Tables médiévales
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C’est de tables au pluriel dont il s’agit car à la hiérarchie sociale correspond une hiérarchie des aliments consommés.
Les paysans qui forment à l’époque les neuf dixièmes de la population n’ont pas laissé de traces écrites directes relatives à leur alimentation.
A la période médiévale « est souvent associée la notion de famine. Encore convient-il de distinguer les périodes de disette où les hommes souffrent de la faim et celles de famine où ils en meurent. Ce que l’on craint c’est avant tout de manquer de pain rappelle le spécialiste des mentalités à l’époque médiévale » qu’est Jean Verdon ( 2015, p. 128).
Un premier trait distinctif de l’alimentation des nobles réside dans le fait d’ingérer de grandes quantités d’aliments. La consommation de viande constitue un des éléments clés du style d’alimentation des puissants à tel point qu’elle en devient le symbole.
Le gibier est très apprécié par les aristocrates car ils pratiquent la chasse avec la même passion que la guerre.
« La « chair » est en effet associée à la force physique, à la puissance sexuelle et au pouvoir, trois notions étroitement liées entre elles et que les bellatores du Moyen Age placent au sommet de leur échelle de valeurs »soutient (Eric Birlouez, 2015, p. 11 ) .
Les théologiens s’en méfient, à l’exemple au VIIe siècle d’Isidore de Séville qui proclamait déjà que « les aliments carnés engendrent la luxure et la chair : ils ont un effet échauffant et nourrissent tous les vices ».
Les enluminures représentent le plus fréquemment des aristocrates ou riches bourgeois attablés. Il en est largement de même dans la sculpture à l'exception des images des signes du zodiaque et des travaux des mois ainsi que des modillons.
☞ Nourritures et valeurs médiévales
Le pain est un aliment basique, qui se trouve à toutes les tables, et en grande quantité.
Il s’agit toujours de pain de froment. Il en existe trois catégories correspondant en fait à trois classes sociales bien distinctes : un pain très blanc, réservé aux puissants, un pain plus grossier, consommé par les artisans et petits bourgeois des villes, et enfin le pain très grossier, mêlé de son, destiné aux laboratores (pain bis ).
Le pain sert à épaissir et à lier les sauces. En tranches, il donne de la consistance à la soupe.
Extrait d’un zodiaque. Eglise d'Aubeterre-sur-Dronne, Charente.
Tableau d’un personnage coupant une boule de pain avec un grand couteau.
Tympan de la cathédrale Saint Lazare, Autun, Saône-et-Loire.
Un paysan coupe sa galette. Extrait d'un médaillon du zodiaque et des travaux des mois.
Le pain n’est pas la seule forme sous laquelle sont consommées les céréales plutôt secondaires ( avoine, seigle ), base de l’alimentation paysanne. Galettes et bouillies sont des éléments majeurs du régime alimentaire paysan. Le pain de seigle est l’aliment de base.
Sur la table des bourgeois abondent les morceaux de pains en boule (d’où le nom de “boulanger”). On trempe les tranches de pain dans le potage, c’est ce qui s’appelle “tremper sa soupe”.
Eglise Saint - Pierre, Melle, Deux-Sèvres. Le mangeur de galette.
Eglise de Macqueville, Charente-Maritime. Variante.
Réemploi , église de Roussenac, Aveyron.
Que ce soit en Poitou, en Saintonge ou ici en Rouergue on trouve la même image du mangeur de galette.
Le pain représente la base de l'alimentation médiévale et notamment des laboratores ainsi qu'en témoignent ces modillons.
Partout dominent les céréales, sous forme de pain, pour les catégories sociales les plus riches, et de bouillies pour les paysans. Avec les progrès de la meunerie le pain deviendra progressivement la base de l'alimentation médiévale.
Céréales et légumes constituent le régime alimentaire des ruraux les plus humbles.
Les céréales étant au coeur de l'alimentation médiévale les viandes, poissons, fruits et fromages ne forment que le " companage, c'est-à-dire l'accompagnement du pain.
Tympan de la cathédrale Saint Lazare, Autun, Saône-et-Loire.
Extrait d'un médaillon du zodiaque et des travaux des mois.
Au début de l’hiver, les cochons engraissés sont tués. La graisse est conservée dans de grandes jarres. Le lard, les jambons et les saucisses sont fumés après salaison.
Détail de la frise sculptée de l'église abbatiale d'Andlau, Bas-Rhin.
L’abattage du cochon permet de manger de la viande fraîche à l’entrée de l’hiver, puis sous forme de salaisons le reste de l’année.
L’approvisionnement dépend bien sûr des variations saisonnières mais aussi du calendrier liturgique qui fait alterner jours maigres et jours gras.
La viande est alors remplacée par du poisson. A l’époque médiévale l’Eglise influence les façons de penser et d’agir des individus quel que soit le groupe social auquel ils appartiennent. Les autorités ecclésiastiques imposent des obligations alimentaires qui consistent pour l’essentiel à se passer de viande durant le carême et les jours maigres de la semaine.
L'’aristocratie et les bourgeois, qui possèdent rivières et étangs, aménagent des viviers et peuvent avoir du poisson frais toute l’année. Le poisson salé, particulièrement le hareng est très présent sur les tables les jours maigres.
Chapelle Saint-Jean-Baptiste, Le Liget, Indre-et-Loire, XIIe siècle.
Des poissons en métope et un disque marqué d'une croix qui représente probablement une hostie.
Ici, le symbolisme s’impose de lui-même dans cette fondation chartreuse : on est en présence d'une évocation de l'Eucharistie.
