LE TYMPAN
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Ce tympan peut être considéré comme  l'une des œuvres majeures de la sculpture du XIIe siècle par ses dimensions, sa structure, la richesse de sa décoration sculptée laquelle possède encore des traces de polychromie. 



La Parousie, en tant que retour du Christ à la fin des temps, signifiera le passage du temps de la foi au temps de la rencontre face à face avec le Sauveur. Puisqu'il était tentant d'exprimer l'invisible par le visible le maître de Conques a voulu fixer dans la pierre l'instant dramatique où le Christ prononcera les paroles du chapitre 25 versets 31,46 de l'évangile de Matthieu.
"Quand le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche."
Cette affirmation du "jugement dernier", à l'occasion du retour du Christ, de sa "parousie" fascinait les premiers chrétiens qui attendaient la fin du monde très prochainement. L’horizon du chrétien c’est la contemplation de Dieu. Lors du Jugement dernier les élus ( les brebis ) et les réprouvés ( les boucs ) seront séparés. Les premiers jouissant dans leur corps glorieux de la béatitude céleste tandis que les seconds seront tourmentés dans leur corps et dans leur âme. Si cela peut surprendre fortement aujourd'hui, à l’époque médiévale, hommes et femmes vivaient avec ce bruit de fond permanent.


Trônant dans une mandorle le Christ de Conques est à la fois " juge et roi " comme le proclame l'inscription de son nimbe crucifère.



La composition générale est d'une grande simplicité : le vaste demi-cercle du tympan comprend trois registres superposés que séparent des bandeaux réservés aux inscriptions gravées. Le maître-tailleur de pierre a sculpté 124 personnages de calcaire jaune installés sur trois niveaux.
Tout s'ordonne autour de la figure centrale du Christ vers lequel le regard se trouve irrésistiblement attiré. À sa droite, les demeures paradisiaques, à sa gauche, l'image inversée du paradis en tant que lieu de confusion et non pas de sérénité, lieu de supplices et non pas jardin de délices.



Le Christ figure pivotale de l'ordonnancement de cette magnifique composition scénique.



La logique générale de la composition repose sur les petites banderoles que deux anges déroulent de part et d'autre de la tête du Seigneur : « Alors il dira à ceux qui seront à sa droite : venez les bénis de mon Père, possédez le royaume préparé pour vous. Ensuite il dira à ceux qui seront à sa gauche : éloignez-vous de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable... Et ils s'en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes à la vie éternelle. »
Le Christ trône dans une gloire en amande parsemée d'étoiles, parmi les nuées représentées par cinq rangées de petits festons.
Par ses deux gestes contrastés : de sa main droite levée il bénit et accueille les élus et de son bras gauche baissé pour désigner le chemin de l’enfer aux réprouvés.

Le Christ paraît « entouré de tous ses anges ». À sa gauche, l'ange thuriféraire balance un encensoir finement ouvragé, un autre présente le Livre de Vie, grand ouvert sur lequel on peut lire : SIGNATUR LIBER VITE « Le livre de vie est scellé ».
De plus on observe la présence de deux anges-chevaliers, armés soit d'une lance à gonfanon, soit d'une épée et d'un bouclier portant l'inscription EXIBUNT ANGELI ET SEPARA[BUNT MALOS DE MEDIO IUSTORUM], « les anges sortiront pour séparer les méchants du milieu des justes » et ont reçu pour mission de contenir la foule grouillante des démons et des réprouvés aux frontières de l'enfer.
Aux pieds du Christ, émergeant d'un nuage, deux créatures célestes portent des flambeaux puisqu'il est dit, au jour du Jugement dernier : « La lune s'obscurcira, le soleil ne brillera plus ».

Sous la figure du Christ le triangle central comporte une scène de la pesée des âmes.


De chaque côté de la balance abîmée e font face l'archange saint Michel auréolé et un démon à l'expression rusée.

Saint Michel pèse les âmes face à un démon qui triche en appuyant le doigt sur un plateau de la balance. En dépit de la tricherie démoniaque la pesée se fait en faveur des bonnes actions.


A gauche de la pesée des âmes des personnages se dressent aidés par des anges soulevant le couvercle du sarcophage : évocation de la résurrection des morts.

