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Regards sur l'au-delà : Hier et actuels
Regards sur l'au-delà : Hier et actuels
  • © 2024 joël jalladeau Courriel 0

Regards sur l'au-delà : Hier et actuels

La vie éternelle au plan théologique
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L'Eglise médiévale ayant utilisé le Jugement dernier pour susciter l'effroi de la condamnation éternelle les représentations romanes sculptées avec leur double cortège de joyeux élus et de malheureux réprouvés témoignent davantage d'une perspective propre à l'homme des temps romans qu'elles ne sont des évocations strictes des Ecritures.
Les représentations du Jugement universel à la fin des temps que nous ont léguées les artistes médiévaux sont plus impressionnantes que bibliques ; il suffit de rappeler que les tortures physiques imaginées et sculptées par les artistes des supplices infernaux avec un luxe inouï de détails horribles sont plus nombreuses et raffinées que les représentations des élus jouissant de la présence de Dieu par leur accès aux joies éternelles.
Ces évocations nous renseignent davantage sur l'imaginaire religieux de la chrétienté médiévale que sur les révélations des Saintes Ecritures.
♦️Théologiens protestants et catholiques s'accordent largement sur ce point. L'horizon du Jugement signifie que l'existence des femmes et des hommes est surplombée par une parole ultime. Au terme de notre vie sera dévoilée la vérité de l'être profond de chacun. Les termes de l'alternative ainsi posée mettent en évidence deux destins liés à deux choix de comportement : - écouter les paroles de Jésus et essayer de les mettre en œuvre tant bien que mal dans sa vie, - de l'autre, les écouter mais sans tenter de les faire véritablement siennes. Si le Dieu que Jésus met en avant est le Dieu de l'accueil et de la compassion…il est en même temps, ce Dieu qui interroge sur les valeurs avec lesquelles le croyant construit sa vie. La Bonne Nouvelle invite à l'amour, à cette nécessité de ne pas rester centrer sur soi, et à voir dans la présence de l'autre une richesse. Les paraboles rappelées montrent que ce qui est fondamental c'est d'avoir le cœur ouvert comme le pauvre ( la veuve qui donne deux piécettes ). Le riche tend à se suffire à lui-même. La richesse voulue pour elle-même ferme le cœur de l'homme à l'amour ; elle empêche de voir l'autre. "La vraie pauvreté dépouille l'être pour le rendre libre d'aimer en tout "sans limites pourra dire Jean Laplace (Passeur de l'autre rive, n°470, p. 36 ) L'homme doit faire de son existence une présence aimante, celle qu'il accueille et celle qu'il offre. En d'autres termes, le défi posé à l'homme et à la femme est de vivre une vie ouverte à Dieu et à l'autre dira le théologien protestant Daniel Marguerat. ( Vivre avec la mort. Le défi du Nouveau Testament, Cabédita, 2013).

♦️De Matthieu et Jean l'évangéliste aux théologiens contemporains : un même regard :

LE JUGEMENT, C'EST ICI ET MAINTENANT !

Benoît de Baenst, retraçant la lente élaboration historique de la pensée catholique sur l'au-delà en fonction des questions et des difficultés propres de l'époque des auteurs, distingue trois grandes périodes.
La première correspond au premier millénaire de l'Eglise où les Pères de l'Eglise ont réfléchi sur l'eschatologie collective.
Le deuxième millénaire s'est penché sur la question de l'eschatologie individuelle avec Bernard de Clairvaux, Bonaventure, Thomas d'Aquin…
A partir du concile Vatican II la théologie des fins dernières cherche à articuler les réflexions du premier et du second millénaire en essayant d'articuler eschatologie individuelle et collective.
Dans la perspective théologique contemporaine, il importe non pas de prendre l'imagerie des derniers temps au pied de la lettre ; il s'agit plutôt de décoder sa symbolique. Le Nouveau Testament ne décrit aucunement l'après-mort, mais il se sert de métaphores pour dire l'indicible : le festin, la moisson, la demeure éternelle … L'horizon du Jugement universel est fait moins pour terroriser que d'appeler chacun à répondre de ses actes lorsqu'il appartiendra au Tout Autre - qui connait chacun - de lever le voile …pour sa joie ou sa confusion. Ce que chaque être aura fait de sa vie, Dieu le recueillera dans l'au-delà de ce monde.

