Images de couples exhibitionnistes

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Eglise de Bussière-Poitevine, Haute-Vienne

En plus des figurations solitaires d'hommes et de femmes exhibitionnistes il faut évoquer les différentes variétés de relations en couple. Celles-ci montrent de façon frontale des personnages séparés mais offrant explicitement au regard leurs attributs sexuels ou présentent de profil des corps entremêlés copulant dans de nombreuses positions. Devant ces images de pierre la même question se pose : quelles sont leurs raisons d'être sachant qu'avec la réforme grégorienne ( XIe siècle ), l'Eglise institutionnalisée essaie de restreindre les rapports sexuels au seul cadre du mariage. Les autorités ecclésiastiques ne se limitent d'ailleurs pas à exclure les relations sexuelles hors mariage ; elles tentent de mettre en place, au sein même de cette union, un contrôle des rapports sexuels. Ainsi, l'Eglise exerce une véritable régulation sexuelle matrimoniale, prescrivant l'abstinence lors des principaux temps de la liturgie : les trois périodes de Carême ( Quarante jours avant Pâques, Noël, Pentecôte ), des grandes fêtes chrétiennes et des périodes de jeûne.
Des temps de continence sont également prescrits aux époux : lorsque la femme a ses règles ou est enceinte ; après la naissance, il convient d'attendre les " relevailles ", soit une période de quarante jours après l'accouchement.
Au final, on a pu calculer que les autorités religieuses permettaient de l'ordre de cent-quatre-vingt-cinq jours par an de liberté sexuelle.
Encore convient-il d'ajouter la réprobation de la passion et de la sensualité ; les positions elles-mêmes sont étroitement définies au sein de l'union légitime.

Ces images étaient-elles de pures manifestations de trivialité, le produit d'une culture populaire ou devaient-elles s'intégrer à titre de contre-modèles de vie au programme iconographique global conçu par les autorités commanditaires ? La mémoire des pierres romane révèle cette oscillation permanente entre le profane et le sacré autant que ce balancement du corps entre vénération et répression. Ce balancement du corps entre exaltation et refoulement se retrouve dans les livres d’images que les pierres romanes nous donnent encore à voir et à décrypter. Les rapports entre les corps et l’amour, à l’époque médiévale, ne peuvent être perçus avec les références prévalant en ce début du troisième millénaire. Si les femmes et les hommes ont tendance aujourd’hui à prendre en mains, pour le meilleur ou pour le pire, leur propre destin, au Moyen Age la religion jouait un rôle de bruit de fond généralisé. Le corps sexué de l’époque médiévale est amplement déprécié ; le désir charnel est considérablement refoulé. Par delà les survivances celtes, germaniques ou greco-romaines, le christianisme institutionnalisé, à défaut de pouvoir contrôler entièrement le jeu du corps, va s’employer, non sans difficultés, à réglementer les penchants aux plaisirs des sens.
Le concile de Latran, tenu en 1215, définit les conditions de validité du mariage chrétien en tant que remède à la concupiscence. La maîtrise du corps est expressément exigée, l’amour étant limité au strict cadre du mariage. Les autres comportements sexuels étant considérés comme « déviants ».
Il convient de différencier les types d'images que les pierres romanes nous livrent. Les couples exhibitionnistes peuvent être rangés sous plusieurs catégories :
- les images frontales des deux sexes - les couples enlacés - les scènes d'accouplement - les sexualités disqualifiées.


** Images frontales des deux sexes

En façade, sous les corniches, sur des chapiteaux on relève des hommes et des femmes ne dissimulant pas leurs attributs les plus personnels.

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Eglise de Mouthiers-sur-Boëme, Charente
Deux personnages sculptés exhibent leurs attributs intimes en pleine façade de l'église.

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Eglise de Mouthiers-sur-Boëme, Charente

Gros plan sur la femme et l'homme exposés frontalement dans le plus simple appareil.

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Eglise de Béceleuf, Deux-Sèvres

L'exhibition masculine a souvent à proximité immédiate une figure féminine qui lui fait pendant.

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Chapiteau extérieur, Notre-Dame-du Port, Clermont-Ferrand, Puy-de-Dôme.

Femme et homme nus, un genou à terre, bouches entr'ouvertes, saisissant à pleines mains des feuillages : peut-on y voir une façon de s'en tenir au seul monde matériel ?