Le registre supérieur correspond au Ciel symbolisé par la présence des anges ; c'est l'au-delà céleste après le jugement.


Au-dessus de la traverse de la croix sont représentés deux astres personnifiés : le soleil et la lune.
Des anges soutiennent la croix ayant à la main les instruments de la Passion : clou et fer de lance.…

… pendant que dans les écoinçons d'autres anges, à l'instar de celui-ci, sonnent de la trompette pour annoncer le jugement dernier.



Le registre inférieur comporte une sculpture séparant à l'aide d'une cloison deux univers : à gauche, le Paradis, à droite, l'Enfer. Un ange accueille les Justes au Ciel. Une âme qui vient d'être sauvée se détache de la cloison. La porte du Paradis, arrondie et bien ornée, s'ouvre pour les justes tandis que celle de l'Enfer, carrée et sobre, se ferme devant les réprouvés. Dans l’encadrement de la porte de l’enfer un Léviathan apparaît prêt à dévorer tous les damnés qu’un être diabolique armé d'un pilon dirige vers sa gueule béante. Complétant les images fortes de type contre-modèle du tympan le propos moralisateur est sans ambiguïté :

" Ô pêcheurs, si vous ne changez pas vos mœurs, apprenez qu'un jugement redoutable vous attend ".

L'ordre paradisiaque


Un ange guide vers la Jérusalem céleste les élus L'entrée du paradis est symbolisée par la porte de la Jérusalem céleste arrondie et aux belles pentures. Des anges accueillent les élus vêtus..
Deux registres sont à considérer :
♦️Eglise en marche vers le Salut et procession de personnages vers la droite du Christ : niveau médian du tympan.


La Vierge et saint Pierre accompagnent quelques personnages importants non nimbés vers le juge suprême.
Dadon, le fondateur, le premier ermite les suit. Vient ensuite un moine précédé d'un abbé tenant sa crosse. L'abbé prend la main d'un roi que suit une femme. Le roi a une attitude craintive : Charlemagne et sa sœur Berthe que des liens incestueux unissaient. ont beaucoup à se faire pardonner. Ils sont suivis de personnages portant des présents, rappelant la générosité royale envers l'église. Le maître tailleur de Conques a osé faire ainsi figurer des personnages marquants de l'histoire de l'abbaye.


La Vierge avance les mains jointes vers le Seigneur. en compagnie de saint Pierre tenant les clés du paradis.


peut-être Oldoric l'abbé de Conques ( 1030-1065 ) tenant une grande crosse qui décida de la reconstruction de l'église. Charlemagne tient en main un sceptre fleurdelisé
Au-dessus du cortège des anges présentent des phylactères où sont inscrits les noms de quatre vertus ; Foi, Charité, Constance, Humilité.


Autres personnages nimbés en postures différentes.


♦️ Le peuple des élus dans la Jérusalem céleste
Au centre de la Jérusalem céleste avec ses tours crénelées, ses colonnes et ses arcades, siège Abraham tenant dans ses bras deux enfants. Il est encadré de personnages groupés par paire sous chaque arcade : les vierges sages et leurs lampes, les martyrs et leurs palmes, les prophètes et le rouleau de parchemin, enfin les apôtres et le livre.
L'alignement monotone de ces élus traduit l'ordre et la sérénité qui règnent dans le paradis.


Le paradis est représenté par la Jérusalem céleste sous forme d'arcades sous lesquelles prennent place les élus.

Dans la Jérusalem céleste règnent l'ordre et la sérénité paradisiaques.


Au centre, siège Abraham tenant dans ses bras deux enfants.
Des personnages groupés par paire sous chaque arcade : à gauche d'Abraham, les prophètes un rouleau de parchemin à la main .


À sa gauche, des prophètes portent des rouleaux de parchemins à la main et les apôtres.



A droite d'Abraham, les martyrs et leurs palmes, les vierges sages avec leurs lampes, les saintes femmes tenant lampe et livre ouvert.


Au niveau supérieur dans le triangle gauche, sainte Foy à genoux prie dans son église devant la main de Dieu ouverte.


Derrière la jeune martyre, son église évoquée par l'autel, le trône de la sainte ; sous les arcades, pendent les fers suspendus déposés en témoignage de leur ancienne captivité par les prisonniers repentis.