L'idée que le Jugement n'est autre que la validité de nos choix est présente avec force dans l'
évangile de Jean qui martèle que le Jugement est tout entier dans la décision que chacun prend dans le présent de ce monde de conduire ou non sa vie en tenant compte ou non de la parole du Christ : s'ouvrir ou non à Dieu et aux autres. Ce qui est nouveau c'est de lire dans Jean 3,17-18 que "qui ne croit pas est déjà jugé. "

* Ce qui fait dire au théologien protestant,
Daniel Marguerat, que ce "déjà" est une absolue nouveauté dans la méditation chrétienne du Jugement. Il signifie que par sa décision de refus, l'individu s'est en quelque sorte auto-condamné ; en revanche, celui qui fait confiance au Christ a le Jugement derrière lui. Daniel Marguerat conclut alors son étude en disant qu'il convient de convertir l'échéance calendaire en parole ultime, en misant moins sur l'horizontalité de la chronologie ( le dernier jour du monde ) que sur la verticalité d'une parole transcendante ; une parole de vérité surplombe la vie de tout individu et l'assigne à la responsabilité.

* L'appel à l'espérance a aussi valeur d'incitation à la conversion: les promesses eschatologiques ne tiennent que pour ceux qui auront vécu le "témoignage " de la foi rappelle ainsi le théologien catholique Yves-Marie Blanchard dans sa remarquable étude du livre de l'Apocalypse, 2014, p.50.

En tant qu’elle vient de Dieu, la vie éternelle ne peut être qu’amour sans réserve. Finalement, il s’agit bien de la vie de Dieu donnée par le Fils – « Dieu nous a donné la vie éternelle, et cette vie est dans son Fils » (5,11)
Oui, la vie divine, dite « éternelle », nous est déjà donnée en Christ et par le Christ : elle n’en est pas moins, pour nous, en attente d’une plénitude qui soit à la mesure d’une soif inassouvie, celle même de tout disciple, à l’instar de la Samaritaine au puits de Jacob : « L’eau que je lui donnerai – déclarait alors Jésus – deviendra en elle / en lui une source d’eau jaillissant en vie éternelle » (Jn 4,14). Et, comme en écho, à la toute dernière page de la Bible, retentit la promesse : « Vienne l’assoiffé ! Et qui le veut, reçoive l’eau de la vie, gratuitement ! » (Ap 22,17)
En tant qu’expérience de la vie divine offerte au sujet croyant dès le temps de son parcours terrestre, la vie éternelle est forcément fragile comme l’être humain lui-même. Tout dépendra de la qualité ou vigueur de sa foi. Blanchard Yves-Marie, « La vie éternelle, selon les Écritures », Recherches de Science Religieuse, 2020/4 (Tome 108), p. 585-610.

* Le pape François, dans son appel à la sainteté dans le monde actuel, Exhortation apostolique Gaudete et exsultate, 19 mars 2018, p. 64-65, écrit que nous pourrions penser que nous rendons gloire à Dieu seulement par le culte et la prière, ou uniquement en respectant certaines normes éthiques ; certes la primauté revient à la relation avec Dieu - et nous oublions que le critère pour évaluer notre vie est, avant tout, ce que nous avons fait pour les autres ".
En 2021, revenant sur le sujet il précise :" Le salut ne commence pas par la confession de la royauté du Christ, mais par l'imitation des œuvres de miséricorde par lesquelles il a réalisé son Royaume. Celui qui les accomplit montre qu'il a accueilli la royauté de Jésus, car il a fait place dans son cœur à la charité de Dieu. A u soir de la vie nous serons jugés sur l'amour, sur la proximité et sur la tendresse envers nos frères. De cela dépendra notre entrée ou non dans le royaume de Dieu, notre position d'un côté ou de l'autre. Jésus, par sa victoire, nous a ouvert son Royaume, mais il revient à chacun de nous d'y entrer, déjà à partir de cette vie, en nous faisant proches du frère qui demande du pain, un accueil, un vêtement …", p. 132 -133.

