Coups de projecteur sur quelques sites romans
aux confins du
BOURBONNAIS ET DU NIVERNAIS
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** Du côté du BOURBONNAIS ( 03 Allier ).


Le Bourbonnais possède autour de ses grands sanctuaires romans de SOUVIGNY et de SAINT-MENOUX de petites églises romanes où se combinent les influences auvergnates et bourguignonnes. Les chapiteaux de BOURBON-L'ARCHAMBAULT méritent de retenir l'attention ; à proximité immédiate on jettera un oeil sur la petite église rurale d'YGRANDE.


** Du côté du NIVERNAIS ( 58 Nièvre ).


De l'autre côté de l'affluent de la Loire qu'est l'Allier notre escapade romane nous conduit de la modeste église de SAINT-PIERRE-LE-MOUTIER à une église prieurale qui fut en son temps, après celle de Cluny, la plus grande de France : LA CHARITE-SUR-LOIRE. La verve des sculptures de la crypte de SAINT-PARIZE-LE-CHATEL retient l'intérêt de la même façon que les chapiteaux de SAINT-REVERIEN méritent le détour.

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Le message des pierres romanes :
des hommes ... et de Dieu.


Le patrimoine roman, interrogé dans son profond silence, constitue un riche
document d'histoire
. En 2005, une exposition au Musée du Louvre ( 9 mars-
6 juin ) a ainsi entrepris de célébrer " la France romane ". D
anielle Gaborit-
Chopin et Jean-René Gaborit
, commissaires de l'exposition, mettent en avant
l'éclectisme des artistes de l'époque qui proposent des solutions différentes
pouvant " aboutir à un chef-d'oeuvre comme à une impasse ".
Les édifices romans, s'ils ont tendance à devenir un domaine réservé aux
historiens de l'art, furent un jour l'
expression d'une jaillissante manifestation
de vie
. L'approche et la lecture des oeuvres romanes, telles qu'elles peuvent
être faites aujourd'hui, diffèrent totalement de ce que pouvaient en faire jadis
leurs maîtres d'oeuvre. Au-delà des strictes considérations techniques, c'est
dans la conception même de l'art que s'opposent les hommes du XXIe siècle
et ceux du Moyen Age
. On sait que l'art est un type d'activité humaine faisant
appel à certaines facultés sensorielles, esthétiques et intellectuelles.
L'architecture, la sculpture, la peinture et la musique sont ainsi autant de
modes d'expression de la beauté. A la limite, l'art pour l'art porte en lui sa
propre justification. En ce cas l'art devient une sorte de langage en soi.

A l'époque romane, les ornements, par-delà leur valeur décorative, avaient-
ils aussi une dimension éducative ?
Pour certaines formes décoratives,
tels les ornements géométriques, la réponse est sans doute assez simple ;
il ne convient pas de leur attribuer de sens caché. Il peut en être différemment
pour les masques humains ou les représentations animalières et mons-
trueuses. S'ils ont un rôle esthétique, ces décors ne sont-ils pas aussi parfois
chargés de symboles directs ou indirects ? Sur ce point, le débat entre
spécialistes est probablement loin d'être épuisé. Il semble, cependant,
qu'une double dimension ornementale et éducative puisse être largement
reconnue à certaines thématiques romanes. Ainsi, l'imaginaire médiéval est
peuplé de monstres dont certains organes sont multipliés ou hypertrophiés.
Les représentations monstrueuses proviennent d'un mélange des genres
( humain et végétal, par exemple ) ou s'obtiennent par hybridation, soit
figurations animales ou monstrueuses à figure ou tronc humain ( corps
d'oiseau à tête humaine ou corps de poisson et torse de femme, par exemple ),
soit personnages à visage animal. D'une façon générale, il semble qu'on ait
désiré mettre en avant
la crainte que doivent inspirer les forces du mal.
Par son apparence monstrueuse le démon est susceptible d'inspirer l'effroi
chez les populations ; l'emprunt aux arts orientaux des formes matérielles
les plus horribles participe vraisemblablement de cette volonté. Bien
souvent, le sens général, s'il existe, demeure vague ou obscur. Il restera
toujours difficile de cerner en toute certitude la part qu'il faut attribuer à
l'ornementation ou au symbolisme. Il est sûr que des transferts de symboles
par copie ou par libre interprétation d'objets venus d'Orient vers l'art paléo-
chrétien, préroman et roman ont eu lieu. Mais, dans quelle mesure aussi
ces figurations étranges, une fois empruntées, étaient-elles considérées à
titre décoratif ? Le réalisme n'est pas la caractéristique majeure de ces
réalisations largement indifférentes à toute idée de proportionnalité.
La dimension des représentations animalières et humaines est à la mesure
de leur poids symbolique. C'est ce qui donne probablement la clé de lecture
de l'exagération constatée de certaines parties du corps comme les mains ou
le masque. C'est délibérément que ces éléments signifiants ont été accentués.

A l'époque romane, il est permis de penser que l'art était perçu plutôt comme
significatif de réalités célestes qu'il pouvait permettre d'atteindre. Avant de
s'ouvrir au profane, cet art avait une essence religieuse ; il est envisagé avant
tout en tant qu'oeuvre pour Dieu ; c'est une consécration de l'activité humaine
à la louange de Dieu et au culte divin. Afin de rendre grâce à Dieu, abbayes,
prieurés et églises paroissiales investissent dans la pierre ;
l'époque bâtit,
sculpte et peint en vue du Ciel.

