Les guerriers à pied
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Les chevaliers ne sont pas les seuls combattants de l'époque ; ils sont aidés au combat par la foule des hommes à pied qui, le plus souvent sans autre protection qu'un bouclier de fortune, se battent avec des armes beaucoup moins nobles que l'équipement du chevalier.

L'imagerie romane montre les combattants à pied munis de la lance et de l’épée mais leur équipement pouvait être complété par des armes de plus basse nature.

Parmi les armes moins nobles, en principe utilisées par les fantassins ( mais qui ne sont pas toujours ignorées par les chevaliers ), la plus classique est l'arc, utilisé à la guerre comme à la chasse.
Les flèches sont constituées d'une pointe de fer de forme triangulaire, aux ailes plus ou moins effilées, emmanchée sur une tige de bois souple.


Parmi les
autres types d'armes encore moins nobles on trouve :

- les
massues, gros bâtons courts dont l'une des extrémités est fortement renflée et qui permettent de frapper l'adversaire avec une grande violence et l'assommer.

- les
haches d'arme, d'ailleurs plutôt armes de cavalier.

- les frondes qui se composent d'une bande souple formant une poche, souvent en cuir, prolongée à chaque extrémité par deux lanières de longueurs inégales.
Dans ladite poche se place le projectile à lancer, appelé « balle de fronde », constitué d'un matériau dur et dense, généralement une petite boule de pierre.
Les armes moins nobles (en particulier celles qui permettent le combat à distance) sont généralement peu prisées par l'aristocratie guerrière.

De l'armement
✏︎Armes nobles


Un homme en armes habillé de pied en cap ; son écu comporte une croix.

Eglise de Varaize, Charente-Maritime.



La façade comporte un homme en armes avec cotte de mailles, heaume, épée et bouclier oblong.
Eglise de Plaisance, Vienne.


Modillon d’un homme d'armes habillé de pied en cap. Le guerrier est revêtu d'un haubert à mailles de fer qui descend jusqu'à mi-mollet et est prolongé par une coiffe de même nature enserrant le haut de la tête et le bas du visage. Par-dessus cette coiffe, il porte le heaume ou casque de combat conique
Eglise Saint-Pierre de la Tour, Aulnay-de-Saintonge, Charente-Maritime.



Représentation plus simple du fantassin habillé de pied en cap.
Eglise Saint-Trojan, Boutiers-Saint-Trojan, Charente.



Un homme armé d'une lance et d'un écu sur lequel on peut encore discerner les traces d'une croix.
A remarquer les riches applications ornementales entre les colonnes supportant les chapiteaux.

Eglise Saint-Hilaire, Foussais, Vendée.


Guerriers armés d’une lance et d’épées.
Eglise de Saint-Mandé-sur-Bredoire, Charente-Maritime.


Guerriers à pied en armes. Noter les clous sur le bouclier.
Chapiteau du cloître de l'abbaye Sainte-Foy, Conques, Aveyron.


Une créature fabuleuse est combattue par un personnage coiffé d'un bonnet et armé d'un écu et d'une épée. Au second degré cette scène pourrait symboliser la lutte que doit mener tout être humain contre ses démons intérieurs s'il veut poursuivre son évolution spirituelle.

( Crédit photo : Jacqueline Reichenbach )
Eglise de Saint-Pierre-de-l'Île, Charente-Maritime.


✏︎Armes moins nobles

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Arcs et personnages



Tireur à l'arc.
Modillon, église d'Echillais, Charente-Maritime.


Archer dans des rinceaux.
Eglise
de Marignac, Charente-Maritime.

Archer de facture fruste.
Façade de l'église de Saint-Mandé-sur-Bredoire, Charente-Maritime.




On a pu dire du point de vue symbolique que l'arc possédait une fonction particulière, celle de porter l'intention qu'est la flèche. En se laissant accaparer par les seules affaires ordinaires de la vie, l’homme méconnaît une part essentielle de son être ; ainsi dévoyé il finit par perdre entièrement conscience de sa dimension spirituelle. Au final, selon que l’attraction vers le haut ou la pesanteur vers le bas l’emportera ce sera, pour l’homme roman, l’élévation glorieuse ou la déchéance et la chute spirituelle. Une sculpture du tympan de l'abbatiale Sainte Richarde d'Andlau ( Alsace ) a le mérite de mettre en scène l'âme en quête de la félicité éternelle.