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© Anthony Weir Eglise de Saint-Front-sur-Nizonne, Dordogne

Sur le pilier de gauche une femme est accroupie, offrant son intimité au regard ; sur le pilier de droite l'homme a une main dans la position de l'atlante tandis que de l'autre il montre son sexe. Tous deux sont représentés la bouche ouverte.
Dans la mesure où l'on pourrait considérer que les deux personnages sont entourés de serpents évoquant des supplices infernaux, ces figurations au porche d'un édifice sacré pourraient jouir du statut de contre-modèle : le sexe mène à des actes érotiques qui conduisent à privilégier la partie animale de l'être humain aux dépens de sa part spirituelle.

** Couples enlacés

Dans le contexte chrétien du Moyen Âge la conduite idéale reste la chasteté, l'union matrimoniale ayant pour objet de limiter au maximum la fornication. L'union réussie ne se mesure pas au plaisir des partenaires mais est avant tout procréatrice. Les rapports entre le corps et l'amour ne vont pas de soi au Moyen Âge. Les romans courtois célèbrent la femme et sa beauté, exaltent l'amour ; mais dans la réalité quotidienne c'est d'abord en tant qu'instrument de plaisir et génitrice qu'elle est perçue. Il faudra du temps pour que sentiment et respect mutuel l'emportent ; l'amour sentiment moderne n'était pas une base de la société médiévale. A moins d'entrer au couvent toute jeune fille doit convoler en juste noce. Le concubinage n'est pas absent des moeurs de l'époque mais les textes sont souvent peu prolixes sur la question ; c'est surtout par les mentions d'enfants bâtards que les relations extra-conjugales sont perçues. Que nous proposent quant à eux les imagiers romans ?

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Eglise Saint-Etienne, Vaux-sur-Mer, Charente-Maritime

Chapiteau intérieur : un couple s'embrassant.

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Eglise de Migron, Charente-Maritime
Deux partenaires très unis.
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Chapiteaux du portail de l'église de Lauterbach, Haut-Rhin.
Curieuse représentation de couples nus étroitement enlacés, leurs visages n'en formant plus qu'un.


** Scènes d’accouplement


Des comportements explicitement érotiques et voluptueux peuvent même être fréquemment représentés... Comment faut-il comprendre les sculptures des coïts, de couples forniquants ?
On dit souvent que les représentations obscènes sont toujours placées à l’extérieur de l’édifice dans les zones de passage moins fréquentées ; si cela est exact pour certains modillons ( à Champagnoles par exemple ), cela ne l’est pas pour d’autres.
Loin d'être toujours reléguées dans des espaces secondaires, certaines figurations sont situées en pleine façade et d'autres à l’intérieur de l’église ou de la cathédrale, c'est-à-dire dans des espaces consacrés même si la lumière est parfois très faible dans certaines localisations...


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Eglise Notre-Dame de Corme-Ecluse, Charente-Maritime
Corps à corps débridés.

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Eglise de Salignac-de-Mirambeau, Charente-Maritime

Les élans du coeur ne sont pas seuls représentés ; les ébats du corps le sont aussi à l'exemple de cette étreinte physique figurée sur ce modillon.

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Eglise Saint-Quentin, Chermignac, Charente-Maritime
Belle variante saintongeaise à l'intérieur de la partie basse romane de la chapelle attenante à la nef. La femme porte de longues tresses et l'homme est barbu.
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Eglise de Champagnolles, Charente-Maritime
Etreinte physique.
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Eglise de Marignac, Charente-Maritime
Union charnelle.
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Eglise Saint-Savinien, Melle, Deux-Sèvres

Extrait de la corniche à métopes et modillons de la façade : métope représentant une scène érotique.



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Chapiteau intérieur de l'église de Passirac, Charente-Maritime.


Un homme saisit le haut de la cuisse d’une femme qui elle-même empoigne l’énorme sexe de son compagnon.
Parallèlement, la femme a le dos frappé du pied par un animal à deux corps à la langue-serpent pendant que l’homme est lui-même harcelé par un autre animal.
Ces bêtes /démons encourageraient-ils les partenaires à se livrer à leurs rapports intimes ?
On serait alors en présence d'une scène didactique à but moralisateur : la valeur négative d'un acte sexuel serait une évocation du Mal.....

