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" Le cimetière, petit patrimoine ignoré "


Si de nos jours la mort se fait plutôt discrète au cœur des villes, il ne faudrait pas croire qu'il en fut toujours ainsi.

Jadis la mort était omniprésente et on accordait une place importante au culte des défunts.                                                                    
Constater jadis le décès d'une personne n'était pas toujours facile. Dans des temps mémoriaux, l'on croquait l'orteil du défunt. Plus récemment, on constatait l'absence de souffle en plaçant un miroir devant la bouche de la personne qui quittait ce monde.
Au sein d’une communauté traditionnelle, un décès ne concerne pas que les proches du mort mais c’est la communauté entière qui doit en être informée. Plus encore qu’une naissance ou un mariage, un décès intéresse les communautés familiale, territoriale, sociale, religieuse ou philosophique, professionnelle, etc., à laquelle appartenait le mort.
Dès la constatation de la mort les annonces individuelles étaient autrefois faites par
les « clocheteurs de mort », sorte de crieurs publics, qui avaient pour mission, contre rétribution, de parcourir les rues de la cité, en agitant une clochette, et de crier le nom du défunt, le jour et l’heure des obsèques, et de demander des prières pour le salut de son âme.

Il était de coutume, dans chaque habitation où résidait un proche ou un ami du défunt, d’offrir un verre au clocheteur de morts. Le système trouvait ainsi ses limites : en fin de journée, celui-ci avait les plus grandes peines à se souvenir et articuler le nom du défunt. ..

campanier
Clocheteur de 1755

Les crieurs de morts » ont laissé la place aux faire-part portés à domicile, puis envoyés par voie postale. Les annonces collectives étaient faites au travers de la sonnerie du glas, les volets du domicile du défunt fermés.
Le silence devenait de rigueur dans la maison du défunt; c'est à voix basse que l'on parlait. On arrêtait alors l'horloge de la maison pour indiquer l'heure du décès. Les membres de la famille, aidés le plus souvent par les voisins, procédaient à la toilette et à l'habillement du défunt. On le parait de ses plus beaux habits. On le couchait sur son lit, un chapelet dans ses mains jointes s’il était croyant.
Autrefois les glaces et les miroirs étaient également recouverts d'un linge: le mort ne devait pas pouvoir s'y regarder. Les voisins, la famille, les proches venus s'incliner devant la dépouille du cher disparu se décoiffaient de leur chapeau, récitaient un chapelet et bénissaient le corps.
Le corps du défunt était exposé pour une période qui pouvait aller jusqu'à trois jours. Les membres de la famille veillaient le corps toute la nuit et se relayaient pour recevoir les visiteurs

Pour les chrétiens, un bol d’eau bénite et du buis bénit lors de la fête des Rameaux sont mis à la disposition des visiteurs ; pour tous, un cahier permet de recueillir signatures et mots de condoléances. La visite au mort et à sa famille disparaît en même temps que les décès au domicile.
Pendant la période de deuil qui pouvait durer un an, la musique, la danse et les sorties festives étaient proscrites.

Mais pour les morts comme pour les vivants les rites funéraires connaissent aussi les classes sociales, la première et les autres.
Les obsèques laissaient voir jusqu’où pouvaient aller les signes de discrimination sociale à l’occasion d’un enterrement. L’entrée de maison du défunt encadrée de tentures noires indiquait la présence d'un décès. Les classes d’enterrement ont institutionnalisé ces pratiques.
Nous devons au souffle du concile Vatican II et particulièrement à la constitution sur la liturgie promulguée par Jean XXIII en 1963, la simplification de la pompe funèbre et de ses dérives.
Vient ensuite le départ du mort de sa maison, qui prend la forme d’un cortège. La tradition veut que le mort sorte de chez lui par la grande porte et « les pieds devant ». Le cortège funèbre est un maillon important des rites funéraires ; le corbillard, véhicule du dernier voyage, en est une pièce maîtresse.
Avant la création des Pompes funèbres, municipales ou commerciales, l’organisation du convoi revenait aux sociétés de pénitents. Le corbillard, tiré par deux, quatre ou six chevaux, drapés eux-mêmes de noir. Leur nombre dépendait de l'importance sociale du défunt.
 Le mot de corbillard désigna d’abord les bateaux faisant commerce entre Paris et Corbeil (les corbeillards). Au Moyen Age, Corbeil était un des ports de ravitaillement de Paris. Entre les deux villes, circulaient sur la Seine des bateaux à fond plat chargés de bois, de vin ou de céréales. Quand la peste noire frappa Paris, en 1348, ces « corbeillards » eurent la charge funeste de servir à l’évacuation des cadavres pestiférés.

corbeiillard

La langue commune déforma le terme en « corbillard » ; le mot est resté et a fini par s’imposer à tout le pays. Par la suite, les véhicules de transport funéraire ont conservé cette appellation.


Aujourd’hui, certains - les “philocorboliens”-, font collection de ces véhicules particuliers…

Numériser 14

La famille, les gens affligés par le deuil marchaient derrière le corbillard. À l’époque d’internet, du devis d’obsèques en deux clics et des cortèges mortuaires qui filent à tombeau ouvert, cheminer ensemble une dernière fois, aux pas du cheval permettait de se retrouver et d’ évoquer des souvenirs vécus avec le défunt.
 La longueur du cortège donnait la mesure de l'importance du personnage et de la considération dont jouissait la famille. Devant le passage d'un cortège funéraire, les quidams à tout le moins s’arrêtaient, se découvraient, certains se signaient.
De tels comportements ont été relativement stables entre le haut Moyen-Âge jusqu’au début du XXe siècle.
En bref, les personnes mouraient chez elles, entourées de leur famille ; puis le défunt était accompagné de son lit de mort jusqu’au lieu de sa sépulture à travers le village, dans une France majoritairement rurale.
Après la seconde guerre mondiale, dans une France urbaine et médicalisée, le mourant est éloigné de son lieu de vie et meurt souvent à l’hôpital.
Il est ensuite pris en charge par des professionnels des pompes funèbres. L’accompagnement du mort en convoi à pied disparaît avec l’éloignement des cimetières des centres des villes.
Rien n’informe dans la ville qu’une personne est morte : l’ancien corbillard noir et argent est devenu un véhicule presque banal, à la limite peu soupçonnable dans le flot de la circulation.