Eglise Saint-Nicolas de Civray, Vienne.
Les deux poissons du signe zodiacal sont liés par leurs bouches.
La viande et le vin se trouvent essentiellement sur les tables des catégories plus favorisées, aristocrates et nouveaux riches urbains. La documentation des XIV et XVe siècles fait apparaître la viande comme aliment de référence pour les bellatores : animaux de boucherie ou de basse-cour et produits de la chasse.
Légumes et fruits secs constituent l’autre pilier du régime paysan racines, fèves, lentilles, pois chiches, fruits de la cueillette
Les légumes les plus prisés sont les courges, les concombres, les citrouilles, l'oignon, et l'oseille. On donne à l’ail des vertus médicinales.
Les fruits en revanche sont beaucoup plus prisés. Noix, noisettes, amandes, figues, cerises, raisins, pommes et poires trouvent leur place sur les tables.
Quant aux boissons, la plus répandue est le vin. Tout le monde boit du vin, généralement coupé d’eau.
L’eau, première boisson de la société, ne paraît pas un breuvage très apprécié ; l’eau constitue une boisson largement répandue…faute de mieux a-t-on pu dire.
Le vin est une boisson très prisée boisson de fête des pauvres, l’ordinaire des riches,
Chapiteau de l'ancienne église abbatiale de Moutiers-Saint-Jean, Côtes-d'Or. Musée du Louvre.
Remarquables scènes de vendanges : acteurs, matériels, gestes, décor.
Pendant les vendanges, c’est aux femmes que revient de couper les grappes tandis que des chargeurs déversent ces grappes dans des paniers en osier placés sur des baquets qu’un âne porte sur son bât. Des “hotteurs”, robustes et mieux payés, portent les raisins déversés dans les hottes.
☞Equipement de base et ustensiles
Dans l'équipement de base des pauvres on trouve le chaudron, les pots et marmites de terre et la poêle de fer, manifestant trois types de cuisson : l'ébullition, la cuisson lente à l'étouffée et la friture.
Dans l'intérieur rural, la cheminée est très rare et tardive, pas avant le XVe siècle. Le foyer est à même le sol de terre battue. C'est un foyer ouvert, proche de la porte d'entrée, rarement contre un mur. Il peut être creusé dans le sol ou, au contraire, légèrement surélevé. Il est souvent délimité par des pierres ou des briques.
Il n'est pas sûr que le toit possède une ouverture pour laisser échapper la fumée qui devait alors passer par la porte et les fenêtres. L'atmosphère de cette pièce devait donc être plutôt enfumée et peu agréable.
La paysanne prépare les repas dans de la vaisselle en terre cuite ou en fer. L'élément de la batterie de cuisine le plus utilisé est le pot globulaire en terre cuite. On peut y faire bouillir des aliments, y conserver des grains, des légumes secs, des œufs, des graisses ou des liquides lorsqu'il a un bec verseur. Lorsqu'il sert à cuire la nourriture, il est posé sur un trépied, au dessus de la cendre chaude et non directement sur le feu.
Les crémaillières sont, quant à elles, beaucoup plus rares.
La vaisselle est en bois, en terre cuite et en métal.
Les plats, essentiellement des soupes, sont servis dans des écuelles. Les couverts se limitent à une cuillère. Le couteau est aussi présent mais c'est un objet personnel que chacun porte sur soi en permanence.
Les coupes à boire sont rares.
Assis par terre ou sur un tabouret mais sans table, le mangeur doit tenir son écuelle de soupe près de sa bouche et ne peut se tenir droit comme c'est le cas lorsqu'on est assis sur une chaise. Il lampe plus ou moins bruyamment sa soupe avec une cuillère.
L'organisation de l'espace cuisine et repas évoluera lentement au cours du temps.
Eglise d'Aubeterre-sur-Dronne, Charente.
Le personnage prépare sa marmite posée le plus souvent sur un trépied qui isole du contact direct avec le feu.
Crypte de l'église de SAINT-PARIZE-LE-CHATEL , Nièvre .
Personnage tournant une grande cuillère dans une marmite.
Eglise de Chateauneuf-sur-Charente, Charente.
Femme guimpée portant une marmite.
Dans les milieux populaires la cuisine est l'affaire des femmes. Dans les milieux aristocratiques c'est toute une armée d'hommes qui assure l'approvisionnement et la préparation des mets.
Grils et broches ne sont vus que dans les châteaux et les milieux urbains aisés.
Les carafes, pour l'eau et pour le vin, et différentes sortes de cruches et de pichets sont utilisés dans chaque maison
Chapiteau de l’ancienne abbatiale Saint-Junien, Nouaillé-Maupertuis, Vienne.
Carafe et coupe à boire évasée.
Notre-Dame du Fougeray, Cormery, Indre-et-Loire, XIIe siècle.
Pot plus vrai que nature !
Eglise de VINAX, XIIe siècle , Charente-Maritime .
Tonnelet à bec verseur.
Eglise de Rivière ( près de Chinon ), Indre-et-Loire.
Pichet.
Eglise Saint-Pierre-de-la-Tour, Aulnay-de-Saintonge, Charente-Maritime.
Récipient à large ouverture serrant à recueillir le miel de la ruche. Détail du zodiaque : les travaux du mois d’août.
Ancienne église priorale Saint-Nicolas de Civray, Vienne, dernier tiers du XIIe siècle.
Une sorte de moule et un barril.
Façade de l’ancienne église priorale Saint-Nicolas de Civray, Vienne, dernier tiers du XII e siècle.
Cruche avec un petit bec verseur.
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