Saint-Hilaire-la-Croix, l'éloge d'un discret bijou.
La commune conserve les restes d'un ancien prieuré - dont la fondation remonte à 1128 - avec une église de la fin du XIIe siècle.
L'appellation initiale de Lac-Rouge, puis de Lac-Roy, Lacroy, finira par déformations successives par donner la Croy, jusqu'à
finalement, la dénomination actuelle : Saint-Hilaire-la-Croix.
L'église est intéressante car elle possède, malgré certains éléments gothiques, une structure d'ensemble romane
mais marquée par des influences Bourbonnaises et du Centre-Ouest de la France.





Le prieuré ( XVe -XVIIe s ) construit sur les fondations de bâtiments plus anciens et l'église ( XIIe s ) s'élèvent
dans un site champêtre et serein non loin d'un étang où coassent au printemps une multitude de grenouilles.








Du début du XIIe siècle l'église a conservé les murs latéraux de la nef, quelques éléments du transept et le pignon ouest.
L'intérieur de la nef, les absidioles et le chevet ont été repris à la fin du XIIe.
Un clocher octogonal ( dont le niveau supérieur est ajouré de quatre baies en plein cintre )
s'élève au-dessus de la nef à quatre travées.






Le bas-côté sud ouvre sur une porte avec tympan qui donnait accès à la cour du prieuré.





Au tympan de la porte sud, évocation du repas chez Simon le pharisien.
Jésus nimbé est attablé avec deux disciples à sa gauche et avec Simon à sa droite.
Marie - Madeleine allongée au pied de la table, et tenant les pieds de Jésus dans ses mains, est montrée du doigt par Jésus et Simon.
Un masque glouton, à droite, et une fleur ( dont l'arôme pourrait rappeler le parfum versé sur les pieds de Jésus ), à gauche,
complètent la composition, par ailleurs assez naïve, comme en témoigne l'absence de perspective de la table.





Très beau portail nord ( fin du XIIe siècle ) témoignant d' influences architecturales non auvergnates :
un tympan polylobé comportant des fleurs, six colonnes, deux piliers engagés et
deux piliers cannelés supportant tous des chapiteaux sculptés.









Deux basilics
sortent de la bouche de deux masques humains.
En d'autres termes, certaines paroles des hommes - telles de fausses accusations
portant atteinte à l'honneur - peuvent avoir des effets funestes ; il en est ainsi de la calomnie.



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Un autre intérêt de ce portail réside dans ses deux colonnes engoulées (est et ouest ).
Quelle est la signification de ce type de " mange-pilier " ? Peut-être faut-il voir chez l'artiste, auteur de ces engoulants,
le désir de rappeler le danger à mettre en cause la fonction accomplie par chaque membre de l'Eglise
en tant que colonne du temple?
Chaque fidèle a son rôle à jouer en tant que pilier de l'institution ecclésiale ; cependant, il peut cacher en lui un monstre
dangereux pour lui-même autant que pour les autres.
( Anne et Robert Blanc, 2004, p. 27-28 ).





Vue d' ensemble des chapiteaux portés par les colonnes de la partie ouest du portail.





Détail : Les hommes sauront-ils résister aux séductions du monde incarnées
par ces belles sirènes ailées ?





Détail : Chapiteau du pilier cannelé ouest.
Au-delà de leur seule composition décorative, doit-on voir, dans ces rameaux végétaux
vomis par des dragons, les paroles des hommes ? Si on peut voir dans ces dragons
une représentation du mal on pourrait être en face d'une nouvelle évocation de la séduction.





Le portail possède un tympan polylobé.




Les écoinçons des lobes sont sculptés : ici, un rapace.



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Deux autres écoinçons animaliers.






Gros plan sur un autre bel élément du bestiaire sculpté.



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Deux des six personnages non nimbés de l'archivolte du portail.






A la clé de l'archivolte figure un mystérieux être ricanant saisissant des rinceaux ; serait-ce une représentation
démoniaque après l'évocation de six personnages qui pourraient être en cheminement vers la Jérusalem céleste ?







Deux bas-côtés épaulent le vaisseau central en berceau brisé, deux petites absidioles ouvrent
sur les croisillons du transept, une travée droite précède l'abside. Choeur roman, mais
la croisée du transept, voûtée d'ogives, témoigne d'apports gothiques ( de même que les
chapiteaux à feuilles d'eau et crochets de la nef ).





Parmi les chapiteaux romans, le plus connu de l'église est celui de la scène de baladins
fréquemment rencontrée dans la sculpture romane :
une danseuse, les pieds sur le tailloir et le buste à la renverse, est accompagnée par un joueur de viole.
En fait, il y a un autre personnage dont on perçoit la tête plus à droite.




