Le " Pas de Saint-Jacques"
Un singulier rocher et une croix de pèlerinage
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Le nom de " Pas de Saint-Jacques" évoque aujourd’hui, pour nombre d’habitants de Buxerolles, avant tout un quartier, une zone d'activités, une grande surface commerciale et peut-être surtout les salles obscures d’un complexe cinématographique... Mais c’est aussi, à deux pas du site économique, un lieu aujourd’hui fort discret qui fut pourtant très fréquenté toute l’année jusqu’au début du XIXe siècle : un site présentant un rocher et une croix de pèlerinage.



Un site légendaire : une curieuse trace dans un rocher.
A l’époque médiévale, les pèlerins se rendant à Saint-Jacques de Compostelle s’arrêtaient à Buxerolles pour se recueillir au « Pas de Saint-Jacques ». Allant en Galice les pèlerins vouaient un culte à un étrange rocher qui porterait les empreintes du pied et du bâton de marche de Jacques le Majeur. La légende veut que l’apôtre aurait laissé ces traces lors d’un voyage...

La religion imprégnant profondément la société médiévale, nombreux sont les femmes et les hommes qui prennent leur besace et leur bâton de marche pour accomplir un pèlerinage. A une époque où le souci du salut constitue une préoccupation majeure de tous les croyants, accomplir un pèlerinage pour se rendre à Jérusalem prier sur le tombeau du Christ, à Rome sur le tombeau de l'apôtre Pierre, à Saint-Jacques de Compostelle, en mémoire de l'apôtre, est faire acte de pénitence, d'humilité et de foi.


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Le rocher et la croix du Pas de Saint-Jacques.


Au pied de ce calvaire, côté nord, se trouve un gros bloc calcaire aux formes naturelles fort singulières que les pèlerins n’hésiteront pas à transformer en objet de culte.
Il s'agit d'un rocher présentant deux marques encore visibles aujourd’hui : l'une des cavités qu'on y observe serait, selon une très ancienne tradition populaire, l'empreinte du pied de saint Jacques, tandis qu'une autre aurait été formée par l'extrémité de son bâton. A l’époque médiévale l'eau de pluie recueillie dans ces cavités était considérée comme miraculeuse.


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Ce site du « Pas de Saint-Jacques » est, en effet, mentionné dès le Moyen Age comme un but d’étape sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. « Iste Pergravit Roman Jacobumque Pictavis » ( "il est allé en pèlerinage à Saint Jacques du Poitou ") peut-on lire dans l'épitaphe en vers latins de Pierre Soubrebost, chanoine de Limoges, mort en 1384 rapporte Monseigneur Xavier Barbier de Montault dans son étude sur les environs de Poitiers publiée en 1872.

Un croix érigée au-dessus du rocher.
Au XIXe siècle une grande croix fut dressée au-dessus du rocher, comme pour réellement christianiser le site de manière un peu plus orthodoxe.


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Croix dite "du Pas de Saint-Jacques" érigée rue des Buis.


Avant la belle croix en bois qui s’offre au regard aujourd’hui, il y eut bien d’autres croix. Ainsi, le 31 juillet 1870, Victor Chabant, curé de Buxerolles rapporte qu' " après le chant des vêpres et des complies…à la place de la très vieille croix du Pas de St Jacques a été érigée….une nouvelle croix en chêne mesurant trois mètres de hauteur et portée processionnellement depuis la cour du presbytère jusqu'au lieu d'érection " ( Archives de l'évêché ).
Chaque 25 juillet, jour de la Saint-Jacques, une procession menait les paroissiens jusqu'à ce site.

Tombée en 1955, la croix avait été remontée en béton ; actuellement une belle croix en chêne a remplacé cette dernière. La croix est fixée dans un socle carré à trois niveaux, en pierres calcaires.

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La croix porte une statue du Christ en fonte.

Une étape actuelle comme chemin de vie ?

Pour certains, marcher jusqu'à Compostelle pour aller vénérer un saint est un chemin d'évangélisation ; " marcher sur les chemins tout en regardant vers les cieux " est ici une formule tout à fait appropriée pour quiconque se lançait dans cette aventure qui remonte au IX ème siècle. Comme on peut le voir ci-dessous les pèlerins se distinguent fréquemment par certains de leurs attributs.
La statue de Saint-Jacques ( bois polychrome du XVIIe siècle ) de l’ancienne priorale du même nom de Châtellerault est une belle représentation du costume du pèlerin : chapeau à larges bords, pèlerine, besace, gourde, bourdon ( bâton de marche ) et coquilles.

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* Statue polychrome en bois du XVIIe siècle de l'ancienne priorale de Châtellerault
** JACQUES LE MAJEUR dont la fête est commémorée le 25 juillet. L’apôtre, en tenue de jacquet, portant des coquilles sur sa pèlerine, a perdu son bourdon. Statue du XVIIe siècle, église du bourg de Buxerolles dédiée à Saint-Jacques le Mineur et à Saint-Philippe.

L'iconographie chrétienne de la coquille n'apparait qu'avec le culte de saint-Jacques. Les pèlerins, lors de leur voyage de retour, fixent ces coquillages à leurs capes en l’honneur de l’apôtre comme en son souvenir et les rapportent avec grande joie chez eux en signe de leur long périple. Au Moyen-Âge, le bourdon était un objet aidant non seulement à la marche, mais ce bâton était aussi employé par les pèlerins pour tenter de faire face aux brigands et à repousser les animaux sauvages.

A notre époque, bien qu'on rencontre parfois sur le site de réels pèlerins, la marche vers ce lieu saint de Galice ne s’effectue plus toujours pour des raisons d'ordre religieux. Les aspects sportifs et culturels l’emportent sur les actes de foi. En bref, le pèlerinage de Saint-Jacques est devenu un fameux chemin de randonnée où les marcheurs rencontrent les amateurs d’art roman. Chemins de spiritualité pour certains, chemins de découvertes naturelles et historiques pour d’autres, mais toujours chemins de vie pour tous.
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