Les métiers à l'âge roman

Des pierres et des hommes : une évocation imagée

Activités agricoles
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Depuis toujours, les hommes ont cherché à mesurer le temps. Au Moyen Âge les travaux ruraux rendaient perceptibles la durée du temps qui passe.
En effet, la sensibilité médiévale est surtout attentive au cycle régulier des fêtes et des saisons. La plupart des hommes n'ont du temps qu'une expérience concrète : le temps est avant tout celui de la nature, manuellement rythmé par les travaux des champs et par la nécessité d'acquitter les redevances seigneuriales.
Les saisons succèdent aux saisons et les occupations humaines ( labours, semailles, récoltes, repos des sols... ) sont la forme la plus visible de l'écoulement du temps. Par suite l'idée de temps est représentée dans l'imagerie romane notamment par les saisons et les signes du zodiaque.
Au XIIIe siècle,
Barthélemy l'Anglais et Matfre Ermengaud relatent à leur tour ces scènes d'activités saisonnières dans leurs compilations encyclopédiques.


 Enluminure des Notices astronomiques de Vienne,
manuscrit composé à Salzbourg, début du IXe siècle ( entre 809 et 818 ?)

Les travaux des saisons relient la vie céleste et les activités terrestres. Les calendriers figurés dans les églises conservent ainsi le souvenir d'une spiritualité intimement liée aux gestes les plus quotidiens de l'homme médiéval. Peut-être peut-on aller jusqu'à dire que, pour les femmes et les hommes de l'époque romane, le temps qu'il fait l'emporte sur le temps qui passe qu'ils savent difficilement apprécier et puis, le temps n'appartient-il pas à l'institution ecclésiale qui règle les grands moments de leur existence ?
Sur un plan spirituel, le travail permet d'obtenir le pain et le vin " fruits de la terre et du travail des hommes, nécessaires à l'accomplissement de l'Eucharistie et donc à la rédemption. Le temps de l'Eglise est d'abord celui de la liturgie qui impose ses repères à tous.
Les grandes fêtes religieuses scandent la vie du paysan médiéval ( l'Annonciation et la saint Michel suivent les équinoxes, la saint Jean et Noël coïncident avec les solstices ). Faut-il rappeler qu'on parle plus volontiers du jour de la saint Jean que du 24 juin, de la saint Michel que du 29 septembre ou de la saint Martin plus que du 11
novembre.
Il ne faut donc pas s'étonner que ce soit par des images souvent explicitement religieuses ou à connotation symbolique que, de manière sous-jacente, certains aspects de l'ordre social et, en particulier ici, les outils et les métiers à l'âge roman pourront apparaître.
Saynètes du travail de la terre
L'outil rudimentaire qu'est la houe outil a historiquement servi à nourrir les populations. Un instrument de culture attelé léger - l'araire ( en usage depuis l'Antiquité ) - est venu compléter les outils manuels favorisant déjà davantage l'intensification de l'exploitation agricole.
La charrue à roues à soc de fer - instrument de labour plus puissant et ameublissant les sols - se répandra peu à peu selon la nature des sols des différentes régions.



Monastère cistercien de Santes Creus, Catalogne,

Pendant qu'Adam travaille la terre en guise de châtiment Eve file la quenouille.


Eglise Santa Maria de l'Estany, Catalogne.

Scène de la condamnation au travail : Adam revient des champs derrière son attelage, Eve attend le fuseau à la main.




Eglise de Benet, Vendée.

Le labourage des sols à l'aide d'un instrument de culture attelé, tracté par des bœufs semble figurer sur la façade de cet édifice du Bas-Poitou. La saynète très dégradée montre Adam menant des bœufs pendant qu'un autre homme devait tenir les mancherons d'une charrue à grandes roues.



Travaux des mois, portail. Santa Maria de Ripoll, Catalogne.

Février : un homme et une femme fabriquent des fromages.

Les femmes occupent une place essentielle dans l'agriculture, secondant leur mari dans les travaux des champs ; à la ville elles se tiennent au côté de leur époux artisan ou commerçant. Pourtant elles n'occupent pas une grande place dans l'imagerie romane évoquant les activités humaines. C'est pourquoi cette sculpture - comme d'autres de ce calendrier catalan- est intéressante car elle n'omet pas le rôle de la femme.



Eglise de Fenioux, Deux-Sèvres.

