Changing the world, one site at a time…
Regards sur l'au-delà : Hier et actuels
Regards sur l'au-delà : Hier et actuels
  • © 2024 joël jalladeau Courriel 0

Regards sur l'au-delà : Hier et actuels


La création artistique paradisiaque
à distance de l'espace spirituel roman


Tout au long des siècles les artistes ont tenté de "représenter" cet après, la vie éternelle, ce paradis ici ou là, dans des formes plus poétiques et joyeuses que doctrinales. Avant que le fidèle soit invité à une intériorisation de l’eschatologie et à abandonner toute démarche visant à représenter sous une forme matérielle l’au-delà les spectacles paradisiaques de merveilleux qu'ils étaient se feront plus rares dans les productions artistiques.
En voici quelques échos montrant les changements de représentation.

Dans cet extrait de son Jugement dernier de la fin du Moyen-Âge Fra Angelico ( vers 1431, musée San Marco à Florence ) a tenté d’évoquer le jardin éternel.
fraangelico
https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Jugement_dernier_(Fra_Angelico)#/media/Fichier:Fra_Angelico_009.jpg

Le sommet de la toile représente l’empyrée avec le Christ trônant en majesté ; des anges et des saints auréolés l'entourent.
Des feuillages paradisiaques séparent ce premier groupe sagement immobile contemplant le Seigneur en majesté du registre inférieur représentant, d'une part, un second groupe composé de justes accueillis par des anges pendant que d'autres anges dansent avec des saints auréolés en se donnant la main.
Cette seconde composition scénique apparaît très vivante par rapport à l’immobilité de ceux jouissant déjà de la vision béatifique.

Sans doute faut-il voir dans la différence de traitement de ce
dédoublement une évocation de la distinction primitive d'un paradis constitué de deux niveaux.
L'étage inférieur, sorte d'espace intermédiaire de repos des âmes entre terre et ciel. C'est un jardin paisible des justes en attente de l'éternité bienheureuse.
L'étage supérieur correspondant au royaume des cieux, lieu de bonheur éternel définitif des élus après la résurrection des morts et le Jugement dernier.
Cette croyance entre deux Edens fut couramment répandue dans l'Eglise des premiers siècles nous disent les spécialistes.

♦️Jérome Bosch
La montée des Bienheureux vers l'empyrée, après 1500, Palazzo Ducale Venise.

j_bosch-2jeromeboschak4
https://fr.wikipedia.org › wiki › Visions_de_l'au-delà

  • L’œuvre montre l’ascension des âmes dans un tunnel d’où jaillit une puissante lumière. Cette lumière représente le rayonnement de Dieu. Les âmes sont menées jusqu’à elle par des anges, mais finissent seules l’ascension pour entrer au royaume céleste. Le tunnel entend symboliser le passage.
  • ♦️Michel-Ange et le jugement dernier entre 1536 et 1541

    michelange2.png
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Jugement_dernier_(Michel-Ange)

    Détail : groupe central autour du Christ


    Dans la partie supérieure de la fresque, les habitants du Ciel sont rejoints par les nouveaux sauvés.
    Toujours selon l'iconographie traditionnelle, le groupe des bienheureux les plus proches du Christ est généralement réservé aux Apôtres ; ici la Vierge seule côtoie le Christ imberbe.
    Autour des deux figures centrales se dresse une première couronne tourbillonnante de saints, patriarches et apôtres, composée d'innombrables figures qui sont reliées les unes aux autres dans une séquence dense de gestes et d'aperçus.
    On peut observer notamment saint André tenant la croix, saint Pierre et sa clef, saint Laurent avec son gril.

    Capture d’écran 2024-02-12 à 13.58.25
    Groupe de sauvés

    La partie supérieure du tableau comporte un groupe d'élus qui s'élèvent vers les rangs des saints. Les uns semblent voler, d'autres paraissent être menés par une force majeure. Des anges en aident d'autres encore pendant que certains personnages sont tirés par les bras, voire hissés avec des cordes.

    Capture d’écran 2024-02-12 à 14.07.18

    Le second groupe est composé de martyrs, confesseurs de l'Église, vierges et autres bienheureux.
    Dans le groupe de gauche, sont représentées essentiellement des femmes, des vierges, et des héroïnes de l'Ancien Testament. Une femme monumentale au premier plan aux seins nus se détache, faisant un geste protecteur envers une autre qui s'approche d'elle en embrassant ses hanches ; elle aurait été considérée comme la personnification de l'Église miséricordieuse.

    michelange3

    Le groupe de droite est composé de martyrs, confesseurs et autres bienheureux, avec une majorité de figures masculines. À l'extrême droite, un homme puissant tient une croix avec l'aide d'autres personnes et la place de manière illusoire sur le cadre du mur latéral. Il a été identifié comme le Cyrénéen qui a aidé le Christ sur le chemin du Golghotha, ou comme le Bon Larron.

    ♦️Veronese 1528-1588

    veronese-esquisse.png
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Esquisse_pour_le_Paradis_(V%C3%A9ron%C3%A8se)

    Esquisse pour le Paradis (pour le décor de la salle du Grand Conseil du palais ducal de Venise), Palais des Beaux-Arts de Lille (Nord).
    La composition pyramidale de la toile est construite sur une succession de demi-cercles concentriques assis sur un demi cercle inversé au premier plan. Une foule de personnages, nus ou vêtus d’un simple drapé, dirigent leur regard vers le sommet de la composition où un halo lumineux orangé exprime la présence divine. C'est là que se trouve la Trinité, à droite, Dieu le Père, à gauche, Jésus-Christ, au centre l’Esprit Saint, qui domine le paradis. Dieu et Jésus-Christ tiennent conjointement une couronne qu’ils s’apprêtent à poser sur la tête de la Vierge Marie, vue de profil, agenouillée devant eux2.

