Représentations à caractère obscène
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D'autres types d’images soulèvent encore davantage d'interrogations que les catégories précédemment étudiées n'en ont posées. Il s'agit de scènes représentant des hommes et des femmes qui n'hésitent pas à offrir au regard cette part de leur intimité qui est d'ordinaire cachée.
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* Eglise de Vinax, Charente-Maritime
** Vestige roman de la cathédrale gothique de Luçon, Vendée
Quel pouvait être le sens de ces sculptures évoquant de façon très apparente des sexes masculins ou féminins, des étreintes physiques que l'on trouve non seulement dans les petits édifices ruraux mais parfois aussi dans les cathédrales, sous les corniches extérieures mais aussi parfois sous certaines corniches intérieures, dans un coin discret mais également parfois offerts à la vue de tous, sur les façades et sur les chevets, sur des modillons mais aussi sur des chapiteaux?
Avec ces parties intimes de l'être humain explicitement dévoilées, on peut sembler très loin de la béatitude. Or, un édifice roman n'est-il pas d'abord un édifice sacré et ne devons-nous pas nous attendre à y trouver des représentations sculptées exprimant une perspective chrétienne du monde ?
Comme nous le rappelions ci-dessus on peut penser que les thèmes des sculptures sont d'ordinaire prescrits expressément par le commanditaire. Peut-être n’en est-il pas ainsi pour l’ensemble de la statuaire romane ? A côté des grands programmes iconographiques ou des motifs symboliques imposés des façades et des chapiteaux du sanctuaire ou des porches y-a-t-il des espaces de liberté moins soumis au contrôle strict du maître d’ouvrage ?
Le sculpteur peut laisser davantage libre cours à son imagination, à ses préoccupations courantes, à la quotidienneté vécue ( activités laborieuses mais aussi festives, amour, objets...), au cadre de vie, animaux et végétaux. Il est permis de penser que la statuaire romane est aussi pleinement le reflet d'une société et d'une époque. Ce qui nous vaut des scènes réalistes ou fabuleuses, pittoresques ou grotesques, terre à terre ou parfois à message, archaïques et naïves ou remarquables et d'une grande habileté selon le talent du tailleur de pierre.
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* Ancienne abbaye de Nouaillé-Maupertuis, Vienne
** Eglise de Fontaine-d'Ozillac, Charente-Maritime
C'est dans cette perspective générale qu'il convient sans doute d'appréhender les représentations réalistes des parties sexuelles des êtres humains qui peuvent paraître osées, crues, grivoises, érotiques, obscènes ; mais dans quelle mesure et à quel point l'étaient-elles pour les imagiers du Moyen Age ?
A priori il est loisible de penser que doivent paraître obscènes, luxurieux les comportements jugés répréhensibles par l’éthique dominante de l’époque telle que la révèle la littérature du temps. Or, les textes médiévaux sont pour une grande part l’oeuvre de religieux écrivant pour d’autres clercs formés pour avoir une défiance envers la gent féminine, la nudité des corps et les comportements sexuels.
Dans ces conditions quel peut être le sens de ces images de pierre à caractère licencieux : dénonciation de la chair, source d’enseignement, figurations allégoriques, simple produit d’une culture populaire... ?