L'hiver la terre est au repos ; les paysans se font bûcherons tels ces deux hommes qui abattent un arbre à la cognée.


Cathédrale Saint-Lazare, Autun, Saône-et-Loire.
Médaillon du zodiaque du tympan : un paysan portant des fagots.


Eglise Saint-Nicolas de Civray, Vienne.
Un paysan bêche près d'un arbre portant son nouveau feuillage.



Travaux des mois, portail. Santa Maria de Ripoll, Catalogne.
Mars : un paysan cultive la terre sous les arbres qui bourgeonnent ; présence d'un oiseau.


Travaux des mois, portail. Santa Maria de Ripoll, Catalogne.
Avril : un paysan contemple le blé qui pousse, à l'ombre d'un arbre en fleurs et un agneau en train de paître.


Travaux des mois, portail. Santa Maria de Ripoll, Catalogne.
Mai :un homme et deux jeunes filles cueillent les premiers fruits.



Cathédrale Saint-Lazare, Autun, Saône-et-Loire.
Médaillon du tympan évoquant les travaux des mois : Un homme cueille un fruit.

Le temps des récoltes céréalières.



Eglise Saint-Etienne de Paulnay, Indre.
Juin : fenaison à la faux. Le paysan , barbichette au menton, tient solidement la faux entre ses mains.


Eglise Saint-Nicolas de Civray, Vienne.
Un paysan fauche son foin près d'un arbre.
La généralisation de l'usage de la faux permet de couper, plus rapidement et plus facilement, une quantité d'herbe, bien plus importante qu'avec l'emploi de la faucille à céréales.



Cathédrale Saint-Lazare, Autun, Saône-et-Loire.
Médaillon du tympan évoquant les travaux des mois : un paysan aiguisant sa faux.




Travaux des mois, portail. Santa Maria de Ripoll, Catalogne.
Juin : la récolte du blé.


Eglise Saint-Etienne de Paulnay, Indre..
Juillet : moisson à la faucille ; derrière le moissonneur apparaissent les javelles entassées.



Eglise Saint-Léger, Cognac, Charente.
Un homme fait la moisson.
Le froment est moissonné à la faucille car l'utilisation de la faux provoquerait des pertes de grains trop importantes.



Eglise Saint-Pierre-de la-Tour, Aulnay-de-Saintonge, Charente-Maritime.
Faucheurs et épis de blé symbolisent l'activité du mois.


Travaux des mois, portail. Santa Maria de Ripoll, Catalogne.
Juillet : un paysan porte une gerbe aidé de sa femme.



Eglise de Souvigny, Allier.

La colonne du Zodiaque, ou le pilier roman brisé mesurant 1,80 m, constitue un chef-d'œuvre de l'art roman clunisien. Sur ses faces historiées figurent des évocations du calendrier médiéval, des signes du zodiaque, des peuples du monde et des animaux fabuleux. Ici c'est le battage des gerbes au fléau qui est représenté.


Eglise Saint-Etienne de Paulnay, Indre.
Août : battage du blé au fléau lancé au-dessus de la tête.
L'emploi du fléau permet de détacher les grains de l'épi et de les extraire des enveloppes qui les entourent.


Eglise Santa Maria de l'Estany, Catalogne.
Deux hommes en tunique courte brandissent le fléau pour battre le grain d'une gerbe liée.



Cathédrale Saint-Lazare, Autun, Saône-et-Loire.
Médaillon du tympan évoquant les travaux des mois. Homme battant au fléau.



Eglise Saint-Nicolas de Civray, Vienne.
Scène de battage : le paysan récolte les grains des épis de blé bien couchés sur l'aire.
La VIERGE tenant une coupe est le signe du mois.



Eglise Saint-Léger, Cognac, Charente.
Un paysan bat le blé à l'aide d'un fléau tandis qu'une femme tient un linge plié.



Eglise Saint-Pierre de la Tour, Aulnay-de-Saintonge, Charente-Maritime.

Cet extrait d'un bel exemple de calendrier des mois sur ce superbe édifice de l'ancien Poitou présente l'intérêt de mettre en évidence l'abondance de la récolte par une scène juxtaposant de beaux épis de céréales et une ruche dont un homme récolte le miel dans un pot.
En plus du précieux miel l'élevage des abeilles permet d'obtenir la cire qui servira pour les cierges des liturgies.


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