    ♦️Le Tintoret 1518-1594

    tintoret couronne
    https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/90/Jacopo_Tintoretto_026.jpg


    La toile est intitulée le Couronnement de la Vierge dit le Paradis.
    C'est la première esquisse de Tintoret peinte à l'occasion du concours organisé en 1582 et 1588 pour la principale décoration de la salle du Grand Conseil au palais des Doges à Venise.


    tintoret-doges.png


    Détail.
    Des rondes de saints et de bienheureux se serrent autour du couple royal : le Christ et Marie qui sont au centre du mouvement céleste.
    Cette représentation du monde, agencée autour des idées de haut et de bas, avec l’empyrée surplombant les autres niveaux célestes, allait s’effondrer en deux ou trois siècles entraînant dans sa chute nombre de raisonnements théologiques. La naissance de la science moderne, les nouvelles façons de penser et de vivre depuis le XVIIe siècle n’allaient plus laisser de place à l’empyrée comme siège du paradis localisé au sommet de la verticale cosmique. Au XVIIIe siècle l’idée de retrouver le lieu du paradis terrestre sur la Terre ayant été abandonnée, désormais abstrait et «  céleste » le paradis devient un lieu sans matérialité, un état d'âme ; en fait, cette approche ne faisait que retrouver les positions dogmatiques originelles.
    Le fidèle est invité à une intériorisation de l’eschatologie et à abandonner toute démarche visant à représenter sous une forme matérielle l’au-delà. Les réflexions sur le paradis se faisant plus abstraites et moins descriptives les spectacles paradisiaques se feront plus rares dans les productions artistiques.

    Si un artiste comme Marc Chagall a pu encore consacrer une toile à Adam et Eve au jardin d’Eden, la vision béatifique au « ciel » demeure, d'une manière générale, de l’ordre du mystère et donc du non-figurable.

    marc-chagall-le-paradis
    © Musée national Message biblique Marc Chagall, Nice - RMN

    En dernière analyse, par-delà la permanence humaine, la vision médiévale du monde et la perspective anthropologique contemporaine ne sont plus du tout les mêmes. Ce qui apparaît, au terme de cette étude, c’est la distance qui sépare deux formes d’évocation du paradis. La médiévale imagée, de par son rapport physique avec le firmament, se voulait descriptive et extériorisante.
    La
    représentation contemporaine, de par son appartenance au langage de la foi est indicible. La première, à l’épreuve de la culture scientifique et de la modernité, a fini par s’éroder au cours du temps : elle s’est trouvée de plus en plus déstabilisée par les valeurs sécrétées par le mouvement de sécularisation qu’ont connu les sociétés occidentales. La seconde, non-représentable en tant que «  non-lieu », offre moins de prise aux lourdes modifications sociales et culturelles des derniers siècles. Le mystère de l’au-delà du monde reste entier ; dorénavant les images font le plus souvent défaut pour évoquer le bonheur ineffable de l'au-delà paradisiaque.
    ♦️Depuis que la nouvelle astronomie et la « modernité » entraînèrent la dissociation radicale du ciel et de l’au-delà, c’est avec une grande sobriété que les théologiens et les artistes à leur suite évoquent le paradis. L’indicible ne pouvant être traduit en images, c’est par le seul jeu de couleurs, que certains tentent malgré tout de suggérer, l’inexprimable.
    Ainsi, les artistes contemporains ne se limitent plus aux influences bibliques dans leurs conceptions du paradis. Des cieux lumineux aux forêts luxuriantes, voire aux mers chaudes, les artistes d’aujourd’hui essaient en pratiquant ainsi d'évoquer l'idée de paradis.

    Capture d’écran 2024-02-05 à 19.09.23

    cieux.png
    ciel.png
    cielenfant.png

    ♦️ Un syncrétisme spirituel autant singulier qu'inattendu peut même être observé!!!

    walla
    https://www.artbrut.ch/fr_CH/blog/rendez-vous-avec-une-oeuvre-august-walla-par-linus-kessler-g


    Rendez-vous avec une œuvre: August Walla ( 1936 - 2001 ) par Linus Kessler, guide à la Collection de l'Art Brut 2022. On assiste ici à l'essai de mise en place d'une religion personnelle et mystique.
    " En dehors des divinités chrétiennes (Jesus, Maria, Sabaoth et l’esprit-saint,Isoth ou juives Jeremias notamment), il évoque des dieux païens de sa conception propre (Seirrill) ou connus (Woddan, Odin en français), aux noms parfois empruntés (Allah). À cela s’ajoutent des divinités d’origine polythéiste (Schiwa et autres), et des dieux imaginaires en charge du monde par-delà l’éternité, d’un côté Sattus, dieu suprême dont le signe est un cercle traversé par un bâton, plutôt gentil, bien que satanique par certains aspects, et dont Walla essaie de se rapprocher pour assurer sa propre sécurité, ainsi que celle de sa maman. De l’autre, le mystérieux Saaahnh, le dieu de la fin de tout. Car la question se pose, comment finira ce qui prendra place après l’éternité ! Dans tous les cas, pour se faire l’ami de ces dieux supérieurs August Walla doit renier son catholicisme premier en se faisant « demi-diable », c’est le prix à payer pour se prémunir du mauvais sort d’une simple mortalité."
    ______________________

    RapidWeaver Icon

    Made in RapidWeaver