Les images inversées du paradis
A gauche du Christ, tout a été mis en œuvre dans des figures sculptées en négatif du paradis pour inspirer la crainte ainsi qu'en témoigne l'inscription gravée :

O PECCATORES TRANSMUTETIS NISI MORES
JUDICIUM DURUM VOBIS SCITOTE FUTURUM
« Pécheurs, si vous ne réformez pas vos lois, sachez que vous subirez un jugement terrible ».


On a vu plus haut que dans un groupe sculpté précédent une cloison séparait paradis et enfer ; cette fois à droite du mur c'est l'antichambre de l'enfer qui est représentée. Comparée à celle du Paradis la porte de l'enfer est moins ouvragée, anguleuse et dotée d'énormes pentures. Un démon hirsute, armé d'une massue, est chargé d'enfourner les damnés nus dans la gueule monstrueuse de l'enfer. Les pieds d'un précédent damné apparaissent encore dans la gueule du Léviathan.

♦️ Péchés capitaux et représentation des supplices de l'enfer ( registre médian )
Les supplices en relation avec les vices fondamentaux sont figurés sur plusieurs registres.Ces images de fin des temps sont réalisées en référence à des comportements de la vie courante. Ainsi les corps tourmentés des réprouvés sont représentés d’après les mauvais exemples qui s’écartent du droit chemin.


Dans les lieux infernaux présidés par Satan les péchés capitaux sont punis. De part et d'autre des démons font subir aux pécheurs les supplices correspondant à leurs vices.
Ici le maître de l'enfer, un serpent entre les jambes, repose ses pieds sur un personnage allongé : image traditionnellement interprétée comme étant une évocation de la paresse ?
Dans une autre logique interprétative proposée par Michel Séguret, on aurait plutôt affaire à "l'homme restauré qui, dans les Tartares (voir à la fin de la page ) subirait un processus de purification qui lui permettrait à terme de recouvrer la pureté pré-adamique qui lui permettrait de contempler la présence divine".


Le batracien léchant le personnage allongé sous les pieds de Satan.

* Le péché d'orgueil


Un chevalier vêtu de sa cotte de mailles est désarçonné de sa monture par deux démons : le superbe renversé peut-être vu comme une évocation du châtiment d'orgueil.

* Le péché de luxure



Evocation de la luxure ou de la femme adultère liée par le cou avec son amant.

* Le péché d'avarice



L'usurier pendu avec sa bourse autour du cou ; un démon tire la corde qui le retient à une potence.

* Le péché de gourmandise


Un réprouvé a la corde autour du cou. Un démon plonge un damné au ventre rebondi dans un chaudron d'eau bouillante ; on peut voit généralement dans cette représentation la punition d'un être ayant péché par gourmandise ( ? ).

* La calomnie, la médisance


Un démon arrache la langue d'un personnage assis dans le feu ; il a péché par la parole.

♦️Les saynètes du triangle central et du triangle de l'extrémité droite


Deux tableaux :
* Un diable dévore le cerveau d'un réprouvé qui se plante un coutelas dans la gorge : évocation de la colère ?
* Un démon bossu s'est emparé de l'instrument de musique d'un damné auquel il arrache la langue avec un crochet. Dans cette composition on peut voir le supplice du baladin.
Pour bien saisir il faut rappeler qu'à l’époque médiévale, les divertissements sont condamnés par l'Église institutionnalisée qui souhaite imposer une rigueur morale aux laïques. L’Eglise, gardienne de l’ordre et de la décence, reprochait aux jongleurs, troubadours, bateleurs bref à ces amuseurs « de troubler les âmes par des spectacles dissolvants, d’exciter à la luxure, de fournir eux-mêmes les pires exemples, bref d’être les suppôts du diable ».


