L'AU-DELA A L'EPOQUE MEDIEVALE
Si de nos jours, à la limite, dans une perspective chrétienne, l'idée d'un Dieu tout amour pourrait se substituer à celle d'un Dieu Juge, au Moyen Âge les commanditaires et les artistes n'ont pas hésité à dramatiser le thème du Jugement dernier.
Aussi il peut ne pas apparaître inopportun de revisiter, dans notre déjà longue réalisation de sites sur les vénérables pierres romanes, les images du Jugement dernier des X-XIIe siècles.
☞Des Au temps des grandes angoisses médiévales la question de l'après-mort surplombait de façon prédominante les croyances des populations : il y aurait une étape à franchir non seulement de l'ordre du jugement singulier mais aussi du Jugement dernier à la fin des temps.
Saisir l'enjeu de la vie humaine dans l'espace spirituel roman suppose de partir du présupposé que le cheminement vers la patrie céleste est empêché lorsque les actions humaines sont moins régies par le spirituel que par la dimension animale de l'homme qui tire l’être complexe qu’est ce dernier vers le bas.
Les images romanes présentées ont montré que l’iconographie du Jugement dernier a plus retenu l’intérêt des commanditaires et des artistes par ses figurations des souffrances post-mortem que par ses représentations paradisiaques. Autant les visions infernales des scènes diaboliques offrant aux fidèles une évocation potentielle terrifiante, et qui se voulaient par là-même édifiantes de leur avenir, génèrent un profond émoi, autant les perspectives paradisiaques plus sereines des processions d’élus jouissant de la vision béatifique n’ont pas le côté spectaculaire des premières.
** Une fois réalisée la pesée des âmes au jour du Jugement dernier les justes sont séparés des mauvais.
Alors que les premiers vêtus sont guidés vers les portes de la Jérusalem céleste où les attendent les joies paradisiaques, les seconds nus et terrifiés sont conduits par les êtres démoniaques vers les feux infernaux.
Aux tourments de l'Enfer associés à une mauvaise conduite terrestre s'opposent toujours les modèles du bon fidèle admis au Paradis.
Guillaume Durand de Mende, évêque du XIIIe siècle, écrivait : « Parfois, on peint le paradis dans l'église, afin que sa vue invite à l'amour et à la recherche des récompenses célestes ; parfois, aussi, on y représente l'enfer, afin de détourner les hommes des vices par la terreur des supplices " ( 2005, p. 76 ).
Au cœur du message chrétien, au Moyen Âge, se trouve l'espoir d'être sauvé et l'angoisse d'être condamné lors du Jugement Dernier. Les morts seront alors jugés par Dieu selon leur foi et leurs œuvres (les actions accomplies pendant leur vie) : les élus iront au paradis, les réprouvés en enfer.
** Images de la pesée des âmes
A la fin des temps, lors du dernier Avènement, suite à la pesée des âmes, les mauvais seront séparés des justes. D'un côté, les boucs seront l'objet des tourments infernaux, de l'autre, les brebis connaîtront les joies célestes.
Tympan du Jugement dernier. Cathédrale Saint-Lazare, Autun, Saône-et-Loire.
Voici venue l'heure du Jugement dernier, la main de Dieu tient la balance: c'est la pesée des âmes ; Saint Michel Archange fait pencher la balance du côté des élus : c'est que, dans ce contexte, l'âme des élus pèse plus lourd que celle des damnés. Malgré les efforts du monstre infernal la balance penche du côté de l'archange saint Michel. A sa gauche, côté damnés, cuirassés comme des insectes, les affreux démons grimaçants à longues pattes hurlent leur fureur de voir échapper leurs proies ... Le petit monstre dans la balance a l'air de grogner: "si j'avais su !"
La balance de la pesée des âmes - dont le fléau a disparu - est installée au-dessus d'un sarcophage d'où dépasse une tête humaine. Bien qu'un démon appuie sur un plateau de la balance cette dernière penche malgré tout en faveur du paradis.
La pesée des âmes inspirera les tailleurs de pierre tant des grandes que des petites églises. Chaque vie aboutit aux plateaux de la balance ; le résultat de la pesée n’est pas connu à l’avance.
Eglise Saint-Trophime, Arles, Bouches-du-Rhône.
Un superbe archange saint Michel effectue la pesée des âmes. Un petit personnage nu est une âme en attente du Jugement.
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Abbaye aux Dames, Saintes, Charente-Maritime.
Une très belle pesée des âmes.
Eglise de Saint-Révérien, Nièvre
Ici c'est la main divine elle-même qui tient la balance. Malgré les efforts du monstre infernal la balance penche du côté de l'archange Saint-Michel qui attire à lui les justes.
Réemploi roman de l'église de Saujon, Charente-Maritime.
Remarquable version saintongeaise de la pesée des âmes avec un curieux démon tout tacheté.
Eglise Santa Maria de l'Estany, Catalogne.
La même inspiration et le même type de représentation se retrouvent de l'autre côté desPyrénées. Ainsi saint Michel majestueux et le diable affreux tiennent la balance.
☞Des représentations chrétiennes originales romanes du chemin de la vie.
* L’église de Saint-Jouin-de-Marnes ( Deux-Sèvres ) offre une belle page sculptée - ci-dessous - relatant le cheminement médiéval du croyant vers Dieu avec le modèle des saints ( Pierre, Jouin et un autre non dénommé ) et l’intercession de Marie. Cette dernière fait ici figure de médiatrice entre les pèlerins de la vie et son divin fils.
*L'échelle du Salut
L'abbaye Sainte-Marie-des-Dames de Saintes est passée à la célébrité sous l'appellation d'Abbaye-aux-Dames.
La nouvelle façade occidentale du XIIe siècle, tripartite, comprend un portail central sans tympan et deux arcades latérales aveugles.
L'arcade aveugle nord à gauche du portail de l'abbaye-aux Dames de Saintes serait une mise en scène du thème iconographique de l'Echelle du Salut afin d'exalter les vertus de la vie spirituelle.
Les figures des âmes nimbées tenant un livre s'élèvent dans les rinceaux pour s'approcher du Christ.
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