* Dans une optique similaire, le dominicain Adrien Candiard poursuivra en écrivant que " toute la prédication de Jésus tend à montrer que cette distinction entre l'ici-bas et l'au-delà, entre la vie terrestre et la vie future, n'a pas grand intérêt. Il nous invite à choisir la vie éternelle maintenant, et à la vivre sans attendre. La vie éternelle… ne s'attend pas, elle se vit. Tout l'enjeu consiste à l'accueillir, à la laisser envahir peu à peu notre vie, à ne vivre que pour l'éternité, c'est-à-dire par amour". ( Quand tu étais sous le figuier…, Cerf, 2017. p. 137 ).
Une bibliste comme Roselyne Dupont-Roc a pu écrire : "Et c'est maintenant" ( 14 mars 2018 ). " Qui sont ces morts qui reviendront à la vie ? De quelle résurrection, de quel jugement s'agit-il ? Le texte joue sur les mots "mort" et " vie"; car celui qui croit en Jésus, l'envoyé de Dieu, est déjà passé de la mort à la vie. Comprenons d'une existence fermée sur elle-même, sans espérance et sans partage, à une vie que la foi, confiance donnée au Fils qui nous conduit à Dieu, anime d'un esprit d'accueil, d'ouverture et d'espérance. Celui qui écoute la Parole qui lui rend la vie n'est plus confronté au jugement de Dieu, il a déjà renoncé au mal et à la mort, il a déjà parié pour la vie et l'amour. La vie éternelle commence maintenant !"


* "La foi chrétienne offre un horizon aux marcheurs que nous sommes vers un " à venir " qui ne nous est pas connu ." C'est une promesse et une espérance tout à la fois. Cette promesse est celle d'un sens qui vaut pour toute la vie. Elle ne se limite pas à ce qu'on appelle communément " l'au-delà " ou la vie éternelle" mais contamine par avance la vie quotidienne ordinaire", Christine Pedotti, ( 2022, p. 147) . " Cette conscience de vivre dans une histoire orientée change tout " insiste avec force ", Anne Soupa, ( 2022, p. 42 ).

* Benoît de Baenst "L'homme ne peut recevoir cette vie divine que s'il la désire, s'y ouvre et y demeure par la charité durant sa vie sur terre. Ainsi le demande la logique de l'amour ", ( 2020, p. 112 ).

Au final, ne peut-on pas dire que toutes ces analyses, chacune pour leur part, explicitent l'EVANGILE DE MATTHIEU 25
Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite :" Venez ,les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j'avais faim et vous m'avez donné à manger; j'avais soif, et vous m'avez donné à boire ; j'étais un étranger, et vous m'avez accueilli ; j'étais nu, et vous m'avez habillé ; j'étais malade, et vous m'avez visité ; j'étais en prison, et vous êtes venus jusqu'à moi". Alors les justes lui répondront :"Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu…? tu avais donc faim, et nous t'avons nourri ? tu avais soif et, et nous t'avons donné à boire ? tu étais étranger et nous t'avons accueilli ? tu étais nu, et vous t'avons habillé ? tu étais malade ou en prison. Quand sommes-nous nus jusqu'à toi? Et le Roi leur répondra : "Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait !" Matthieu 25, 34-40
Ce qui est intéressant c'est le critère selon lequel le jugement dernier est opéré : la charité en actes envers nos frères, Jésus s'identifiant volontairement aux petits.
" Un SI majuscule doit être mis en facteur à toute la scène : SI vous n'avez aucune générosité pour les petits, les pauvres et les exclus, SI vous ne faites rien pour vos frères et sœurs, alors vous m'auriez renié moi-même " commente
Bernard Sesboüé, ( 2013, p. 525 ).
La charité l'emporterait sur le seul critère de foi doctrinale, même si cette dernière l'inclut.

Déjà la parabole du bon samaritain montre que l'on peut aimer Dieu et passer à côté de son prochain.

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Eglise du Vigeois, Corrèze.Vigeois

Le bon Samaritain, représenté sous les traits du Christ nimbé, se tient debout à l'angle de la corbeille tendant une pièce de monnaie à l'aubergiste, représenté sur le petit côté gauche de la corbeille.
Il est suivi du voyageur, dépouillé et roué de coups par les brigands, juché sur un âne.

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Dans la partie droite derrière l'âne, se tiennent le prêtre et le lévite qui virent l'homme et passèrent leur chemin.
La parabole nous dit ce que doit être la mission de l’Église, qui a reçu comme dépôt de prendre soin de ceux ont été relevés par la miséricorde de son Seigneur – l’unique prochain –, d’annoncer cette miséricorde, de la rendre effective et d’en vivre. Anne Lécu, dominicaine, La Croix, 2020.

Le Christ se solidarise avec la condition des plus pauvres, ces hommes et femmes humbles. Le juge divin qui vient auréolé de gloire procéder au jugement des populations, nations et de chacun demande à être identifié dans la figure des plus humbles. Une double conséquence peut être tirée : d'une part, l'indifférence est honnie, le salut se joue devant la misère d'autrui, de l'autre, les actes évoqués sont d'une grande simplicité. Nulle nécessité d'une connaissance approfondie de la Bonne nouvelle pour répondre à ces exigences posées par le juge divin. Il n'est pas davantage possible d'invoquer son incompétence, son manque d'instruction.