Triangle droit. Au-dessus des flammes, un homme est rôti à la broche par deux démons, dont l'un à tête de lièvre. Faut-il l'interpréter comme simplement le supplice du braconnier comme cela est fait couramment ? Ou privilégier une interprétation seconde penser que dans l'enfer, ce monde à l'envers, le chasseur est devenu la proie de son gibier ? Ou…

♦️Au niveau médian : des pratiques sociétales blâmées
* Stigmatisation de comportements ignominieux de grands de ce monde

Des démons armés d'un pic, d'une masse d'armes, d'une arbalète, d'un glaive caricaturent des hommes d'armes : une dénonciation des horreurs de la guerre que les autorités ecclésiastiques de l'époque essayaient de contenir autant que possible en définissant des lois de la guerre.
A gauche, un être infernal vêtu saisit avec ses dents la couronne d'un personnage royal nu.
A côté un prélat occis par un fer de lance ressortant par la nuque a sa tiare enlevée par un autre diable.
Des personnages historiques peuvent ici avoir servi de références…Jugement et condamnation n'épargnent aucun homme quelle qu'ait été son pouvoir sur le monde d'en bas.
* Autour du thème des affaires et de l'argent


Un drapier assis sur une grande pièce de tissu qu'un démon déploie autour de son corps et dont il semble à la fin se délecter…En même temps un autre être démoniaque aux longues tresses semble tenter le dit marchand.


Ordinairement cette figure d'un homme pendu par les pieds est vue comme un ivrogne rejetant toute sa boisson dans une sorte de plat. Une autre interprétation, plus proche peut-être de ce qu'a voulu le tailleur de pierre, est de considérer que le personnage est attiré par la bourse placée sur le récipient près de ses lèvres closes fermées.


Un faux-monnayeur avec son matériel de travail : poinçon, coin monétaire et les récipients dans lesquels sont fondus les métaux précieux. Un démon essaie de lui faire ingurgiter l'or ou l'argent en fusion.
* Pensée dominante et condamnation de ses déviations


A droite, dans une société largement dominée par les institutions ecclésiastiques, la figure d'un damné tenant un livre à la main et jeté à terre par un démon pourrait faire allusion à la condamnation des hérésies.
* Bien qu' hommes d'Eglise certains ont failli …


Les mauvais moines et ecclésiastiques ne sont pas épargnés dans la population des réprouvés : allusion à un évêque et ses neveux qui avaient pillé le trésor de l'abbatiale.
Un prélat ayant fait le commerce des sacrements ( simonie ), reconnaissable à sa crosse étendue près de lui, est humilié en devant rendre hommage à un affreux être démoniaque ailé.

A propos de l'iconographie de l'image romane


* * Retour sur l'image inversée du paradis de Conques
Au registre inférieur chacun est puni par où il a péché ; les représentations imaginées des supplices infernaux correspondent aux vices fondamentaux ( les péchés capitaux ).
Au registre médian
la stigmatisation de certains comportements fait penser plutôt à des dénonciations de pratiques générales en se fondant sur des comportements de personnages contemporains ( monde de l'argent et des affaires, dévoiement hérétique, comportements de certains prélats, rois ou empereurs ).
Un observateur comme Michel Séguret remarque, devant notamment l'absence des feux infernaux dans ces dernières sculptures, que " nous sommes chez les vivants, c'est-à-dire nos contemporains, au
temps présent " plus qu'au jugement dernier ; ne faudrait-il pas voir aussi dans ces modalités différentes de figurations de premières considérations du purgatoire ?
On ne peut que conseiller de se référer à la riche et stimulante étude de cet auteur sur son interprétation originale du tympan de Conques. Michel Séguret propose de substituer le terme de
Tartare pour évoquer " le royaume des morts, le séjour provisoire des défunts dans l'attente du jugement dernier et de la résurrection des corps. Leur sort est variable : soit ils subiront leur pénitence jusqu'à ce que, purifiés et restaurés, ils puissent enfin avoir accès aux Demeures, (paradisiaques), soit ils subiront le châtiment éternel. Quoi qu'il en soit, la première solution est très proche du concept dePurgatoire qui n'est pas encore, à l'époque de l'édification du tympan, vraiment un lieu, mais plutôt un état de purgation, de pénitence des pécheurs destinés à être sauvés à terme mais soumis en attendant aux épreuves purificatrices. "
Comme souvent les images de pierre romanes feront encore longtemps l'objet de questionnements et de débats.
Compte tenu qu'on ne sait pas, la plupart du temps, ce qu'ont voulu exprimer exactement les imagiers romans il est difficile de donner une signification univoque à des figures médiévales qui resteront par définition ambivalentes, polysémiques.

