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Colombiers, pigeonniers et fuies

Une autre face du bâti buxerollois d'antan
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Ces petits édifices, humbles témoins d’une société rurale ingénieuse qui disparaît peu à peu, demeurent cependant indissociables des paysages de nos terroirs : ils deviennent des lieux de mémoire.
Colombier, pigeonnier, fuie sont les noms qui désignent, selon Viollet-le-Duc, un « bâtiment destiné à contenir des troupes de pigeons et à leur permettre de pondre et de couver leurs œufs à l’abri des intempéries »
, ils sont toujours postérieurs au Moyen-âge. Il en resterait environ 800 dans le département de la Vienne dont 700 en assez bon état (couverts).



Colombier de la Charletterie avant rénovation de sa toiture.

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HISTORIQUE 
Le terme
colombier vient de coulon, ancien nom du pigeon ; il est devenu lentement obsolète au XVIIIe siècle et a été remplacé par pigeonnier, non sans avoir donné le nom d’un certain nombre de communes et de lieux-dits tels ceux de Colombier, Colombiers ou Colombiers ( Vienne et au moins dix départements en France, sans oublier Colombey-les-Deux-Eglises ! ), lieux-dits nombreux dans notre département.de plus, le fait d’élever des pigeons voyageurs s’appelle toujours la colombophilie et le pigeon fait partie de la famille des columbidés !
Par analogie, le terme de colombarium (colombier) désigna les chambres sépulcrales creusées de niches où prenaient place les urnes funéraires. Et aujourd’hui ce terme est de plus en plus utilisé.

Ce bâtiment était généralement une construction en forme de tour, indépendante des autres bâtisses. Sa possession était un privilège réservé à la noblesse : les cahiers de doléances en demandèrent très fréquemment la suppression (mais pas la démolition), ce qui sera entériné dans la nuit du 4 août 1789. Désormais, chacun pourra avoir la jouissance d’un colombier ; cependant les animaux resteront enfermés à certaines périodes.
Le nombre de boulins (nichoirs pour un couple de volatiles) était grossièrement proportionnel à la surface des terres exploitées.
( Certains propriétaires rajoutaient de faux boulins pour faire croire qu'ils avaient beaucoup de terre afin de mieux marier leurs enfants à des prétendants qui se faisaient …pigeonner ! ) Le pigeonnier de la Charletterie comportant environ 6OO boulins et un boulin correspondant à un arpent (un demi-hectare), on peut en déduire que le fief de Jacques Charlet avait une superficie de 300 hectares.

UTILISATION 
Au Moyen-âge, l’alimentation de l’homme était surtout composée de céréales car la viande constituait un luxe exceptionnel ; l’élevage du pigeon apportera un complément appréciable et considérable : en 1261, la maison du Roi de France en aurait consommé 400 pigeons quotidiennement et celle de la Reine autant.
Mais il ne paraissait pas sur toutes les tables car « il était inconvenant que ce met délicat paraisse sur leurs tables grossières [des paysans], d’ailleurs, par suite de leur instinct naturel ces oiseaux fuient les maisons basses et malpropres des paysans » . En 1878, la ville de Paris a consommé 2.000.000 de pigeons et pigeonneaux.

La deuxième fonction du colombier était la production de colombine, joli nom désignant la fiente de ces animaux, très recherchée comme engrais pour les cultures exigeantes (vignes, potagers, vergers) à cause de sa teneur en ammoniaque. Chaque pigeon en produisait 2 à 3 kilos par an (à rapprocher du guano : excréments de chauves-souris et d'oiseaux marins qui furent récoltés au Pérou et vendus aux Etats-Unis, en France, en Angleterre au XIXe siècle ).
Mais ces oiseaux puisant leur nourriture dans la campagne, ils provoquaient des saccages importants avant les moissons et après les semailles ( un pigeon mange 70 g de grain par jour) et si un roturier tuait un pigeon, il pouvait être condamné aux galères.

La fiente avait également un rôle thérapeutique en médecine : pour le soin des cheveux, pour soigner les orgelets ; on pouvait aussi en prendre calcinée ou en tisane car elle était apéritive …Essayons  comme le souligne avec humour André Dupont l'auteur de cette introduction !!!

SYMBOLISME 
Le pigeonnier abrite de modestes volatiles comme la basse-cour ; on ne peut comprendre le soin apporté à l’aspect, à l’esthétique que si on relie la colombe/pigeon aux symboles religieux et mythiques.
Rappelons pour mémoire la colombe de Noé, celle représentant le Saint-Esprit, les innombrables chapiteaux et tympans romans figurant deux colombes buvant au calice…

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Les célèbres oiseaux buvant dans une même coupe du prieuré de Villesalem, Vienne.


De plus, les anges, messagers divins, sont figurés avec des ailes de colombes. Enfin, les boulins rappellent les alvéoles d’une ruche et, au Moyen-âge, l’abeille aussi exprime l’Esprit Saint etc. !

ARCHITECTURE EXTERIEURE 
Le plus souvent, c’est une tour cylindrique aux murs épais (1 m 50), à toiture conique à poivrière, parée de lucarnes. Celles-ci permettent l’entrée et la sortie des pigeons et l’aération.
Le danger vient des rapaces et autres gros oiseaux ; les ouvertures sont donc petites (10 cm au maximum). Il vient aussi des prédateurs (rats, belettes, fouines) ; alors on utilise un crépi fin pour compliquer l’ascension et un larmier (bandeau de pierres en saillie par ex.) ceinture l’édifice. Au sommet, une corniche, par son avancée, stopperait la progression de l’animal qui aurait déjoué les pièges précédents.
Le lanternon embellit l’ensemble. Il est lui-même paré d’un épi de faîtage qui, outre l’aspect décoratif, assure l’étanchéité.


Pour plus de clarté, le schéma ci-dessous présente les éléments architecturaux du pigeonnier.

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ARCHITECTURE INTERIEURE 
L'intérieur est tapissé d’alvéoles en terre, brique, poterie, les boulins, disposés sur plusieurs rangées. Il n’y en a pas en bas.
La surface du sol est crépie voire carrelée pour recevoir les déjections et faciliter la collecte.

Au centre, une échelle tournante donne accès à tous ces nichoirs pour leur nettoyage ou la préhension des pigeonneaux.
Les schémas en coupe ci-dessous de Viollet-le-Duc donnent une bonne représentation.

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Cette photo présente l’intérieur du pigeonnier du manoir de Gamaury à Saint-Maurice-des Lions (Charente) très proche du nôtre.

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@ Région Poitou-Charentes, inventaire du patrimoine culturel/ Christian Rome, 2006.

Le territoire buxerolloix dispose de deux types de pigeonniers, les uns " à pied "c'est-à-dire indépendants, les autres à " fuie" inclus dans un bâtiment.

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 La plupart des photos ont été prises depuis le domaine public ( la rue, les espaces verts ... ) et tous les lieux sont localisés sommairement afin de respecter la liberté et l'intimité des habitants. Cependant, certains Buxerollois nous ont gentiment ouvert leur porte ce qui nous a permis de prendre des clichés de meilleure qualité ; qu'ils soient ici remerciés.

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