cinq marches pouvant servir lors de prières ou de processions.


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Une petite ouverture au nord permet le passage de la lampe qui était hissée au sommet. La lanterne a conservé son pupitre.


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Lanterne des morts de Cellefrouin, Charente de la fin du XIIe siècle

La lanterne des morts de Cellefrouin s’élève à plus de plus de douze mètres. Elle repose sur quatre assises qui supportent un faisceau de huit colonnes accolées, quatre grosses alternant avec quatre plus petites.
L’ensemble est coiffé d'un clocheton conique surmonté d'une boule, qui supporte une croix. Ce cône est recouvert de pierres triangulaires en écaille de pomme de pin. Il est percé à sa base de quatre petites fenêtres rectangulaires, une à l'aplomb de chaque grosse colonne, destinées à laisser rayonner autour de l'édifice la lumière du fanal.


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Par le conduit creux on hisse le fanal au sommet par une ouverture carrée pratiquée dans une des colonnes.

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Lanterne des morts de Rancon, Haute-Vienne.


  • Des constructions voisines - les croix hosannières - ne doivent pas être confondues avec les lanternes des morts. Elevées à la même période entre le Xe et le XVe siècles ce sont des édifices funéraires dont le fut est plein ou composé de colonnettes accolées dont le sommet est surmonté d’une croix mais qui ne sont pas dotés de système d’éclairage.
Le nom d'hosannière semble provenir de l'hosanne, buis sacré qui, dans certaines régions (Poitou/Charentes) était déposé sur la croix. Le dimanche des Rameaux fut appelé Dominica Hosanna.

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Belle croix hosannière au cimetière de Champniers, Vienne. C'est une croix supportée par un fut constitué d'un faisceau de quatre colonnes cylindriques engagées dans un noyau central. Chacune de ces colonnes repose sur une base circulaire moulurée, qui a pour assise une base carrée.

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Croix hosannière du XIIe siècle, La Peyratte, Deux-Sèvres. Massif carré disposant de quatre demi-colonnes.

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Croix hosannière du XIVe siècle, dans l'ancien cimetière entourant l'église Saint-Pierre d’Aulnay-de-Saintonge, Charente-Maritime.
Cette croix comporte les statues de quatre apôtres dont saint Jacques le Majeur.

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Croix Tuilière datant du XIIe ou XIIIe siècle, Agris, Charente.


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