Mais il y a de nombreux autres chapiteaux romans qui, au-delà de leur faible relief et
de leur allure archaïque, n'en sont pas moins fort intéressants.



Que signifie cet édifice dont les parties supérieures sont proches du ciel,
mais dont les parties inférieures ne reposent pas sur terre, sinon une évocation de
la nouvelle Jérusalem d'en Haut.






Deux quadrupèdes debout prennent un personnage à la gorge et lui lèchent les oreilles.
Fruit de l'imagination de l'imagier ou évocation symbolique ?
Si la gorge représente la parole de l'homme qui se diffuse, sous-entendue la parole divine,
le comportement des bêtes tend non seulement à l'en empêcher mais, entend, en outre,
à lui suggérer leur propre discours, sous-entendu le discours social dominant, celui de la facilité, à n'en pas douter !





Cul-de-lampe à quatre têtes.
Deux petits masques humains encadrent la colonne engagée sur laquelle sont représentés
deux autres personnages d'une taille plus proche de la normale.
Simple effet ornemental ou évocation symbolique de la parabole du semeur ?
A gauche, le petit masque tire la langue. Il a sa propre vérité et n'a que faire de la parole divine.
A droite, le masque reste de faible dimension car la parole divine reçue s'est vite étiolée n'ayant pas été cultivée.
Au niveau inférieur, la tête est somme toute normale, les soucis du monde ont empêché la parole divine de fructifier.
Au niveau supérieur c'est un personnage complet qui est représenté dans une position arc-boutée " d'atlante " .
Il soutient la parole divine et l'église comme il " soutient " la colonne engagée.
C'est dire que la parole n'est pas tombée dans une terre ingrate et qu'elle produit du fruit.








Evocation classique du thème de l'équilibre par ces deux aigles buvant dans une coupe,
chacun des deux tenant compte de la présence de l'autre. Toutefois un motif qui se répète
au-dessus des deux oiseaux a été ajouté par le sculpteur à l'image traditionnelle : deux personnages
introduisent un " petit objet " dans le calice qui pourrait symboliser une part d'eux-mêmes, la meilleure ?





Sur le cul-de-lampe situé au-dessous du chapiteau précédent, un homme semble souffrir,
entouré par deux personnages qui l'agrippent fermement.
L'homme est dévoré par les passions qui l'assaillent : sollicitations de la chair incarnées par un centaure
au visage féminin, passions brutales traduites par l'autre centaure vêtu d'un haubert.
De part et d'autre de la composition centrale figurent une tête et une fleur.
A droite, en bas, le masque humain déformé par la douleur pourrait évoquer le purgatoire.
A gauche, la fleur solaire symbolise traditionnellement la marche en avant vers la Lumière.
L'homme, par ses actes, choisit...
Si cette interprétation paraît trop subtile, il suffit de voir ici l'image populaire d'un patient venant de prendre
une potion purgative aux multiples effets.







Des têtes, des fleurs et des tiges végétales, en bref, on peut voir une simple composition décorative ou
plutôt , à suivre Jean Passat, tout un programme iconographique sur un chapiteau !
A gauche, deux rameaux divergent du buste d'Abraham : c'est une évocation de sa double descendance,
suite à la promesse de Dieu qu'il serait à la tête d'un grand peuple.
A droite, deux rameaux bifurquent également du visage de Sara, sa femme, dont il n'avait pas eu d'enfant jusqu'à un âge avancé.
Un premier rameau correspond à la naissance d'Isaac, son propre fils.
Le second se rapporte à Ismaël, fils d'Agar la servante égyptienne de Sara.





Les serpents : une représentation assez peu courante.
La présence de pommes de pin - signifiant classiquement l'immortalité - aux angles de la corbeille
invite-t-elle à dépasser la simple expression artistique populaire pour tendre vers une interprétation plus symbolique ?





Chapiteau central de l'autel extérieur édifié sur la place à l'est de l'église.

Des rameaux végétaux sortent de masques humains, se ramifient,
les uns passant dans un ruban avant de s'épanouir comme les autres en feuillages.
On a pu voir dans ces masques feuillus un témoignage de la Résurrection du Christ par ses disciples :
saint Jean, à gauche, avec la chevelure bien coiffée, saint Pierre à droite avec les cheveux en bataille.
Si cette exégèse vous paraît trop subtile, ne voyez ici que de beaux masques feuillus.


Pour aller plus loin
Jean Passat
- Saint-Hilaire-la-Croix, Les Amis du Prieuré, Mairie, 63440, Mai 1995.

Jean Passat
- Symbolisme biblique des chapiteaux, Les Amis du Prieuré, Mairie, 63440, Juin 1995.