* * Corps glorieux versus corps tourmentés
En utilisant des images de la quotidienneté vécue et de l’existence terrestre les pierres sculptées expriment la vision que l’Eglise a de l’ici-bas et du monde d’en haut. La présentation sculptée des choses de la terre, des styles de vie qu’il faut adopter pour être un bon croyant, de la lumière céleste qui est réservée aux justes et des peines qu’encourent ceux qui s’écartent du droit chemin sont les thèmes majeurs qui sont abordés sur les tympans et les chapiteaux romans. Aux tourments de l'Enfer associés à une mauvaise conduite terrestre s' opposent toujours les modèles du bon fidèle admis au Paradis. Guillaume Durand de Mende, évêque du XIIIe siècle, écrivait : «  Parfois, on peint le paradis dans l'église, afin que sa vue invite à l'amour et à la recherche des récompenses célestes ; parfois, aussi, on y représente l'enfer, afin de détourner les hommes des vices par la terreur des supplices ".
Les images romanes présentées ont montré que l’iconographie du "Jugement dernier "a plus retenu l’intérêt des commanditaires et des artistes par ses figurations des souffrances post-mortem que par ses représentations paradisiaques. Autant les visions infernales des scènes diaboliques offrant aux fidèles une évocation potentielle terrifiante, et qui se voulaient par là-même édifiantes de leur avenir, génèrent un profond émoi, autant les perspectives paradisiaques plus sereines des processions d’élus jouissant de la vision béatifique n’ont pas le côté spectaculaire des premières. Mais les représentations du Jugement universel à la fin des temps que nous ont léguées les artistes médiévaux sont plus impressionnantes que bibliques ; il suffit de rappeler que les tortures physiques imaginées et sculptées par les artistes des supplices infernaux avec un luxe inouï de détails horribles sont plus nombreuses et raffinées que les représentations des élus jouissant de la présence de Dieu par leur accès aux joies éternelles. Ces évocations nous renseignent généralement davantage sur l'imaginaire religieux de la chrétienté médiévale que sur les révélations des Saintes Ecritures.
Simplement, la liberté humaine reste toujours en jeu : tout homme est libre d'accepter ou de refuser le bonheur que lui propose le Christ : "Voici ce qui risque de vous arriver si vous ne vous convertissez pas". L'enfer reste ainsi une tragique possibilité, liée au refus de Dieu par la liberté humaine. D'où les appels pressants du Christ à la conversion. Jésus nous adjure de prendre notre vie au sérieux sans plus tarder, de la fonder sur l'amour dont il est le témoin et le chemin. Ce que l'on appelle traditionnellement le «Jugement dernier» n'est donc pas à comprendre comme un procès, mais plutôt comme le constat de ce que l'homme a fait de sa liberté. Chez Matthieu, ce qui compte, ce n'est pas la rectitude de la doctrine, mais la charité vécue en actes, car tout ce que vous aurez fait aux petits, "c'est à moi que vous l'avez fait." Ainsi est balisé le chemin vers la vie éternelle, qui consiste simplement à "voir Dieu" (Matthieu 5,8). L'Eglise médiévale a utilisé le Jugement dernier pour susciter l'effroi de la condamnation éternelle alors qu'il s'agit avant tout à l'époque contemporaine, dans une perspective chrétienne, de proposer la vie en mettant l'accent plus sur la responsabilité que sur la culpabilité.

** Corps nus versus corps vêtus
Par ailleurs, sachant que le corps, vecteur de la faute originelle et des vices est aussi le corps des vertus et du salut, les corps des justes et des réprouvés doivent-ils être représentés nus ou habillés ? Telle était la question que se posaient les théologiens médiévaux. Le grand questionnement de l'évêque Honorius d' Autun au XIIIe siècle en est un bon témoignage : " les saints seront-ils habillés ou nus ? " La solution la plus purement théologique est celle de la nudité puisque, après le Jugement dernier le péché originel sera effacé pour les élus. Cette thèse est fortement soutenue par saint Augustin au motif de l'innocence retrouvée et de la totale absence de honte. Le vêtement étant un effet de la Chute, comme on l'a vu plus haut, il n'est pas utile de le montrer. Pour d'autres, en revanche, la nudité est moins affaire de théologie que de pudeur et de sensibilité.
Les deux positions méthodologiques sont soutenues et soutenables.
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