L'ERMITAGE DE SAN PANTALEÓN DE LOSA
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Le site


L'ermitage de San Pantaleón de Losa est surprenant à tout point de vue: le site, la structure de l'édifice, le décor sculpté, l'histoire et les légendes.

Bien qu'on puisse accéder en voiture à un parking pas trop éloigné de l'église, nous recommandons à ceux qui le peuvent de gravir à pied le chemin. On longe ainsi l'éperon rocheux surplombant la vallée, sur la pente duquel est construit l'ermitage.

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L'éperon rocheux, sur lequel se trouve l'ermitage, est lui-même bien au-dessus du village.

Il ne reste plus qu'une centaine de mètres à franchir sur une pente caillouteuse pour atteindre l'ermitage qui se découpe sur le ciel. Avant de l'aborder et d'y pénétrer, on peut le dépasser pour aller admirer le panorama depuis le bord de la falaise. L'à-pic est vertigineux et la vue sur la large vallée du Rio Jerea est saisissante.

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Vue de la vallée depuis l'ermitage.

Quittant le promontoire, et revenant vers l'église, on en comprend mieux la structure: la partie romane a été augmentée d'une aile gothique sur son côté Nord. La configuration du terrain, rocheux et en très forte déclivité sur l'axe Est-Ouest, ne permettait pas un agrandissement classique de la nef, rendu pourtant nécessaire par les pèlerinages, la partie romane comportant déjà plusieurs niveaux. Un clocher-peigne à deux arcatures s'appuie sur les forts piliers qui soutiennent l'arc triomphal séparant la nef du choeur.

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Vues de l'ermitage en élévation.

Quelques données historiques

Au cours de fouilles effectuées dans la partie gothique, on a retrouvé quelques soubassements d'époque romaine tardive (IIIe et IVe siècle ap. J.C.) En contrebas de l'ermitage, les assises d'un édifice du XIIe siècle ont été mises à jour. Il semble bien qu'aucune église n'a précédé San Pantaleón sur son emplacement même.

A l'intérieur, une inscription gravée dans la nef donne la date de sa consécration par l'évêque de Burgos: 1207. Nous sommes donc en présence d'un édifice roman tardif de la fin du XIIe siècle ou du tout début du XIIIe siècle, ce que confirme l'examen de l'architecture. Toutefois, certains éléments sculptés sont probablement des remplois provenant de l'église du XIIe siècle située en contrebas.

Au XVIe siècle, dans un style gothique tardif, l'église fut augmentée, au nord, d'une nef perpendiculaire à la nef romane. Le mur Est de cet ajout fut reconstruit au XVIIe siècle. Le cimetière date du XIXe siècle.

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Plan complet de l'église et évolution historique du monument.

Saint Pantaléon

Pantaléon serait un médecin de Nicomèdie (Asie Mineure) au service de l'empereur Maximien-Galère. Sa mère, chrétienne, étant morte très tôt, il n'était pas croyant jusqu'à ce qu'il fût converti par le prêtre Hermolaüs. On lui attribue de nombreux miracles, notamment d'avoir ramené à la vie un enfant mordu par une vipère, et d'avoir guéri un aveugle.

Ayant découvert que Pantaléon était chrétien, l'empereur le soumit à de multiples supplices. On lui déchira la peau avec des crocs de fer, on le brûla avec des torches. On le jeta dans une cuve de plomb fondu, mais le plomb devint froid. On le jeta à la mer qui le rendit. On l'exposa à des bêtes féroces qui s'humilièrent à ses pieds. On le précipita, attaché à une roue munie de pointes d'acier, du haut d'une montagne et Dieu le détacha. Enfin, l'emprereur le fit fouetter et ordonna qu'on lui tranchât la tête, mais l'épée devint molle. Alors encourageant le bourreau, Pantaléon lui demanda de faire son office et il fut décapité vers 303.

Les médecins en ont fait leur patron secondaire, après saint Luc.