Sans doute a-t-on pu avancer des hypothèses très différentes pour expliquer
le mouvement religieux médiéval : pour les uns, la crainte de l'avenir, la peur
de l'an mille qui n'est pas encore éloignée, les luttes féodales, la recherche
de la sécurité matérielle, le poids institutionnel de l'Eglise, mais aussi,
pour d'autres, le désir de servir Dieu. C'est dans cette dernière perspective
que l'on a pu dire qu'un " élan de foi " animait les hommes de métier à l'origine
de ces édifices romans les plus grandioses comme les plus humbles.
Georges
Duby
, dans Le temps des cathédrales écrit qu'à l'époque romane l'art n'a
" d'autre fonction que d'offrir à Dieu les richesses du monde visible ". La main
de ces anonymes - habités d'une fervente énergie créatrice - disposait du
pouvoir d'insuffler l'esprit à la matière brute et de la transfigurer. A ce titre,
les monuments romans témoignent encore de la prégnance du sacré, bref,
de l'idéal qui présida à leur réalisation.Finalement, c'est à deux niveaux de
lecture que l'art roman doit être perçu (
Danielle Gaborit-Chopin, in
Le Monde,
Emmanuel de Roux, 17 mars 2005 ) : " un accès immédiat pour le
plus grand nombre et un message caché qui s'adresse aux élites ", c'est-à-
dire à la fois leçon donnée au peuple chrétien et message destiné au petit
nombre d'hommes et de femmes cultivés à la recherche de la pureté. Aussi,
on ne peut pas quitter ce patrimoine qui a traversé la nuit des temps sans
une certaine émotion. Ces pierres qui furent le témoin de tant de ferveur et
de joies, mais aussi de tant d'épreuves et de souffrances, portent encore
les stigmates de l'histoire ; n'ont-elles pas été laissées à l'abandon par
ceux-là mêmes à qui elles étaient destinées : les hommes ?
De nos jours, seule demeure la beauté de la pierre métamorphosée par
la main de l'homme
. Architecture, sculpture, peinture - qui ont plus ou
moins bien résisté à l'épreuve du temps - s'offrent alors en elles-mêmes
et pour elles-mêmes au regard des hommes sensibles à une certaine forme
de beauté. Ceux d'aujourd'hui, admirateurs des vieilles pierres, pensent
les sortir de la chape de silence qui pèse sur elles en les réhabilitant pour
le plus grand plaisir du visiteur qui sait être attentif à ce qui l'entoure.

Cependant, au-delà de cette pure recherche esthétique, huit siècles
après, des oeuvres romanes peuvent encore toucher plus profondément
la sensibilité de l'homme contemporain qui accepterait de prendre toute
la mesure pleine et entière du message des pierres romanes.
La mémoire des pierres exprime comment une partie de l'humanité
s'est un temps définie avec ses problèmes, sa façon de voir et ses
tentatives de se perfectionner elle-même ainsi que le monde dans lequel
elle se situait
. Ce qu'elle relate de l'homme, recevable ou critiquable dans
un autre contexte spatio-temporel, reste une manière de dire l'homme à
l'homme. L'art dévoile, par là-même le tréfonds de l'être humain. Dans
cette perspective, la mémoire des pierres permet ainsi de saisir le passé
sans souci de prosélytisme.

Mais si l'art s'efforce d'exprimer la condition de l'homme, ne peut-il pas aussi,
à sa manière, être
invitation, pour certains, à quête et recherche de sens ?
En cela il pourrait être chemin vers l'Absolu. On rejoint ici la finalité
d'associations comme
arts, culture et foi ou patrimoine, culture et foi qui
entendent exprimer le lien existant entre beauté, humanité et spiritualité.
Selon cette approche et cette lecture, la création artistique de l'époque
romane, à l'instar d'autres manifestations artistiques, pourrait être
invitation à la production de sens.
Dans cette perspective, il n'est pas exclu que certains puissent tirer
parti de la valeur spirituelle d'un édifice de pierre rencontré au détour
d'un chemin ou au coeur de la cité.
Au-delà de la seule dimension artistique de ces voûtes séculaires,
de ces portails et chapiteaux historiés, la sérénité qui se dégage de ces
édifices ne pourrait-elle pas aiguillonner encore la sensibilité de
l'homme contemporain qui saurait s'arrêter de courir et faire silence
en soi-même ? Ainsi, le contact avec les pierres romanes,
transfigurées par le ciseau ou le pinceau, pourrait favoriser un bénéfique
retour sur soi et impulser un regard nouveau sur l'aventure de vivre.
Bien sûr, et c'est une différence fondamentale avec le Moyen Age, il n'est
reconnu, dans les sociétés contemporaines, à aucune conception
philosophiqque ou religieuse le monopole du sens. L'homme occidental
actuel mène sa vie dans une société sans lien institutionnel avec le monde
d'en haut ; il lui reste, cependant, à construire sa vie en choisissant son
itinéraire.
Et si une leçon des pierres romanes, par l'alliance de la beauté
et de la sérénité, était aussi de stimuler le regard qui cherche ?

Quoi qu'il en soit, ce
patrimoine roman restera le fruit d'hommes de
métier, en même temps qu'oeuvre de toute une population anonyme dont
la mémoire des pierres rendra toujours présente à nos modernes esprits
son âme collective.

Sites internet

www.art-roman.net/index.htm
Site sur l'art roman qui a pour ambition de faire découvrir, région par région, les principales églises romanes de France, puis d'Europe.

www.louvre.fr/archives/romane/index_artroman.html
La France romane au temps des premiers Capetiens ( 987 - 1152 ) : exposition au Louvre du 10 mars au 6 juin 2005.

www.paroles-et-patrimoine.org/romanes/liens.htm
Pierres romanes. Pour l'art roman.

www.romanes.com
Site dont le but est de présenter le patrimoine religieux et architectural de France à travers les différentes époques et courants du roman au gothique en mettant en avant leur expression.


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