** Les sexualités " disqualifiées "

Après avoir brièvement présenté ci-dessus les grandes règles de la sexualité dans le cadre imposé du mariage, il n'est pas étonnant de rappeler la condamnation ecclésiale de l'adultère et la dénonciation des formes d'accouplement jugées contre-nature : commerce oral, sodomie et toutes figures érotiques en dehors de la position approuvée dite du missionnaire. En tarifant les pénitences à accomplir en fonction des fautes commises les manuels de confesseurs médiévaux donnent quelques informations sur les disqualifications sexuelles de l'époque.
Sur ces bases en quelque sorte codifiées de la sexualité, les imagiers romans représenteront parfois dans la pierre les dangers et les conséquences néfastes pour l'âme humaine quand les êtres humains succombent à la luxure, commettent l'adultère et se livrent à des " écarts " sexuels. Il n'en reste pas moins vrai que ces figurations resteront toujours difficiles à décrypter.
Les images " d'écarts sexuels" en tant que contre-modèles sont paradoxalement des images montrant des rapports discrédités ; et si une lecture au second degré n'était pas toujours effectuée ? Ces figures ont-elles alors toujours un statut de contre-modèle ou sont-elles seulement le fruit d'une grivoiserie populaire ?

Une scène de ménage à trois
Des chapiteaux en grès rouge du porche de l'église Saint-Michel et Saint-Gandolphe à Lautenbach dans le Haut-Rhin représentent une très évocatrice histoire d'adultère.
Gangolphe, chevalier bourguignon, fut chargé d’un commandement dans l’armée de Pépin le bref vers 745. Au retour de son expédition il découvrit l’infidélité de sa femme qui l’avait trompé avec le régisseur de son domaine. L’épouse protestant de son innocence, il la soumit au jugement de Dieu : épreuve ayant consisté à retirer un caillou du fond d’une fontaine. A peine l’infidèle eut-elle plongé la main dans l’eau, qu’elle poussa un hurlement de douleur : ses chairs étaient devenues rouges et tombaient en lambeaux. Gangolphe se retira alors dans un domaine éloigné, laissant son château à l’infidèle et vivant comme un saint. Humiliée, l’épouse infidèle fit assassiner son mari par le bras de son amant, qui retrouva Gangolphe et le poignarda dans son sommeil. Gangolphe, martyr de la fidélité conjugale, a été historiquement invoqué pour la paix des ménages.

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Eglise Saint-Michel et Saint-Gandolphe, Lautenbach, Haut-Rhin

1° acte. Une femme tient un enfant dans ses bras. Un homme nu l'aborde ; dans le dos de ce dernier est représenté un animal aux longues oreilles symbolisant le Malin qui le tente.( A noter que les pattes ( ou le pied ) sont l'euphémisme biblique de l'organe sexuel ).

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2° acte. La femme et l'homme nu sont étroitement enlacés.


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3°acte. L'époux légitime survient et bat sa femme. Cette dernière tenant son enfant tombe à la renverse.

Le plaisir charnel sous toutes ses formes
Empruntant les traits plus ou moins réalistes de personnages ou/et d’animaux s’exhibant sans détour, se livrant à des attouchements ou à des étreintes charnelles la sculpture romane nous donne à voir quelques scènes contraires à la sexualité codifiée par les autorités religieuses commanditaires de l'édification de ces édifices voués au culte.

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Positions troublantes.

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Eglise de Marnay, Vienne
On a pu voir dans les personnages de ce modillon d'une petite église rurale une possible figuration homosexuelle.


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Chapiteau intérieur, église de Conzac, Charente
L'imagier a-t-il voulu suggérer, de façon élégante et ornementale, comme on a pu le dire, une scène de double fellation avec les rinceaux sortant de la bouche et passant entre les jambes ?

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Eglise de l'ancien prieuré Saint-Nicolas, la Chaize-le-Vicomte, Vendée.

Un chapiteau de la nef comporte un exemple classique de la sculpture romane mettant en scène un acte de sodomisation perpétré par un être simiesque.


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© Jacques Martin Eglise de Verlac, Aveyron
Illustration de la sodomie par deux êtres diaboliques.

A l'époque médiévale les pénitenciels révèlent l'existence des pratiques bestiales et de fornication entre hommes et animaux. Quels que soient les motifs réels de leur présence dans ces espaces sacrés, ces représentations de zoophilie montrent pour le moins que la question des relations sexuelles entre êtres humains et animaux a en tout temps hanté l'imaginaire des hommes. Dans son ouvrage, écrit vers 1130, Aymery Picaud lui-même que l'on a déjà cité, n'hésite pas à écrire que " les Navarrais forniquent honteusement avec les bestiaux ; on raconte que le Navarrais met un cadenas à sa mule et à sa jument pour empêcher tout autre que lui-même d'en jouir. La femme comme la mule est livrée à sa débauche ".
Cette citation de grand intérêt pour notre objet ne vaut pas, cela va sans dire, acceptation du jugement de l'auteur - clerc de sa personne - pour qui la laideur, l'anormalité ou la simple différence physique des paysans manifestaient une infériorité morale !!!