La Route Cistercienne (Ruta del Cister) fait partie du réseau européen des sentiers de grande randonnée. C’est une boucle d’un total de 105 km et 108 km pour les cyclistes qui, plus qu’une route reliant les trois monastères, représente toute une ballade à travers l’histoire de ses villes.
Nécessaire retour préalable
sur l'esprit de l'art de bâtir cistercien
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De Cîteaux, en Bourgogne ( France ) lieu d'implantation couvert de roseaux ( cistel ) de sa première abbaye, le mouvement cistercien essaime dans la plupart des régions et au-delà des frontières.
Ce nouvel ordre religieux prône un retour à une application stricte de la règle instituée par saint Benoît au VIe siècle. Sous l'impulsion de ses premiers abbés, et en particulier de l'un d'eux, Bernard de Clairvaux, les premiers cisterciens restaurent une vie monastique qu'ils veulent loin du monde et plus près de Dieu.
Leurs établissements, à l'image de l' abbaye de Sénanque, nichée au creux d'un vallon encaissé, sont implantés dans des sites retirés afin de se mettre essentiellement en recherche de Dieu et créer des lieux de recueillement et de prière, bref des espaces de spiritualité.
** Cîteaux représente l'une des plus rigoureuses quêtes de perfection. Fondé en 1098 par Robert de Molesmes, c'est avec saint Bernard que l'ordre va connaître son ascension. Les membres de cet ordre religieux voulurent s'en tenir au strict nécessaire, renoncer aux satisfactions sensibles et vivre pauvres avec le Christ pauvre. Les moines blancs entendent revenir radicalement à une interprétation stricte de la Règle édictée par saint Benoît au VIe siècle.
Le recours au travail manuel devait assurer leur indépendance économique.
** Lorsqu'on parle d'art cistercien il s'agit essentiellement d'architecture non pas qu'il y ait à proprement parler une architecture spécifique mais parce qu'en appliquant leurs principes directeurs les cisterciens réussirent à donner à leurs constructions un caractère de simplicité et de dépouillement.
Ainsi l'esprit de l'art de bâtir de Cîteaux ne se réduit pas à des formules techniques mais se caractérise par " la capacité de créer un espace en adéquation avec la spiritualité d'un ordre qui applique la règle de Benoît dans sa rigueur et sa rectitude, l'épure des formes en écho à l'ascèse, sans autre article que le jeu de la lumière et la pureté des matériaux " ( Leroux-Dhuys Jean-François, 2008, p. 40 ).
C'est dire que l'art de bâtir des moines blancs se définit non pas tant par des inventions de structures, de plans ou de formes que par l'esprit dans lequel ces structures, plans ou formes se virent utilisés. Les proportions de ces édifices, les structures et les formes sont romanes. Mais en revanche ce qui est novateur c'est l'esprit qui anime ces monuments, jusque dans le moindre détail. Il marque un refus de l'ostentatoire, un dépouillement volontaire, que peu d'ordres religieux ont revendiqué à ce point.
Saint Bernard et les cisterciens posent la question de l'esthétique en tant que telle et entendent pousser le renoncement sur le domaine de l'art, dans lequel l'abbé de Clairvaux, dans l'Apologie, ne veut voir qu'une source de dépenses superflues et de vaines et absurdes distractions qui " en captant le regard de ceux qui prient, sont un obstacle à leur piété ".
Et encore à propos de la décoration des cloîtres il déclare : " il y a tant et tant de choses variées qu'on se laisse aller plus volontiers à lire sur les pierres que dans les livres, et à passer tout le jour à admirer tout cela qu'à méditer la loi de Dieu " ( Père M. A. Dimier, 1962, p.34-35 ).
On le voit c'est un véritable pamphlet prononcé contre Cluny. Que toutes ces productions de l'art puissent aider la ferveur des simples fidèles, l'abbé de Clairvaux le reconnaît, mais elles ne cadrent pas avec la pureté de l'état monastique de ceux qui ont fait avant tout le choix de la contemplation des choses de Dieu en faisant vœu de pauvreté et en renonçant au superflu. Les ornements sensibles ne sont pas seulement inutiles pour des hommes spirituels, mais encore ils ne peuvent que les distraire dans leur prière et leur contemplation.
