☞La récolte du sel
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Le "salange " en langue locale signifie la période de la saunaison, en d'autres termes le temps de la récolte du sel.
La récolte s'effectue tous les jours de la mi-juin à la mi-septembre pendant les mois les plus chauds de l'année et parfois, mais c'est exceptionnel, jusqu'en octobre.
Quand le sel commence à cristalliser, on cueille délicatement la rare fleur de sel et on tire en quantité beaucoup plus importante ce qui appelé communément gros sel.
♦️Le gros sel gris
Dans peu d'eau saturée se cristallise "le gros sel" ou "le sel gris" qui forme de gros cristaux cubiques (tailles qui peuvent aller jusqu'à 8 mm) de couleur légèrement grise. Cette couleur est due aux particules d'argile arrachées au fond de l'œillet.
Les opérations de récolte du sel gris consistent à rassembler d'abord les cristaux au centre du bassin ; ils sont ensuite rapprochés de la levée de vase sur laquelle ils seront finalement hissés.
Le saunier ou la saunière tire le sel avec son ételle, c’est-à-dire le ramène sur ces plateaux circulaires que sont les tables.
On le tire sur la table en forme de demi-lune, puis avec une brouette à roue caoutchoutée, empruntant les vettes délicatement beurrées, petits chemins de vase sèchée entre les œillets, on le monte sur les bossis, bandes de terre entre plans d'eau ; on le dépose enfin sur le tesselier. Là un mulon en formation sèche et grossit durant toute la saison de récolte.
Le saunier collecte avec habileté "le gros sel" à l'aide d'une ételle ", un grand râteau en bois muni d' un long manche conçu pour accéder aux endroits les plus éloignés de l'œillet.
Au travail dans un autre marais !
Saunière tirant le sel.
Ce sont les mêmes gestes pratiqués par les sauniers tirant le sel hier…et aujourd'hui.
Le sel est tiré sur la table.
La table constitue l'aire de stockage journalière de ces petits monticules de sel qui scintillent au soleil en s'égouttant dans l'œillet pendant plusieurs heures avant d'être porté au mulon établi sur les talus qui bordent la saline.
Autrefois le sel était ensuite acheminé jusqu'au tesselier par les porteresses qui le portaient dans un panier posé sur la tête. Ce type de portage impliquait habituellement 1a collaboration de deux acteurs, soit pour remplir le panier, soit pour le placer sur la tête de la personne portant la charge.
Jadis on remplissait le panier à l'aide de deux planchettes ( les soghures ) .
Dans le cas du portage sur la tête le sel était transporté dans des paniers d'osier ( pnère à Noirmoutier, ou dans des récipients " de bois tourné ( gède dans la presqu'île guérandaise).
Evocation du portage du sel de la table au tesselier à l'aide d'un "penèr sounerèt "dans le langage insulaire.
Détail d'une carte postale ( Edition Coindreau ) représentant l'activité dans les marais salants du Boucaut au début du siècle.
Monceaux d'antan ; à l'arrière-plan le château et l'église.
Les mêmes gestes se pratiquaient autrefois sur le mulon appelé autrefois " monceau ".
Après le portage par les " porteresses " , le sel était déversé au pied du tas de sel ( comme c'est toujours le cas ) ; il fallait ensuite l'entasser régulièrement à la pelle et le remettre en forme ; parfois un chemin circulaire était jadis pratiqué dans la masse du tas de manière à faciliter le déversement des apports successifs.
La brouette aujourd'hui a définitivement supplanté le portage à l'épaule ou sur la tête.
Chaque jour, le gros sel récolté la veille est roulé vers le tesselier à l'aide d'une brouette équipée d'une roue pneumatique. La brouette et la pelle ont remplacé les soghures et le panier de jadis.
Brouettage du gros sel de la saline vers le tesselier, emplacement sur les bosses ( formées par le déblai du marais ) où l'on accumule les récoltes journalières de sel..
Les brouettées successives sont vidées sur le tesselier tout autour du tas.
Mulon ou monceau : tas de sel façonné par le saunier qui vient y déposer sa récolte quotidienne avec sa brouette.
C'est ce gros tas de sel, qui attire le regard puisqu'il est le seul relief du marais. Le sel sèche ainsi au soleil durant les mois d'été.
Sur l'aire de stockage saisonnière le sel accumulé sèche tout au long de la saison. Le sel est relevé à la pelle, tapé puis lissé en forme de cône ou autre.
En cas d'orage, de pluie, le saunier le couvre d’une bâche ajustée de pierres, de pneus hors d’usage ou de sacs lestés.
♦️La fleur de sel
La fleur de sel est le produit utilisé par les grands chefs ; elle trône sur les bonnes tables. Mais qu'entend-on par là ?
Alors que les cristaux de sel gris se trouvent au fond de l’œillet, les fins cristaux de la fleur de sel se forment en surface ; n’ayant pas été en contact avec l’argile, elle est d’une blancheur immaculée.
Historiquement, elle n'était pas systématiquement récoltée et lorsqu'elle l'était c'était uniquement pour l'usage personnel de l'exploitant. Elle était généralement "coulée" par les enfants qu'on envoyait remuer les œillets, parce qu'elle ralentissait l'évaporation pour le gros sel.
Aujourd'hui, en revanche, considérée comme le nectar du marais elle fait revivre la saliculture.
Au plus chaud de l'été, lorsque le vent d'est s'y prête, des cristaux fins et légers se forment.
La fleur de sel flotte en grandes plaques à la surface de l'œillet.
Dans quelques centimètres d'eau le saunier passe lentement et délicatement une sorte de grande écumoire - la lousse - sous la fine couche de cristaux.
Une fois recueillie, la fleur de sel est ramenée sur des chassis au bord des marais afin de sécher naturellement.
Une blancheur éclatante sous les rayons du soleil … et une saveur unique : d'aucuns disent qu'elle exhale un arôme qui rappelle celui de la violette.
Etalée sur la table spécifique, la fleur de sel va être débarrassée à la main de ses impuretés : l'exigence de qualité est là.
Exposée au soleil elle va perdre de son humidité avant d'être mise en sac.
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