Le programme de vie proposé s'appuie sur la satisfaction des besoins de base de tous. Ce que
Daniel Marguerat résume fortement en disant que la seule question qui nous sera posée sera : avons-nous été humains ? " (2012, p. 109). En fait c'est l'orientation du cœur qui compte plus que d'être riche ou démuni de biens matériels. Et Mgr Albert Rouet de préciser récemment ( 2024, p.215 ): "Il n'y a pas de foi authentique qui reste désincarnée ou insensible à la souffrance des autres. Subtilement, les Béatitudes n'insistent pas sur des règles précises, à la manière d''une morale tatillonne ; elles indiquent le résultat auquel arriver.
Par là, elles renvoient au jugement : " Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits que sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait " ( Matthieu 25, 40)
Le vrai pauvre au sens évangélique est celui qui vit les Béatitudes. La vraie pauvreté libère le cœur pour aimer totalement.
L'objet de de ce site était d'ouvrir avec modestie quelques pistes de lecture pour ceux qui cherchent en ce monde un point d'appui pour bâtir leur vie tout en sachant que leur curiosité demeurera pour une part frustrée.
L'essence de la Vision béatifique demeure impossible à suggérer. Rien de terrestre ne saurait vraiment dire le paradis. Il est donc tout à fait inutile de spéculer sur le mystère de l'espérance chrétienne de la vie-après-la-mort qui dépasse le croyant. Dans le champ de la foi, le Ciel est donc une métaphore indiquant la plénitude du salut de l'homme.
C'est ce vers quoi le chrétien entend cheminer ; c'est pourquoi
Bernard Sesboüé a pu dire que ce n'est pas seulement un " en-haut ", mais aussi un " en-avant ", ce vers quoi nous marchons, ce qui sera la pleine réalisation de Dieu tout en tous" ( 2004, p. 119 ).
Au regard de la foi chrétienne " la seule certitude que nous puissions de fait annoncer est que notre résurrection sera semblable à celle de Jésus... L'homme passera alors de la corporéité terrestre à la corporéité de l'Homme Nouveau, celle inscrite dans le Royaume de Dieu " (Louis-Michel Rénier, 1997, p. 131 ).
Les auteurs du Catéchisme de l'Eglise Catholique ( 1992 ) notent que «  par sa mort et sa Résurrection Jésus-Christ nous a «  ouvert » le ciel. La vie des bienheureux consiste dans la possession en plénitude des fruits de la rédemption opérée par le Christ qui associe à sa glorification céleste ceux qui ont cru en lui et qui sont demeurés fidèles à sa volonté. Le Ciel est la communauté bienheureuse de tous ceux qui sont parfaitement incorporés à Lui », n° 1026. Ils ajoutent : « Cette vie parfaite avec la Très Sainte Trinité, cette communion de vie et d’amour avec Elle, avec la vierge Marie, les anges et tous les bienheureux est appelée « le ciel ». n° 1024. Ils précisent enfin que «  ce mystère de communion bienheureuse avec Dieu et avec tous ceux qui sont dans le Christ dépasse toute compréhension et toute représentation », n°1027.
On ne peut mieux souligner le caractère indicible du bonheur de l’après-mort pour les bienheureux. Cette ultime formulation catholique semble se rapprocher, sur ce dernier point du moins, de la sobriété déjà ancienne de la spiritualité protestante ; cette dernière s’est généralement refusée aux représentations paradisiaques du fait de son insistance sur le déjà-là du ciel dans l’homme intérieur. Au final, pour le croyant contemporain, parler du « ciel » revient à dire l’inexprimable divin.

Toutes ces analyses mettant en avant la LOGIQUE RADICALE DE L'AMOUR DE DIEU et DES AUTRES peuvent être humblement résumées de façon synthétique imagée par la représentation suivante :

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Avec l'ancien maître général des dominicains,Timothy Radcliffe, on peut avancer pour conclure que " le christianisme ne rendra le cœur des gens tout brûlant au-dedans d'eux…que si les gens le perçoivent non pas comme un code moral destiné à nous faire aller au pas, mais comme un style de vie dynamique et vibrant ", ( 2020, p. 49 ).

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