C'est cette interprétation stricte de la Règle que les cisterciens vont s'efforcer d'appliquer dans l'art de bâtir pour permettre aux moines " d'atteindre et de trouver Dieu, l'Unique Nécessaire, dans le silence et la composition de la forme pure, idéale et linéaire, émondée de toute superfluité. Aux bénédictins, les vastes et splendides horizons d'un été multicolore, resplendissant de paillettes, sonore de fanfares, où l'âme se dilate, mais parfois se disperse et se perd ; à Cîteaux, la monochromie coupante comme un cristal brut, et immatérielle, d'une alpe de neige" ( Raymond Oursel, 1978, p. 12 ).
L'art de bâtir cistercien se voulait tout entier ordonné, par sa simplicité, sa pauvreté et son dépouillement à créer le milieu le plus propice au recueillement et à la prière.
Les abbayes cisterciennes vont donc témoigner dans leurs pierres de ces valeurs, de pureté et de spiritualité. Simplicité et sobriété architecturales priment, et tout décor superflu est banni. Fonctionnalité et rigueur sont associées à un élan spirituel qui se traduit par une grande maîtrise des lignes, des volumes et de la lumière.
Au final, Dom Angelico Surchamp pourra dire que " le dépouillement volontaire de Cîteaux laisse deviner l'art gothique le fait est sensible dans l'architecture où la taille des pierres, par sa rigueur, sa froideur, abandonne la bonne franquette romane en refusant la figuration, la sculpture se tourne vers le décor floral qui sera celui de l'art gothique " (1962, p.17-29 ).
Trois abbayes de l'ordre de Cîteaux
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Entre 1160 et 1190 les fameuses trois abbayes catalanes ( Santes Creus - Poblet - Vallbona de les Monges) sont parmi les plus beaux et les plus purs exemples de cet art sobre et dépouillé.
Affiliées au même ordre religieux elles sont connues comme les trois sœurs de Catalogne composant ce qui a été appelée la Ruta del Cister.
Emprunter à pied le chemin possible reliant les trois monastères est beaucoup plus que parcourir un sentier : c'est faire un trait d'union entre les trois monastères les plus importants de la Catalogne.
Monastir de Poblet
Un impressionnant ensemble architectural qui se trouve parmi les monastères les plus grands d'Europe. Déclaré Patrimoine Mondial de l’Humanité, il héberge une importante communauté monastique qui maintient vivante la spiritualité du lieu.
Monastir de Santes Creus
Le monastère, modèle type de l'ordre de Cîteaux, est au beau milieu de la nature, où prédominent les noisetiers, les vignobles et les amandiers.
Monastir Santa Maria de Vallbona de les Monges
Avec 800 ans de présence monastique féminine ininterrompue, il est le monument le plus méconnu de la Route Cistercienne.
L'ascèse revendiquée par saint Bernard s'opposait à la magnificence de nombre d'établissements clunisiens.
Les principes constructifs de l'abbé de Clairvaux inspirèrent la simplicité dans toutes les expressions de l'art tant dans les enluminures des manuscrits qui devinrent monochromes, que dans l'édification des abbayes, monastères, celliers, granges, moulins.
Ces caractéristiques de sobriété, si nettement marquées dans certaines réalisations cisterciennes célèbres comme les trois sœurs provençales ou les vestiges d'autres monuments, se retrouvent-ils totalement dans les trois grands monastères catalans ?
Bien qu'entrepris dans l'esprit roman, c'est le style gothique qui l'emporte dans leur configuration définitive avec même des éléments baroques. Ces ensembles architecturaux présentent ainsi une somptuosité qui tranche relativement à la plupart des monastères cisterciens.
Même s'ils possèdent des éléments communs, ces édifices ont toutefois chacun, un caractère individuel bien affirmé. Valbona est resté plus près de l'esprit cistercien que Poblet et Santes Creus.
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