La fantaisie en quête d'une légende

Utilisant des analogies toponymiques et des fragments de légendes, quelques esprits avides d'un merveilleux dont les traditions anciennes ne les nourrissaient pas suffisamment à leur goût, ont tenté de relier l'ermitage de San Pantaleón à la quête du Saint Graal, Santo Grial en espagnol. Pour cela on effectue un rapprochement avec le nom d'un village des environs, Criales. Au Nord s'élève la Sierra Salvada dont on fait une déformation du Montsalvat, le château du Graal, ce Munsalvache dont parle Wolfram von Eschenbach au début du XIIIe siècle.

Parsifal serait Alfonso el Casto, Alfonso II d'Asturies (760-842) qui lutta contre les Maures et dont la tradition nous dit que c'est sous son règne que fut découvert le tombeau de saint Jacques à Compostelle. Par ailleurs, on prétendait que l'ermitage avait conservé un flacon contenant le sang de Pantaleon.

Il ne restait plus qu'à trouver un auteur. Ce serait un pèlerin du XIIe siècle, venant du Nord (peut-être d'Angleterre) par la Gascogne. Il aurait atteint la Castille en passant par la vallée de Losa avant de prendre la route de Sahagun et León. On lui aurait parlé du calice contenant le sang de Pantaleon. Son imagination, étayée par les légendes racontées par les pèlerins et par le caractère grandiose du site, l'aurait amené à construire un récit dans lequel le sang du Christ se substitue à celui de Pantaléon.

Certains ont ajouté foi à cette histoire qui situe la Quête du Graal en Espagne. Il faut pourtant reconnaître qu'elle ne se trouve dans aucune tradition populaire ancienne, et moins encore dans les textes médiévaux.

L'église romane

Une première singularité consiste en ce qu'elle ne se trouve pas près d'un monastère, comme c'est souvent le cas des ermitages espagnols.

Bien protégée par ses murs très épais (environ 1,70m), elle est assez petite: 11,80m de longueur intérieure, abside comprise, - et 5,50 à 6m de largeur selon l'endroit de la mesure. Cependant, les larges ouvertures sur la nef latérale gothique, ainsi que la hauteur de la coupole (9,80m), donnent le sentiment que nous nous trouvons dans un édifice plus vaste qu'il n'est en réalité.

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Le plan ci-dessus est extrait du volume I de la Castille romane (éditions Zodiaque, La Pierre-Qui-Vire)

Deux fenêtres au Sud et une au fond de l'abside, étroites comme des archères, ne donnent qu'une faible clarté. Sans doute ne pouvait-on prendre le risque d'offrir un trop large passage aux vents qui balaient le promontoire sans rencontrer d'obstacles. Les fenêtres sont très profondément ébrasées intérieurement et extérieurement.

La pente du terrain a nécessité la construction de plusieurs niveaux séparés par des marches. Malgré cela, une partie notable de l'église est enterrée, et, à l'extérieur du chevet, le niveau du sol est proche de la tablette chanfreinée qui court sous la base des arcatures aveugles et de la fenêtre axiale.

Les sculptures

Impressionné par le site, étonné par le plan et l'architecture, l'amateur d'art roman est plus encore intrigué par les sculptures.

En arrivant sur le terre-plein, son regard est immédiatement attiré par le portail. A gauche, un personnage debout soutient un piédestal sur lequel se dresse un animal extrêmement mutilé. Notons que l'atlante ne soutient pas du tout l'arc extérieur de l'archivolte, comme on a pu le lire dans certains ouvrages.

Cet atlante est vêtu d'une courte tunique. Une ceinture retient une pièce de tissu qui lui couvre les reins. Il tient une sorte de besace jetée sur son épaule gauche. Une barbe fournie (dont la partie basse est brisée) couvre son visage; ses cheveux longs et bouclés retombent sur son épaule gauche. Il porte sur l'arrière de la tête un bonnet assez haut. Les épaules légèrement voûtées, il donne le sentiment d'être accablé de fatigue ou par quelque malheur.

Il faut avouer qu'on ne sait pas ce que représente cette sculpture quasiment en ronde-bosse. Les hypothèses vont des plus banales aux plus farfelues, et il en va de même pour le zig-zag qui court le long de la première colonne sur la partie droite du portail. Il est très probable que l'atlante a eu son pendant à droite: il en reste un fragment ininterprétable. Ces éléments ne sont pas les seuls à garder leur entier mystère dans cet ermitage.