CROIRE A L'ENTREE DU XXIe siècle.
VOIES PLURIELLES OU VOIX A ENTENDRE ?
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Un nouveau paysage spirituel permet de mieux comprendre notre époque marquée par le manque de repères pour baliser le chemin de notre existence.
La fin du XXe siècle aura été marquée par le reflux des grandes grandes croyances collectives et la montée de l'individualisme. Les rapports au monde changent ; le champ religieux se transforme dans une société en mouvement. Sur une toile de fond d'indifférence, il arrive que les questions majeures de notre présence au monde - vie, mort - continuent à apparaître comme un appel de sens.
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De chaque côté du portail deux chapiteaux de facture étrange et naïve représentent la Cruxifixion. Sous les bras de la croix sont représentés la Vierge Marie et l'apôtre saint Jean. Au-dessus de la traverse sont figurés le soleil - le petit cône en écailles - et la lune personnifiée. De plus, les autres personnages à droite semblent évoquer la création de l'homme et de la femme.
Eglise Saint-Georges, XI-XII e siècles, Le Vigeant, Vienne
LES HOMMES ENTRE
Le siècle nouveau s'ouvre en tous les domaines par un point d'interrogation ? Qu'en sera-t-il, notamment, du " croire " , c'est-à-dire des rapports entre ce monde et un au-delà des apparences objectives de la réalité ? Le siècle qui se clôt a été un siècle de changements ; mais, n'en a-t-il pas été toujours ainsi ? Si, seules les sociétés immobiles, dites traditionnelles, n'ont pas d'histoire, dire que le monde évolue est une banalité, mais il est vrai qu'il évolue plus rapidement que jadis. Le XX e siècle a pu être qualifié de " siècle du changement " ( René Rémond, 2000, p. 22 ) car aucun autre n'avait connu de mutations aussi générales, aussi rapides et aussi profondes sur les plans scientifique, technique, économique, démographique, social, politique, culturel, religieux. La sphère religieuse qui nous intéresse ici n' a pas été sans être influencée par les évolutions qui se sont opérées en arrière-fond dans la société durant le dernier siècle écoulé. L'accélération du mouvement qui s'empare de nos sociétés occidentales et les traverse les transforme entièrement ; les rapports au monde s'en trouvent bouleversés. Les schémas de compréhension de la société et de nos contemporains peuvent se ramener, d'une part, à l'affaissement général des structures traditionnelles et des arguments d'autorité, et d'autre part, au mouvement croissant d'émancipation et d'autonomisation des individus. La mise en cause de tous les éléments de stabilité traditionnels de la vie sociale ( partis politiques, Eglises instituées, organisations syndicales, famille ) fait qu'une partie de la population ressent fortement la disparition de ses repères. La perte d'influence de ces structures organisatrices du tissu sociétal fait que le lien social se relâche fortement, ce qui contribue à rendre peu confortable la situation d'un certain nombre de nos contemporains.
La société, qui n'est plus unifiée par des valeurs communes, est de plus en plus régie par la seule individualisation des comportements. Si cette légitimation de l'individu n'est pas nouvelle, s'inscrivant dans l'histoire longue, elle se se poursuit et s'accélère, cependant, " aujourd'hui dans un cadre largement inédit, à savoir la pleine légitimation sociale de la construction individualiste d'un rapport au sens, à l'autre et au monde " ( Patrick Michel, 2004, p. 17).
La période historique que nous vivons en Occident est peut-être la première où une religion ou une idéologie ne surplombent pas un ensemble social avec leur projet global d'avenir mobilisateur dans la mesure où, à tort ou à raison, il était porteur d'espérance, avec leur appareil de pouvoir et leurs arguments d'autorité en matière de pensée, de normes collectives et de mœurs.
Après l'éclipse des religions révélées, après l'émergence et l'effacement du messianisme de statut terrestre qu'était le marxisme, et compte tenu des avancées de la technoscience, la vieille question du sens de l'existence ne trouve plus véritablement d'espace où s'exposer globalement. Les interrogations premières sur le sens des choses et sur les fins dernières sont réservées à l'intimité de la conscience individuelle.
Dans les sociétés contemporaines, la religion est ramenée à une sphère spécialisée et privative qui tend à se rétrécir de plus en plus sous l'influence du processus historique de la sécularisation. La sphère religieuse et la sphère sociale, jadis en étroite connexion, sont de plus en plus séparées. D'une façon générale, il n'était pas nécessaire autrefois d'être croyant convaincu pour connaître les idées et les valeurs qu'incarnait le christianisme. Le patrimoine religieux était partie constitutif de la culture générale.
En revanche, les préoccupations d'ordre religieux paraissent bien étrangères à l'homme d'aujourd'hui qui, s'il doit s'adonner à un culte, privilégiera celui du corps et de la forme physique.
Prenant appui sur la proclamation moderne du droit de chacun à son propre accomplissement, la considération du bien-être dans ce monde a pris le pas sur l’interrogation existentielle de l’éventuelle survie. En tout cas, les liens socio - religieux séculaires se distendent pour faire place à l'individualisation des formes d'identification faisant émerger éventuellement des formes inédites de sociabilité religieuse comme nous le verrons plus avant.
De référence organisatrice de l’ensemble social et de norme collective la religion tend à devenir de plus en plus une sphère singulière du champ social et une option privée parmi d’autres.
Les sociétés modernes fortement soumises au changement manifestent une grande diversité de rapports au monde. La quête d'autonomie personnelle est développée à l'extrême. Les règles juridiques établies, les convenances sociales et les prescriptions religieuses gouvernent de moins en moins la sphère intime des comportements individuels. Ce qui était naguère perçu comme déviant fait peu à peu partie de l'ordre contemporain des choses.
Bref, nous vivons dans des sociétés où les références explicites aux valeurs communes impulsées d'en haut ( Etat, autorités religieuses ) ne tendent plus à déterminer les comportements individuels. La sortie de la société dite de chrétienté ne signifie pas pour autant la fin du croire contemporain, mais nous assistons à l'affaiblissement de la fonction religieuse régulatrice et organisatrice de l'espace social.
L'entrée dans le XXI e siècle signifie un nouvel âge marqué par le pluralisme religieux. Au total, le christianisme se heurte à notre époque à deux tendances de sens opposés : d'une part, un mouvement fort de sécularisation de la société, de l'autre, une dérégulation des croyances et un foisonnement pluriel du religieux.
Après s'être interrogé sur la question de l'affaiblissement ou du retour du religieux dans nos sociétés, nous verrons comment le nouveau paysage religieux a des conséquences importantes sur l'organisation du vivre-ensemble dans une société devenue multi-culturelle et quels défis il impose à la foi chrétienne.
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