    • Un archer bande son arc vers un oiseau perché sur les branches supérieures d'un arbre. L'homme s'identifie à la flèche qu'il va décocher. Par son intermédiaire il anticipe en quelque sorte l'accès à la cité céleste à laquelle il entend parvenir. Le tireur symbolise la recherche du dépassement corporel afin d'atteindre un niveau spirituel plus grand en vue du salut éternel.
**Centaures-archers
Dans le symbolisme des pierres romanes l'arc utilisé par un centaure sagittaire a une dimension spécifique : il est la volonté de porter l'intention qu'est la flèche. Le personnage cherche à dépasser son animalité par un effort de conversion ; son intention est de chercher à ressembler à ce qu'il vise. ( Gérald Gambier, 2018 )


Bandage de l'arc de la main gauche au lieu de la droite ordinairement ; en fait l'archer est un centaure…
Dans le symbolisme roman le cet animal au buste humain est emblématique d'une conversion en cours.
Eglise de Verrines, Deux-Sèvres.




Un centaure bande son arc vers un cerf : au second degré on pourrait dire que le but est clairement précisé.
Du point de vue symbolique le cerf désigne le Christ. C'est une illustration de l'homme entendant entamer une transformation de son être profond désirant que l'esprit l'emporte sur l'animalité. L'intention du personnage en cours de transformation est de tendre tendantiellement vers le Seigneur.

Chapiteau de l'église Saint-Pierre de Melle, Deux-Sèvres.



Ici le centaure a déjà décoché une flèche qui a traversé le cou de l'animal qui tourne alors la tête vers le tireur ; cela pourrait signifier que le centaure a commencé son renouvellement ; autrement dit la démarche de sortie de l'animalité semble avoir été couronnée de succès.

Crypte de l'église de Saint-Parizé-le-Châtel, Nièvre.



Le chevet comporte un relief représentant le classique centaure bandant son arc mais l'objectif n'est pas précisé. C'est dire que l'homme symbolisé concentre toute son attention et son énergie intérieurement vers le projet non exprimé extérieurement mais défini en son for intérieur.

Collégiale Saint-Pierre Chauvigny, Vienne.

**La fronde


Un personnage, une fronde dans la main droite, pointe l'index gauche vers la cible.
Tympan de l'abbatiale d'Andlau, Bas-Rhin.

Scènes de combat.

Combat d'hommes armés d'une épée et d'un bouclier circulaire. On voit bien comment est tenu sur sa face intérieure le bouclier.
Frise sculptée de l'abbatiale d'Andlau, Bas-Rhin.

Affrontement d'hommes armés de massues et de boucliers ronds.
( Crédit photo : Jacqueline Reichenbach ) Eglise de Saint-Pierre-de-l'Île, Charente-Maritime.

Scène de bataille représentant des combattants avec épées et boucliers circulaires et écus?
On peut aussi remarquer une hache d'arme au fer en demi-lune au-dessus du personnage baissant la tête.
Est-on en présence du rite de la
colée : coup violent porté sur le cou de l'initié par son parrain avec le plat de l'épée qui avait pour but d'éprouver la résistance physique du futur combattant ? (M-T Camus, 2009, p. 236 )
Chapiteau intérieur de l’église Saint-Georges de Faye-la-Vineuse, Indre-et-Loire.


Affrontement à l'épée entre deux hommes casqués.

Basilique Sainte Marie-Madeleine,Vezelay, Yonne.


A côté de fagots, combattants armés de massues et d'écu et d'épée.
Abbatiale de Fleury, Saint-Benoît-sur-Loire, Loiret.


Métope entre deux modillons : Combattants à pied armés d’écus et d’épées.
Eglise prieurale Notre-Dame, Cunault, Maine-et-Loire.

Revêtus de cottes de mailles deux hommes d'armes à pied s'affrontent l'épée d'une main et l'écu de l'autre.
Un chapiteau de colonne d'une des fenêtres du Palais Royal, Estella, Navarre.



Affrontement de guerriers : noter l'importance des épées et… la présence d'un oiseau au long bec entre les deux hommes.
Collégiale Santa Juliana de Santillana del Mar, Cantabrie, Espagne.


Guerriers casqués aux armes diverses.
Chapiteau du cloître. Collégiale Santa Juliana de Santillana del Mar, Cantabrie, Espagne.


Saynètes singulières


Deux hommes armés tuent un troisième agenouillé.
Eglise Notre-Dame, Trois-Palis, Charente.


Combat aux massues brandies par deux personnages.
Des auteurs comme Anne et Robert Blanc proposent une interprétation dépassant la simple représentation d'un
duel en considérant l'objet déposé entre les deux hommes au centre de la composition.
Ce serait une évocation de la lutte entre deux modes d'être qui s'affrontent et se combattent.
Illustration de la dualité présente en chaque homme et de la lutte continue que chacun doit livrer entre deux tendances antagonistes - le bien et le mal - qui se partagent notre être profond.
Le vainqueur de l'affrontement remportera l'objet placé entre les duellistes, c'est-à-dire dominera l'âme humaine et déterminera sa conduite.

Ancienne abbatiale Saint-Pierre d’Airvault, Deux-Sèvres.


Affrontement d'hommes en armes à proximité d'un animal fantastique.
Eglise d'Aberin, Navarre.

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